LES SEPT SACREMENTS

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DEUXIÈME SECTION
LES SEPT SACREMENTS DE ÉGLISE

1210 Les sacrements de la Loi Nouvelle sont institués par le Christ et ils sont au nombre de sept, à savoir le Baptême, la Confirmation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Onction des malades, l’Ordre et le Mariage. Les sept sacrements touchent toutes les étapes et tous les moments importants de la vie du chrétien : ils donnent naissance et croissance, guérison et mission à la vie de foi des chrétiens. En cela il existe une certaine ressemblance entre les étapes de la vie naturelle et les étapes de la vie spirituelle (cf. S. Thomas d’A., s. th. 3, 65, 1).

1211 En suivant cette analogie on exposera d’abord les trois sacrements de l’initiation chrétienne (chapitre premier), ensuite les sacrements de guérison (chapitre deuxième), enfin les sacrements qui sont au service de la communion et de la mission des fidèles (chapitre troisième). Cet ordre n’est, certes, pas le seul possible, mais il permet de voir que les sacrements forment un organisme en lequel chaque sacrement particulier a sa place vitale. Dans cet organisme, l’Eucharistie tient une place unique en tant que " sacrement des sacrements " : " tous les autres sacrements sont ordonnés à celui-ci comme à leur fin " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 65, 3).

CHAPITRE PREMIER
LES SACREMENTS DE L’INITIATION CHRÉTIENNE

1212 Par les sacrements de l’initiation chrétienne, le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie, sont posés les fondements de toute vie chrétienne. " La participation à la nature divine, donnée aux hommes par la grâce du Christ, comporte une certaine analogie avec l’origine, la croissance et le soutien de la vie naturelle. Nés à une vie nouvelle par le Baptême, les fidèles sont en effet fortifiés par le sacrement de Confirmation et reçoivent dans l’Eucharistie le pain de la vie éternelle. Ainsi, par ces sacrements de l’initiation chrétienne, ils reçoivent toujours davantage les richesses de la vie divine et s’avancent vers la perfection de la charité " (Paul VI, const. ap. " Divinæ consortium naturæ " ; cf. OICA prænotanda 1-2).

ARTICLE 1
LE SACREMENT DU BAPTÊME

1213 Le saint Baptême est le fondement de toute la vie chrétienne le porche de la vie dans l’Esprit (vitæ spiritualis ianua) et la porte qui ouvre l’accès aux autres sacrements. Par le Baptême nous sommes libérés du péché et régénérés comme fils de Dieu, nous devenons membres du Christ et nous sommes incorporés à l’Église et faits participants à sa mission (cf. Cc. Florence : DS 1314 ; CIC, can. 204, § 1 ; 849 ; CCEO, can. 675, § 1) : " Le Baptême est le sacrement de la régénération par l’eau et dans la parole " (Catech. R. 2, 2, 5).

I. Comment est appelé ce sacrement ?

1214 On l’appelle Baptême selon le rite central par lequel il est réalisé : baptiser (en grec baptizein) signifie " plonger ", " immerger " ; la " plongée " dans l’eau symbolise l’ensevelissement du catéchumène dans la mort du Christ d’où il sort par la résurrection avec lui (cf. Rm 6, 3-4 ; Col 2, 12), comme " nouvelle créature " (2 Co 5, 17 ; Ga 6, 15).

1215 Ce sacrement est aussi appelé " le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint " (Tt 3, 5), car il signifie et réalise cette naissance de l’eau et de l’Esprit sans laquelle " nul ne peut entrer au Royaume de Dieu " (Jn 3, 5).

1216 " Ce bain est appelé illumination, parce que ceux qui reçoivent cet enseignement [catéchétique] ont l’esprit illuminé ... " (S. Justin, apol. 1, 61, 12). Ayant reçu dans le Baptême le Verbe, " la lumière véritable qui illumine tout homme " (Jn 1, 9), le baptisé, " après avoir été illuminé " (He 10, 32) est devenu " fils de lumière " (1 Th 5, 5), et " lumière " lui-même (Ep 5, 8) :

Le Baptême est le plus beau et le plus magnifique des dons de Dieu... Nous l’appelons don, grâce, onction, illumination, vêtement d’incorruptibilité, bain de régénération, sceau, et tout ce qu’il y a de plus précieux. Don, parce qu’il est conféré à ceux qui n’apportent rien ; grâce, parce qu’il est donné même à des coupables ; Baptême, parce que le péché est enseveli dans l’eau ; onction, parce qu’il est sacré et royal (tels sont ceux qui sont oints) ; illumination, parce qu’il est lumière éclatante ; vêtement, parce qu’il voile notre honte ; bain, parce qu’il lave ; sceau, parce qu’il nous garde et qu’il est le signe de la seigneurie de Dieu (S. Grégoire de Naz., or. 40, 3-4 : PG 36, 361C).

II. Le Baptême dans l’économie du salut

Les préfigurations du Baptême dans l’Ancienne Alliance

1217 Dans la liturgie de la Nuit Pascale, lors de la bénédiction de l’eau baptismale, l’Église fait solennellement mémoire des grands événements de l’histoire du salut qui préfiguraient déjà le mystère du Baptême :

Par ta puissance, Seigneur, tu accomplis des merveilles dans tes sacrements, et au cours de l’histoire du salut tu t’es servi de l’eau, ta créature, pour nous faire connaître la grâce du Baptême (MR, Vigile pascale 42 : bénédiction de l’eau baptismale).

1218 Depuis l’origine du monde, l’eau, cette créature humble et admirable, est la source de la vie et de la fécondité. L’Écriture Sainte la voit comme " couvée " par l’Esprit de Dieu (cf. Gn 1, 2) :

Dès le commencement du monde, c’est ton Esprit qui planait sur les eaux pour qu’elles reçoivent en germe la force qui sanctifie (MR, Vigile pascale 42 : bénédiction de l’eau baptismale).

1219 L’Église a vu dans l’Arche de Noé une préfiguration du salut par le Baptême. En effet, par elle " un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvés par l’eau " (1 P 3, 20) :

Par les flots du déluge, tu annonçais le Baptême qui fait revivre, puisque l’eau y préfigurait également la mort du péché et la naissance de toute justice (MR, Vigile pascale 42 : bénédiction de l’eau baptismale).

1220 Si l’eau de source symbolise la vie, l’eau de la mer est un symbole de la mort. C’est pourquoi il pouvait figurer le mystère de la Croix. De par ce symbolisme le baptême signifie la communion avec la mort du Christ.

1221 C’est surtout la traversée de la Mer Rouge, véritable libération d’Israël de l’esclavage d’Égypte, qui annonce la libération opérée par le Baptême :

Aux enfants d’Abraham, tu as fait passer la mer Rouge à pied sec pour que la race libérée de la servitude préfigure le peuple des baptisés (ibid.).

1222 Enfin, le Baptême est préfiguré dans la traversée du Jourdain, par laquelle le peuple de Dieu reçoit le don de la terre promise à la descendance d’Abraham, image de la vie éternelle. La promesse de cet héritage bienheureux s’accomplit dans la nouvelle Alliance.

Le Baptême du Christ

1223 Toutes les préfigurations de l’Ancienne Alliance trouvent leur achèvement dans le Christ Jésus. Il commence sa vie publique après s’être fait baptiser par S. Jean le Baptiste dans le Jourdain (cf. Mt 3, 13), et, après sa résurrection, il donne cette mission aux apôtres : " Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit " (Mt 28, 19-20 ; cf. Mc 16, 15-16).

1224 Notre Seigneur s’est volontairement soumis au Baptême de S. Jean, destiné aux pécheurs, pour " accomplir toute justice " (Mt 3, 15). Ce geste de Jésus est une manifestation de son " anéantissement " (Ph 2, 7). L’Esprit qui planait sur les eaux de la première création, descend alors sur le Christ, en prélude de la nouvelle création, et le Père manifeste Jésus comme son " Fils bien-aimé " (Mt 3, 16-17).

1225 C’est dans sa Pâque que le Christ a ouvert à tous les hommes les sources du Baptême. En effet, il avait déjà parlé de sa passion qu’il allait souffrir à Jérusalem comme d’un " Baptême " dont il devait être baptisé (Mc 10, 38 ; cf. Lc 12, 50). Le Sang et eau qui ont coulé du côté transpercé de Jésus crucifié (Jn 19, 34) sont des types du Baptême et de l’Eucharistie, sacrements de la vie nouvelle (cf. 1 Jn 5, 6-8) : dès lors, il est possible " de naître de l’eau et de l’Esprit " pour entrer dans le Royaume de Dieu (Jn 3, 5).

Vois où tu es baptisé, d’où vient le Baptême, sinon de la croix du Christ, de la mort du Christ. Là est tout le mystère : il a souffert pour toi. C’est en lui que tu es racheté, c’est en lui que tu es sauvé, et, à ton tour tu deviens sauveur (S. Ambroise, sacr. 2, 6 : PL 16, 425C).

Le Baptême dans l’Église

1226 Dès le jour de la Pentecôte, l’Église a célébré et administré le saint Baptême. En effet, S. Pierre déclare à la foule bouleversée par sa prédication : " Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit " (Ac 2, 38). Les Apôtres et leurs collaborateurs offrent le Baptême à quiconque croit en Jésus : juifs, craignants-Dieu, païens (cf. Ac 2, 41 ; 8, 12-13 ; 10, 48 ; 16, 15). Toujours le Baptême apparaît comme lié à la foi : " Crois au Seigneur Jésus ; alors tu seras sauvé, toi et toute ta maison ", déclare S. Paul à son geôlier de Philippes. Le récit continue : " Le geôlier reçut le Baptême sur-le-champ, lui et tous les siens " (Ac 16, 31-33).

1227 Selon l’apôtre S. Paul, par le Baptême le croyant communie à la mort du Christ ; il est enseveli et il ressuscite avec lui :

Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle (Rm 6, 3-4 ; cf. Col 2, 12).

Les baptisés ont " revêtu le Christ " (Ga 3, 27). Par l’Esprit Saint, le Baptême est un bain qui purifie, sanctifie et justifie (cf. 1 Co 6, 11 ; 12, 13).

1228 Le Baptême est donc un bain d’eau en lequel " la semence incorruptible " de la Parole de Dieu produit son effet vivificateur (cf. 1 P 1, 23 ; Ep 5, 26). S. Augustin dira du Baptême : " La parole rejoint l’élément matériel et cela devient un sacrement " (ev. Jo. 80, 3).

III. Comment est célébré le sacrement du baptême ?

L’initiation chrétienne

1229 Devenir chrétien, cela se réalise dès les temps des apôtres par un cheminement et une initiation à plusieurs étapes. Ce chemin peut être parcouru rapidement ou lentement. Il devra toujours comporter quelques éléments essentiels : l’annonce de la Parole, l’accueil de l’Évangile entraînant une conversion, la profession de foi, le Baptême, l’effusion de l’Esprit Saint, l’accès à la communion eucharistique.

1230 Cette initiation a beaucoup varié au cours des siècles et selon les circonstances. Aux premiers siècles de l’Église, l’initiation chrétienne a connu un grand déploiement, avec une longue période de catéchuménat et une suite de rites préparatoires qui jalonnaient liturgiquement le chemin de la préparation catéchuménale et qui aboutissaient à la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne.

1231 Là où le Baptême des enfants est devenu largement la forme habituelle de la célébration de ce sacrement, celle-ci est devenue un acte unique qui intègre de façon très abrégée les étapes préalables à l’initiation chrétienne. De par sa nature même le Baptême des enfants exige un catéchuménat postbaptismal. Il ne s’agit pas seulement du besoin d’une instruction postérieure au baptême, mais de l’épanouissement nécessaire de la grâce baptismale dans la croissance de la personne. C’est le lieu propre du catéchisme.

1232 Le deuxième Concile du Vatican a restauré, pour l’Église latine, " le catéchuménat des adultes, distribué en plusieurs étapes " (SC 64). On en trouve les rites dans l’Ordo initiationis christianæ adultorum (1972). Le Concile a par ailleurs permis que, " outre les éléments d’initiation fournis par la tradition chrétienne ", on admette, en terre de mission, " ces autres éléments d’initiation dont on constate la pratique dans chaque peuple, pour autant qu’on peut les adapter au rite chrétien " (SC 65 ; cf. SC 37-40).

1233 Aujourd’hui, donc, dans tous les rites latins et orientaux, l’initiation chrétienne des adultes commence dès leur entrée en catéchuménat, pour atteindre son point culminant dans une seule célébration des trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie (cf. AG 14 ; CIC, can. 851 ; 865 ; 866). Dans les rites orientaux l’initiation chrétienne des enfants commence au Baptême suivi immédiatement par la Confirmation et l’Eucharistie, tandis que dans le rite romain elle se poursuit durant des années de catéchèse, pour s’achever plus tard avec la Confirmation et l’Eucharistie, sommet de leur initiation chrétienne (cf. CIC, can. 851, 2° ; 868).

La mystagogie de la célébration

1234 Le sens et la grâce du sacrement du Baptême apparaissent clairement dans les rites de sa célébration. C’est en suivant, avec une participation attentive, les gestes et les paroles de cette célébration que les fidèles sont initiés aux richesses que ce sacrement signifie et réalise en chaque nouveau baptisé.

1235 Le signe de la croix, au seuil de la célébration, marque l’empreinte du Christ sur celui qui va lui appartenir et signifie la grâce de la rédemption que le Christ nous a acquis par sa croix.

1236 L’annonce de la Parole de Dieu illumine de la vérité révélée les candidats et l’assemblée, et suscite la réponse de la foi, inséparable du Baptême. En effet, le Baptême est d’une façon particulière " le sacrement de la foi " puisqu’il est l’entrée sacramentelle dans la vie de foi.

1237 Puisque le Baptême signifie la libération du péché et de son instigateur, le diable, on prononce un (ou plusieurs) exorcisme(s) sur le candidat. Il est oint de l’huile des catéchumènes ou bien le célébrant lui impose la main, et il renonce explicitement à Satan. Ainsi préparé, il peut confesser la foi de l’Église à laquelle il sera " confié " par le Baptême (cf. Rm 6, 17).

1238 L’eau baptismale est alors consacrée par une prière d’épiclèse (soit au moment même, soit dans la nuit pascale). L’Église demande à Dieu que, par son Fils, la puissance du Saint-Esprit descende dans cette eau, afin que ceux qui y seront baptisés " naissent de l’eau et de l’Esprit " (Jn 3, 5).

1239 Suit alors le rite essentiel du sacrement : le Baptême proprement dit, qui signifie et réalise la mort au péché et l’entrée dans la vie de la Très Sainte Trinité à travers la configuration au Mystère pascal du Christ. Le Baptême est accompli de la façon la plus significative par la triple immersion dans l’eau baptismale. Mais depuis l’antiquité il peut aussi être conféré en versant par trois fois l’eau sur la tête du candidat.

1240 Dans l’Église latine, cette triple infusion est accompagnée par les paroles du ministre : " N., je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ". Dans les liturgies orientales, le catéchumène étant tourné vers l’Orient, le prêtre dit : " Le serviteur de Dieu, N., est baptisé au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ". Et à l’invocation de chaque personne de la Très Sainte Trinité, il le plonge dans l’eau et le relève.

1241 L’onction du saint chrême, huile parfumée consacrée par l’évêque, signifie le don de l’Esprit Saint au nouveau baptisé. Il est devenu un chrétien, c’est-à-dire " oint " de l’Esprit Saint, incorporé au Christ, qui est oint prêtre, prophète et roi (cf. OBP 62).

1242 Dans la liturgie des Églises d’Orient, l’onction postbaptismale est le sacrement de la Chrismation (Confirmation). Dans la liturgie romaine, elle annonce une seconde onction de saint chrême que donnera l’évêque : le sacrement de la Confirmation qui, pour ainsi dire, " confirme " et achève l’onction baptismale.

1243 Le vêtement blanc symbolise que le baptisé a " revêtu le Christ " (Ga 3, 27) : est ressuscité avec le Christ. Le cierge, allumé au cierge pascal, signifie que le Christ a illuminé le néophyte. Dans le Christ, les baptisés sont " la lumière du monde " (Mt 5, 14 ; cf. Ph 2, 15).

Le nouveau baptisé est maintenant enfant de Dieu dans le Fils Unique. Il peut dire la prière des enfants de Dieu : le Notre Père.

1244 La première communion eucharistique. Devenu enfant de Dieu, revêtu de la robe nuptiale, le néophyte est admis " au festin des noces de l’Agneau " et reçoit la nourriture de la vie nouvelle, le Corps et le Sang du Christ. Les Églises orientales gardent une conscience vive de l’unité de l’initiation chrétienne en donnant la sainte Communion à tous les nouveaux baptisés et confirmés, même aux petits enfants, se souvenant de la parole du Seigneur : " Laissez venir à moi les petits enfants, ne les empêchez pas " (Mc 10, 14). L’Église latine, qui réserve l’accès à la sainte Communion à ceux qui ont atteint l’âge de raison, exprime l’ouverture du Baptême sur l’Eucharistie en approchant de l’autel l’enfant nouveau baptisé pour la prière du Notre Père.

1245 La bénédiction solennelle conclut la célébration du Baptême. Lors du Baptême de nouveau-nés la bénédiction de la mère tient une place spéciale.

IV. Qui peut recevoir le baptême ?

1246 " Tout être humain non encore baptisé, et lui seul, est capable de recevoir le Baptême " (CIC, can. 864 ; CCEO, can. 679).

Le Baptême des adultes

1247 Depuis les origines de l’Église, le Baptême des adultes est la situation la plus courante là où l’annonce de l’Évangile est encore récente. Le catéchuménat (préparation au Baptême) tient alors une place importante. Initiation à la foi et à la vie chrétienne, il doit disposer à l’accueil du don de Dieu dans le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie.

1248 Le catéchuménat, ou formation des catéchumènes, a pour but de permettre à ces derniers, en réponse à l’initiative divine et en union avec une communauté ecclésiale, de mener leur conversion et leur foi à maturité. Il s’agit d’une " formation à la vie chrétienne intégrale... par laquelle les disciples sont unis au Christ leur Maître. Les catéchumènes doivent donc être initiés ... aux mystères du salut et à la pratique d’une vie évangélique, et introduits, par des rites sacrés, célébrés à des époques successives, dans la vie de la foi, de la liturgie et de la charité du Peuple de Dieu " (AG 14 ; cf. OICA 19 et 98).

1249 Les catéchumènes " sont déjà unis à l’Église, ils sont déjà de la maison du Christ, et il n’est pas rare qu’ils mènent une vie de foi, espérance et charité " (AG 14). " La Mère Église les enveloppe déjà comme siens dans son amour en prenant soin d’eux " (LG 14 ; cf. CIC, can. 206 ; 788, § 3).

Le Baptême des enfants

1250 Naissant avec une nature humaine déchue et entachée par le péché originel, les enfants eux aussi ont besoin de la nouvelle naissance dans le Baptême (cf. DS 1514) afin d’être libérés du pouvoir des ténèbres et d’être transférés dans le domaine de la liberté des enfants de Dieu (cf. Col 1, 12-14), à laquelle tous les hommes sont appelés. La pure gratuité de la grâce du salut est particulièrement manifeste dans le Baptême des enfants. L’Église et les parents priveraient dès lors l’enfant de la grâce inestimable de devenir enfant de Dieu s’ils ne lui conféraient le Baptême peu après la naissance (cf. CIC, can. 867 ; CCEO, can. 681 ; 686, 1).

1251 Les parents chrétiens reconnaîtront que cette pratique correspond aussi à leur rôle de nourricier de la vie que Dieu leur a confiés (cf. LG 11 ; 41 ; GS 48 ; CIC, can. 868).

1252 La pratique de baptiser les petits enfants est une tradition immémoriale de l’Église. Elle est attestée explicitement depuis le deuxième siècle. Il est cependant bien possible que, dès le début de la prédication apostolique, lorsque des " maisons " entières ont reçu le Baptême (cf. Ac 16, 15. 33 ; 18, 8 ; 1 Co 1, 16), on ait aussi baptisé les enfants (cf. CDF, instr. " Pastoralis actio ").

Foi et Baptême

1253 Le Baptême est le sacrement de la foi (cf. Mc 16, 16). Mais la foi a besoin de la communauté des croyants. Ce n’est que dans la foi de l’Église que chacun des fidèles peut croire. La foi qui est requise pour le Baptême n’est pas une foi parfaite et mûre, mais un début qui est appelé à se développer. Au catéchumène ou à son parrain on demande : " Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? " Et il répond : " La foi ! ".

1254 Chez tous les baptisés, enfants ou adultes, la foi doit croître après le Baptême. C’est pour cela que l’Église célèbre chaque année, dans la nuit pascale, le renouvellement des promesses du Baptême. La préparation au Baptême ne mène qu’au seuil de la vie nouvelle. Le Baptême est la source de la vie nouvelle dans le Christ de laquelle jaillit toute la vie chrétienne.

1255 Pour que la grâce baptismale puisse se déployer, l’aide des parents est importante. C’est là aussi le rôle du parrain ou de la marraine, qui doivent être des croyants solides, capables et prêts à aider le nouveau baptisé, enfant ou adulte, sur son chemin dans la vie chrétienne (cf. CIC, can. 872-874). Leur tâche est une véritable fonction ecclésiale (" officium " ; cf. SC 67) Toute la communauté ecclésiale porte une part de responsabilité dans le déploiement et la garde de la grâce reçue au Baptême.

V. Qui peut baptiser ?

1256 Sont ministres ordinaires du Baptême l’évêque et le prêtre, et, dans l’Église latine, aussi le diacre (cf. CIC, can. 861, § 1 ; CCEO, can. 677, § 1). En cas de nécessité, toute personne, même non baptisée, ayant l’intention requise, peut baptiser, en appliquant la formule baptismale trinitaire (cf. CIC 861, § 2). L’intention requise, c’est de vouloir faire ce que fait l’Église en baptisant. L’Église voit la raison de cette possibilité dans la volonté salvifique universelle de Dieu (cf. 1 Tm 2, 4) et dans la nécessité du Baptême pour le salut (cf. Mc 16, 16) (cf. DS 1315 ; 646 ; CIC, can. 861, § 2).

VI. La nécessité du baptême

1257 Le Seigneur lui-même affirme que le Baptême est nécessaire pour le salut (cf. Jn 3, 5). Aussi a-t-il commandé à ses disciples d’annoncer l’Évangile et de baptiser toutes les nations (cf. Mt 28, 20) (cf. DS 1618 ; LG 14 ; AG 5). Le Baptême est nécessaire au salut pour ceux auxquels l’Évangile a été annoncé et qui ont eu la possibilité de demander ce sacrement (cf. Mc 16, 16). L’Église ne connaît pas d’autre moyen que le baptême pour assurer l’entrée dans la béatitude éternelle ; c’est pourquoi elle se garde de négliger la mission qu’elle a reçu du Seigneur de faire " renaître de l’eau et de l’Esprit " tous ceux qui peuvent être baptisés. Dieu a lié le salut au sacrement du Baptême, mais il n’est pas lui-même lié à ses sacrements.

1258 Depuis toujours, l’Église garde la ferme conviction que ceux qui subissent la mort en raison de la foi, sans avoir reçu le Baptême, sont baptisés par leur mort pour et avec le Christ. Ce Baptême du sang, comme le désir du Baptême, porte les fruits du Baptême, sans être sacrement.

1259 Pour les catéchumènes qui meurent avant leur Baptême, leur désir explicite de le recevoir uni à la repentance de leurs péchés et à la charité, leur assure le salut qu’ils n’ont pas pu recevoir par le sacrement.

1260 " Puisque le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé(s) au mystère pascal " (GS 22 ; cf. LG 16 ; AG 7). Tout homme qui, ignorant l’Évangile du Christ et son Église, cherche la vérité et fait la volonté de Dieu selon qu’il la connaît, peut être sauvé. On peut supposer que de telles personnes auraient désiré explicitement le Baptême si elles en avaient connu la nécessité.

1261 Quant aux enfants morts sans Baptême, l’Église ne peut que les confier à la miséricorde de Dieu, comme elle le fait dans le rite des funérailles pour eux. En effet, la grande miséricorde de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés (cf. 1 Tm 2, 4), et la tendresse de Jésus envers les enfants, qui lui a fait dire : " Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas " (Mc 10, 14), nous permettent d’espérer qu’il y ait un chemin de salut pour les enfants morts sans baptême. D’autant plus pressant est aussi l’appel de l’Église à ne pas empêcher les petits enfants de venir au Christ par le don du saint Baptême.

VII. La grâce du baptême

1262 Les différents effets du Baptême sont signifiés par les éléments sensibles du rite sacramentel. La plongée dans l’eau fait appel aux symbolismes de la mort et de la purification, mais aussi de la régénération et du renouvellement. Les deux effets principaux sont donc la purification des péchés et la nouvelle naissance dans l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 38 ; Jn 3, 5).

Pour la rémission des péchés ...

1263 Par le Baptême, tous les péchés sont remis, le péché originel et tous les péchés personnels ainsi que toutes les peines du péché (cf. DS 1316). En effet, en ceux qui ont été régénérés il ne demeure rien qui les empêcherait d’entrer dans le Royaume de Dieu, ni le péché d’Adam, ni le péché personnel, ni les suites du péché, dont la plus grave est la séparation de Dieu.

1264 Dans le baptisé, certaines conséquences temporelles du péché demeurent cependant, tels les souffrances, la maladie, la mort, ou les fragilités inhérentes à la vie comme les faiblesses de caractère, etc., ainsi qu’une inclination au péché que la Tradition appelle la concupiscence, ou, métaphoriquement, " le foyer du péché " (fomes peccati) : " Laissée pour nos combats, la concupiscence n’est pas capable de nuire à ceux qui, n’y consentant pas, résistent avec courage par la grâce du Christ. Bien plus, ‘celui qui aura combattu selon les règles sera couronné’ (2 Tm 2, 5) " (Cc. Trente : DS 1515).

" Une créature nouvelle "

1265 Le Baptême ne purifie pas seulement de tous les péchés, il fait aussi du néophyte " une création nouvelle " (2 Co 5, 17), un fils adoptif de Dieu (cf. Ga 4, 5-7) qui est devenu " participant de la nature divine " (2 P 1, 4), membre du Christ (cf. 1 Co 6, 15 ; 12, 27) et cohéritier avec Lui (Rm 8, 17), temple de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 6, 19).

1266 La Très Sainte Trinité donne au baptisé la grâce sanctifiante, la grâce de la justification qui

– le rend capable de croire en Dieu, d’espérer en Lui et de L’aimer par les vertus théologales ;

– lui donne de pouvoir vivre et agir sous la motion de l’Esprit Saint par les dons du Saint-Esprit ;

– lui permet de croître dans le bien par les vertus morales.

Ainsi, tout l’organisme de la vie surnaturelle du chrétien a sa racine dans le saint Baptême.

Incorporés à l’Église, Corps du Christ

1267 Le Baptême fait de nous des membres du Corps du Christ. " Dès lors, ... ne sommes-nous pas membres les uns des autres ? " (Ep 4, 25). Le Baptême incorpore à l’Église. Des fonts baptismaux naît l’unique peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance qui dépasse toutes les limites naturelles ou humaines des nations, des cultures, des races et des sexes : " Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour ne former qu’un seul corps " (1 Co 12, 13).

1268 Les baptisés sont devenus des " pierres vivantes " pour " l’édification d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint " (1 P 2, 5). Par le Baptême ils participent au sacerdoce du Christ, à sa mission prophétique et royale, ils sont " une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis pour annoncer les louanges de Celui qui (les) a appelés des ténèbres à son admirable lumière " (1 P 2, 9). Le Baptême donne part au sacerdoce commun des fidèles.

1269 Devenu membre de l’Église, le baptisé n’appartient plus à lui-même (1 Co 6, 19), mais à Celui qui est mort et ressuscité pour nous (cf. 2 Co 5, 15). Dès lors il est appelé à se soumettre aux autres (cf. Ep 5, 21 ; 1 Co 16, 15-16), à les servir (cf. Jn 13, 12-15) dans la communion de l’Église, et à être " obéissant et docile " aux chefs de l’Église (He 13, 17) et à les considérer avec respect et affection (cf. 1 Th 5, 12-13). De même que le Baptême est la source de responsabilités et de devoirs, le baptisé jouit aussi de droits au sein de l’Église : à recevoir les sacrements, à être nourri avec la parole de Dieu et à être soutenu par les autres aides spirituelles de l’Église. (cf. LG 37 ; CIC, can. 208-223 ; CCEO, can. 675, 2).

1270 " Devenus fils de Dieu par la régénération [baptismale], (les baptisés) sont tenus de professer devant les hommes la foi que par l’Église ils ont reçue de Dieu " (LG 11) et de participer à l’activité apostolique et missionnaire du Peuple de Dieu (cf. LG 17 ; AG 7, 23).

Le lien sacramentel de l’unité des chrétiens

1271 Le Baptême constitue le fondement de la communion entre tous les chrétiens, aussi avec ceux qui ne sont pas encore en pleine communion avec l’Église catholique : " En effet, ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le Baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique ... Justifiés par la foi reçue au Baptême, incorporés au Christ, ils portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l’Église catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur " (UR 3). " Le Baptême est donc le lien sacramentel d’unité existant entre ceux qui ont été régénérés par lui " (UR 22).

Une marque spirituelle indélébile...

1272 Incorporé au Christ par le Baptême, le baptisé est configuré au Christ (cf. Rm 8, 29). Le Baptême scelle le chrétien d’une marque spirituelle indélébile (" character ") de son appartenance au Christ. Cette marque n’est effacée par aucun péché, même si le péché empêche le Baptême de porter des fruits de salut (cf. DS 1609-1619). Donné une fois pour toutes, le Baptême ne peut pas être réitéré.

1273 Incorporés à l’Église par le Baptême, les fidèles ont reçu le caractère sacramentel qui les consacre pour le culte religieux chrétien (cf. LG 11). Le sceau baptismal rend capable et engage les chrétiens à servir Dieu dans une participation vivante à la sainte Liturgie de l’Église et à exercer leur sacerdoce baptismal par le témoignage d’une vie sainte et d’une charité efficace (cf. LG 10).

1274 Le " sceau du Seigneur " (" Dominicus character " : S. Augustin, ep. 98, 5: PL 33, 362) est le sceau dont l’Esprit Saint nous a marqués " pour le jour de la rédemption " (Ep 4, 30 ; cf. Ep 1, 13-14 ; 2 Co 1, 21-22). " Le Baptême, en effet, est le sceau de la vie éternelle " (S. Irénée, dem. 3). Le fidèle qui aura " gardé le sceau " jusqu’au bout, c’est-à-dire qui sera resté fidèle aux exigences de son Baptême, pourra s’en aller " marqué du signe de la foi " (MR, Canon Romain 97), avec la foi de son Baptême, dans l’attente de la vision bienheureuse de Dieu – consommation de la foi – et dans l’espérance de la résurrection.

En bref

1275 L’initiation chrétienne s’accomplit par l’ensemble de trois sacrements : le Baptême qui est le début de la vie nouvelle ; la Confirmation qui en est l’affermissement ; et l’Eucharistie qui nourrit le disciple avec le Corps et le Sang du Christ en vue de sa transformation en Lui.

1276 " Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit " (Mt 28, 19-20).

1277 Le Baptême constitue la naissance à la vie nouvelle dans le Christ. Selon la volonté du Seigneur il est nécessaire pour le salut, comme l’Église elle-même, à laquelle introduit le Baptême.

1278 Le rite essentiel du Baptême consiste à plonger dans l’eau le candidat ou à verser de l’eau sur sa tête, en prononçant l’invocation de la Très Sainte Trinité, c’est à dire du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

1279 Le fruit du Baptême ou grâce baptismale est une réalité riche qui comporte : la rémission du péché originel et de tous les péchés personnels ; la naissance à la vie nouvelle par laquelle l’homme devient fils adoptif du Père, membre du Christ, temple du Saint-Esprit Par le fait même, le baptisé est incorporé à l’Église, Corps du Christ, et rendu participant du sacerdoce du Christ.

1280 Le Baptême imprime dans l’âme un signe spirituel indélébile, le caractère, qui consacre le baptisé au culte de la religion chrétienne. En raison du caractère le Baptême ne peut pas être réitéré (cf. DS 1609 et 1624).

1281 Ceux qui subissent la mort à cause de la foi, les catéchumènes et tous les hommes qui, sous l’impulsion de la grâce, sans connaître l’Église, cherchent sincèrement Dieu et s’efforcent d’accomplir sa volonté, peuvent être sauvés même s’ils n’ont pas reçu le Baptême (cf. LG 16).

1282 Depuis les temps les plus anciens, le Baptême est administré aux enfants, car il est une grâce et un don de Dieu qui ne supposent pas des mérites humains ; les enfants sont baptisés dans la foi de l’Église. L’entrée dans la vie chrétienne donne accès à la vraie liberté.

1283 Quant aux enfants morts sans Baptême, la liturgie de l’Église nous invite à avoir confiance en la miséricorde divine, et à prier pour leur salut.

1284 En cas de nécessité, toute personne peut baptiser, pourvu qu’elle ait l’intention de faire ce que fait l’Église, et qu’elle verse de l’eau sur la tête du candidat en disant : " Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ".

ARTICLE 2
LE SACREMENT DE LA CONFIRMATION

1285 Avec le Baptême et l’Eucharistie, le sacrement de la Confirmation constitue l’ensemble des " sacrements de l’initiation chrétienne ", dont l’unité doit être sauvegardée. Il faut donc expliquer aux fidèles que la réception de ce sacrement est nécessaire à l’accomplissement de la grâce baptismale (cf. OCf prænotanda 1). En effet, " par le sacrement de Confirmation, le lien des baptisés avec l’Église est rendu plus parfait, ils sont enrichis d’une force spéciale de l’Esprit Saint et obligés ainsi plus strictement à répandre et à défendre la foi par la parole et par l’action en vrais témoins du Christ " (LG 11 ; cf. OCf prænotanda 2).

I. La confirmation dans l’économie du salut

1286 Dans l’Ancien Testament, les prophètes ont annoncé que l’Esprit du Seigneur reposerait sur le Messie espéré (cf. Is 11, 2) en vue de sa mission salvifique (cf. Lc 4, 16-22 ; Is 61, 1). La descente de l’Esprit Saint sur Jésus lors de son baptême par Jean fut le signe que c’était Lui qui devait venir, qu’il était le Messie, le Fils de Dieu (cf. Mt 3, 13-17 ; Jn 1, 33-34). Conçu de l’Esprit Saint, toute sa vie et toute sa mission se réalisent en une communion totale avec l’Esprit Saint que le Père lui donne " sans mesure " (Jn 3, 34).

1287 Or, cette plénitude de l’Esprit ne devait pas rester uniquement celle du Messie, elle devait être communiquée à tout le peuple messianique (cf. Ez 36, 25-27 ; Jl 3, 1-2). A plusieurs reprises le Christ a promis cette effusion de l’Esprit (cf. Lc 12, 12 ; Jn 3, 5-8 ; 7, 37-39 ; 16, 7-15 ; Ac 1, 8), promesse qu’il a réalisée d’abord le jour de Pâques (Jn 20, 22) et ensuite, de manière plus éclatante le jour de la Pentecôte (cf. Ac 2, 1-4). Remplis de l’Esprit Saint, les apôtres commencent à proclamer " les merveilles de Dieu " (Ac 2, 11) et Pierre de déclarer que cette effusion de l’Esprit est le signe des temps messianiques (cf. Ac 2, 17-18). Ceux qui ont alors cru à la prédication apostolique et qui se sont fait baptiser, ont à leur tour reçu le don du Saint-Esprit (cf. Ac 2, 38).

1288 " Depuis ce temps, les apôtres, pour accomplir la volonté du Christ, communiquèrent aux néophytes, par l’imposition des mains, le don de l’Esprit qui porte à son achèvement la grâce du Baptême (cf. Ac 8, 15-17 ; 19, 5-6). C’est pourquoi dans l’Épître aux Hébreux, prend place, parmi les éléments de la première instruction chrétienne, la doctrine sur les Baptêmes et aussi sur l’imposition des mains (cf. He 6, 2). L’imposition des mains est à bon droit reconnue par la tradition catholique comme l’origine du sacrement de la Confirmation qui perpétue, en quelque sorte, dans l’Église, la grâce de la Pentecôte " (Paul VI, const. ap. " Divinæ consortium naturæ ").

1289 Très tôt, pour mieux signifier le don du Saint-Esprit, s’est ajoutée à l’imposition des mains une onction d’huile parfumée (chrême). Cette onction illustre le nom de " chrétien " qui signifie " oint " et qui tire son origine de celui du Christ lui même, lui que " Dieu a oint de l’Esprit Saint " (Ac 10, 38). Et ce rite d’onction existe jusqu’à nos jours, tant en Orient qu’en Occident. C’est pourquoi, en Orient, on appelle ce sacrement chrismation, onction de chrême, ou myron, ce qui signifie " chrême ". En Occident le nom de Confirmation suggère que ce sacrement à la fois confirme le baptême et affermit la grâce baptismale.

Deux traditions : l’Orient et l’Occident

1290 Aux premiers siècles, la Confirmation constitue généralement une unique célébration avec le Baptême, formant avec celui-ci, selon l’expression de S. Cyprien, un " sacrement double ". Parmi d’autres raisons, la multiplication des Baptêmes d’enfants, et ce en tout temps de l’année, et la multiplication des paroisses (rurales), agrandissant les diocèses, ne permettent plus la présence de l’évêque à toutes les célébrations baptismales. En Occident, parce que l’on désire réserver à l’évêque l’achèvement du Baptême s’instaure la séparation temporelle des deux sacrements. L’Orient a gardé unis les deux sacrements, si bien que la confirmation est donnée par le prêtre qui baptise. Celui-ci cependant ne peut le faire qu’avec le " myron " consacré par un évêque (cf. CCEO, can. 695, 1 ; 696, 1).

1291 Une coutume de l’Église de Rome a facilité le développement de la pratique occidentale : grâce à une double onction au saint chrême après le Baptême : accomplie déjà par le prêtre sur le néophyte, au sortir du bain baptismal, elle est achevée par une deuxième onction faite par l’évêque sur le front de chacun des nouveaux baptisés (cf. S. Hippolyte, trad. ap. 21). La première onction au saint chrême, celle que donne le prêtre, est restée rattachée au rite baptismal ; elle signifie la participation du baptisé aux fonctions prophétique, sacerdotale et royale du Christ. Si le Baptême est conféré à un adulte, il n’y a qu’une onction postbaptismale : celle de la Confirmation.

1292 La pratique des Églises d’Orient souligne davantage l’unité de l’initiation chrétienne. Celle de l’Église latine exprime plus nettement la communion du nouveau chrétien avec son évêque, garant et serviteur de l’unité de son Église, de sa catholicité et de son apostolicité, et par là, le lien avec les origines apostoliques de l’Église du Christ.

II. Les signes et le rite de la Confirmation

1293 Dans le rite de ce sacrement, il convient de considérer le signe de l’onction et ce que l’onction désigne et imprime : le sceau spirituel.

L’onction, dans la symbolique biblique et antique, est riche de nombreuses significations : l’huile est signe d’abondance (cf. Dt 11, 14 etc.) et de joie (cf. Ps 23, 5 ; 104, 15), elle purifie (onction avant et après le bain) et elle rend souple (l’onction des athlètes et des lutteurs) ; elle est signe de guérison, puisqu’elle adoucit les contusions et les plaies (cf. Is 1, 6 ; Lc 10, 34) et elle rend rayonnant de beauté, de santé et de force.

1294 Toutes ces significations de l’onction d’huile se retrouvent dans la vie sacramentelle. L’onction avant le Baptême avec l’huile des catéchumènes signifie purification et fortification ; l’onction des malades exprime la guérison et le réconfort. L’onction du saint chrême après le Baptême, dans la Confirmation et dans l’Ordination, est le signe d’une consécration. Par la Confirmation, les chrétiens, c’est-à-dire ceux qui sont oints, participent davantage à la mission de Jésus-Christ et à la plénitude de l’Esprit Saint dont Il est comblé, afin que toute leur vie dégage " la bonne odeur du Christ " (cf. 2 Co 2, 15).

1295 Par cette onction, le confirmand reçoit " la marque ", le sceau de l’Esprit Saint. Le sceau est le symbole de la personne (cf. Gn 38, 18 ; Ct 8, 6), signe de son autorité (cf. Gn 41, 42), de sa propriété sur un objet (cf. Dt 32, 34) – c’est ainsi que l’on marquait les soldats du sceau de leur chef et aussi les esclaves de celui de leur maître – ; il authentifie un acte juridique (cf. 1 R 21, 8) ou un document (cf. Jr 32, 10) et le rend éventuellement secret (cf. Is 29, 11).

1296 Le Christ lui-même se déclare marqué du sceau de son Père (cf. Jn 6, 27). Le chrétien, lui aussi, est marqué d’un sceau : " Celui qui nous affermit avec vous dans le Christ et qui nous a donné l’onction, c’est Dieu, Lui qui nous a marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit " (2 Co 1, 22 ; cf. Ep 1, 13 ; 4,30). Ce sceau de l’Esprit Saint, marque l’appartenance totale au Christ, la mise à son service pour toujours, mais aussi la promesse de la protection divine dans la grande épreuve eschatologique (cf. Ap 7, 2-3 ; 9, 4 ; Ez 9, 4-6).

La célébration de la Confirmation

1297 Un moment important qui précède la célébration de la Confirmation, mais qui, d’une certaine façon, en fait partie, est la consécration du saint chrême. C’est l’évêque qui, le Jeudi Saint, au cours de la Messe chrismale, consacre le saint chrême pour tout son diocèse. Dans les Églises d’Orient, cette consécration est même réservée au Patriarche :

La liturgie d’Antioche exprime ainsi l’épiclèse de la consécration du saint chrême (myron) : " [Père .... envoie ton Esprit Saint] sur nous et sur cette huile qui est devant nous et consacre-la, afin qu’elle soit pour tous ceux qui en seront oints et marqués : myron saint, myron sacerdotal, myron royal, onction d’allégresse, le vêtement de la lumière, le manteau du salut, le don spirituel, la sanctification des âmes et des corps, le bonheur impérissable, le sceau indélébile, le bouclier de la foi et le casque terrible contre toutes les œuvres de l’Adversaire " (Pontificale iuxta ritum Ecclesiae Syrorum Occidentalium id est Antiochiae, Pars I, Versio latina, polyglotte Vaticane 1941 p. 36-37).

1298 Lorsque la Confirmation est célébrée séparément du Baptême, comme c’est le cas dans le rite romain, la liturgie du sacrement commence par le renouvellement des promesses du Baptême et par la profession de foi des confirmands. Ainsi il apparaît clairement que la Confirmation se situe dans la suite du Baptême (cf. SC 71). Lorsqu’un adulte est baptisé, il reçoit immédiatement la Confirmation et participe à l’Eucharistie (cf. CIC, can. 866).

1299 Dans le rite romain, l’évêque étend les mains sur l’ensemble des confirmands, geste qui, depuis le temps des apôtres, est le signe du don de l’Esprit. Et l’évêque d’invoquer l’effusion de l’Esprit :

" Dieu très bon, Père de Jésus, le Christ, notre Seigneur, regarde ces baptisés sur qui nous imposons les mains : par le Baptême, tu les as libérés du péché, tu les as fait renaître de l’eau et de l’Esprit. Comme tu l’as promis, répands maintenant sur eux ton Esprit Saint ; donne-leur en plénitude l’Esprit qui reposait sur ton Fils Jésus : esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et d’affection filiale ; remplis-les de l’esprit de la crainte de Dieu. Par le Christ, notre Seigneur " (Ordo confirmationis, 25, polyglotte Vaticane 1973, p. 26).

1300 Suit le rite essentiel du sacrement. Dans le rite latin, " le sacrement de Confirmation est conféré par l’onction du saint chrême sur le front, faite en imposant la main, et par ces paroles : ‘Accipe signaculum doni Spiritus Sancti’ (‘Sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu’) " (Paul VI, const. ap. Divinæ consortium naturæ). Dans les Églises orientales de rite byzantin, l’onction du myron se fait, après une prière d’Epiclèse, sur les parties les plus significatives du corps : le front, les yeux, les narines, les oreilles, les lèvres, la poitrine, le dos, les mains et les pieds ; chaque onction étant accompagnée de la formule : " Sfragiz dwreaz Pneumatoz Agiou " (" Signaculum doni Spiritus Sancti ", " Sceau du don de l’Esprit-Saint " [Rituale per le Chiese orientali di rito bizantino in lingua greca, Pars 1, Vatican 1954 p. 36]).

1301 Le baiser de paix qui achève le rite du sacrement signifie et manifeste la communion ecclésiale avec l’évêque et avec tous les fidèles (cf. S. Hippolyte, trad. ap. 21).

III. Les effets de la Confirmation

1302 Il ressort de la célébration que l’effet du sacrement de Confirmation est l’effusion spéciale de l’Esprit Saint, comme elle fut accordée jadis aux Apôtres au jour de la Pentecôte.

1303 De ce fait, la Confirmation apporte croissance et approfondissement de la grâce baptismale :

– elle nous enracine plus profondément dans la filiation divine qui nous fait dire " Abba, Père " (Rm 8, 15) ;

– elle nous unit plus fermement au Christ ;

– elle augmente en nous les dons de l’Esprit Saint ;

– elle rend notre lien avec l’Église plus parfait (cf. LG 11) ;

– elle nous accorde une force spéciale de l’Esprit Saint pour répandre et défendre la foi par la parole et par l’action en vrais témoins du Christ, pour confesser vaillamment le nom du Christ et pour ne jamais éprouver de la honte à l’égard de la croix (cf. DS 1319 ; LG 11 ; 12) :

Rappelle donc que tu as reçu le signe spirituel, l’Esprit de sagesse et d’intelligence, l’Esprit de conseil et de force, l’Esprit de connaissance et de piété, l’Esprit de la sainte crainte, et garde ce que tu as reçu. Dieu le Père t’a marqué de son signe, le Christ Seigneur t’a confirmé et il a mis en ton cœur le gage de l’Esprit (S. Ambroise, myst. 7, 42 : PL 16, 402-403).

1304 Comme le Baptême dont elle est l’achèvement, la Confirmation est donnée une seule fois. La Confirmation imprime en effet dans l’âme une marque spirituelle indélébile, le " caractère " (cf. DS 1609), qui est le signe de ce que Jésus-Christ a marqué un chrétien du sceau de son Esprit en le revêtant de la force d’en haut pour qu’il soit son témoin (cf. Lc 24, 48-49).

1305 Le " caractère " perfectionne le sacerdoce commun des fidèles, reçu dans le Baptême, et " le confirmé reçoit la puissance de confesser la foi du Christ publiquement, et comme en vertu d’une charge (quasi ex officio) " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 72, 5, ad 2).

IV. Qui peut recevoir ce sacrement ?

1306 Tout baptisé non encore confirmé peut et doit recevoir le sacrement de la Confirmation (cf. CIC, can. 889, § 1). Puisque Baptême, Confirmation et Eucharistie forment une unité, il s’en suit que " les fidèles sont tenus par l’obligation de recevoir ce sacrement en temps opportun " (CIC, can. 890), car sans la Confirmation et l’Eucharistie, le sacrement du Baptême est, certes, valide et efficace, mais l’initiation chrétienne reste inachevée.

1307 La coutume latine, depuis des siècles, indique " l’âge de la discrétion " comme point de référence pour recevoir la Confirmation. En danger de mort, on doit cependant confirmer les enfants même s’ils n’ont pas encore atteint l’âge de la discrétion (cf. CIC, can. 891 ; 883, 3).

1308 Si l’on parle parfois de la Confirmation comme du " sacrement de la maturité chrétienne ", il ne faudrait pas pour autant confondre l’âge adulte de la foi avec l’âge adulte de la croissance naturelle, ni oublier que la grâce baptismale est une grâce d’élection gratuite et imméritée qui n’a pas besoin d’une " ratification " pour devenir effective. S. Thomas le rappelle :

L’âge du corps ne constitue pas un préjudice pour l’âme. Ainsi, même dans l’enfance, l’homme peut recevoir la perfection de l’âge spirituel dont parle la Sagesse (4, 8) : ‘La vieillesse honorable n’est pas celle que donnent de longs jours, elle ne se mesure pas au nombre des années’. C’est ainsi que de nombreux enfants, grâce à la force du Saint-Esprit qu’ils avaient reçue, ont lutté courageusement et jusqu’au sang pour le Christ (Thomas d’A., s. th. 3, 72, 8, ad 2).

1309 La préparation à la Confirmation doit viser à conduire le chrétien vers une union plus intime au Christ, vers une familiarité plus vive avec l’Esprit Saint, son action, ses dons et ses appels, afin de pouvoir mieux assumer les responsabilités apostoliques de la vie chrétienne. Par là, la catéchèse de la confirmation s’efforcera d’éveiller le sens de l’appartenance à l’Église de Jésus-Christ, tant à l’Église universelle qu’à la communauté paroissiale. Cette dernière porte une responsabilité particulière dans la préparation des confirmands (cf. OCf prænotanda 3).

1310 Pour recevoir la Confirmation il faut être en état de grâce. Il convient de recourir au sacrement de Pénitence pour être purifié en vue du don du Saint-Esprit. Une prière plus intense doit préparer à recevoir avec docilité et disponibilité la force et les grâces du Saint-Esprit (cf. Ac 1, 14).

1311 Pour la Confirmation, comme pour le Baptême, il convient que les candidats cherchent l’aide spirituelle d’un parrain ou d’une marraine. Il convient qu’il soit le même que pour le Baptême pour bien marquer l’unité des deux sacrements (cf. OCf prænotanda 5 ; 6 ; CIC, can. 893, § 1. 2).

V. Le ministre de la Confirmation

1312 Le ministre originaire de la Confirmation est l’évêque (LG 26).

En Orient, c’est ordinairement le prêtre qui baptise qui donne aussi immédiatement la Confirmation dans une seule et même célébration. Il le fait cependant avec le saint chrême consacré par le patriarche ou l’évêque, ce qui exprime l’unité apostolique de l’Église dont les liens sont renforcés par le sacrement de Confirmation. Dans l’Église latine on applique la même discipline dans les baptêmes d’adultes ou lorsqu’est admis à la pleine communion avec l’Église un baptisé d’une autre communauté chrétienne qui n’a pas validement le sacrement de confirmation (cf. CIC, can. 883, § 2).

1313 Dans le rite latin, le ministre ordinaire de la Confirmation est l’évêque (cf. CIC, can. 882). Même si l’évêque peut, en cas de nécessité, concéder la faculté à des prêtres d’administrer la Confirmation (CIC, can. 884, § 2), il convient qu’il la confère lui-même, n’oubliant pas que c’est pour cette raison que la célébration de la Confirmation a été temporellement séparée du Baptême. Les évêques sont les successeurs des apôtres, ils ont reçu la plénitude du sacrement de l’ordre. L’administration de ce sacrement par eux marque bien qu’il a pour effet d’unir ceux qui le reçoivent plus étroitement à l’Église, à ses origines apostoliques et à sa mission de témoigner du Christ.

1314 Si un chrétien est en danger de mort, tout prêtre peut lui donner la Confirmation (cf. CIC, can. 883, § 3). En effet, l’Église veut qu’aucun de ses enfants, même tout petit, ne sorte de ce monde sans avoir été parfait par l’Esprit Saint avec le don de la plénitude du Christ.

En bref

1315 " Apprenant que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu, les Apôtres qui étaient à Jérusalem y envoyèrent Pierre et Jean. Ceux-ci descendirent donc chez les Samaritains et prièrent pour eux, afin que l’Esprit Saint leur fût donné. Car il n’était encore tombé sur aucun d’eux ; ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean se mirent à leur imposer les mains et ils recevaient l’Esprit Saint " (Ac 8, 14-17).

1316 La Confirmation parfait la grâce baptismale ; elle est le sacrement qui donne l’Esprit Saint pour nous enraciner plus profondément dans la filiation divine, nous incorporer plus fermement au Christ, rendre plus solide notre lien avec l’Église, nous associer davantage à sa mission et nous aider à rendre témoignage de la foi chrétienne par la parole accompagnée des œuvres.

1317 La Confirmation, comme le Baptême, imprime dans l’âme du chrétien un signe spirituel ou caractère indélébile ; c’est pourquoi on ne peut recevoir ce sacrement qu’une seule fois dans la vie .

1318 En Orient, ce sacrement est administré immédiatement après le Baptême ; il est suivi de la participation à l’Eucharistie, tradition qui met en relief l’unité des trois sacrements de l’initiation chrétienne. Dans l’Église latine on administre ce sacrement lorsque l’âge de raison est atteint, et on en réserve ordinairement la célébration à l’évêque, signifiant ainsi que ce sacrement affermit le lien ecclésial.

1319 Un candidat pour la Confirmation qui a atteint l’âge de raison doit professer la foi, être en état de grâce, avoir l’intention de recevoir le sacrement et être préparé à assumer son rôle de disciple et de témoin du Christ, dans la communauté ecclésiale et dans les affaires temporelles.

1320 Le rite essentiel de la Confirmation est l’onction avec le saint chrême sur le front du baptisé (en Orient également sur d’autres organes des sens), avec l’imposition de la main du ministre et les paroles : " Accipe signaculum doni Spiritus Sancti " (" Reçois la marque du don de l’Esprit Saint "), dans le rite romain, " Signaculum doni Spiritus Sancti " (" Sceau du don de l’Esprit Saint "), dans le rite byzantin.

1321 Lorsque la Confirmation est célébrée séparément du Baptême, son lien avec le Baptême est exprimé entre autres par le renouvellement des engagements baptismaux. La célébration de la Confirmation au cours de l’Eucharistie contribue à souligner l’unité des sacrements de l’initiation chrétienne.

ARTICLE 3
LE SACREMENT DE L’EUCHARISTIE

1322 La Sainte Eucharistie achève l’initiation chrétienne. Ceux qui ont été élevés à la dignité du sacerdoce royal par le baptême et configurés plus profondément au Christ par la confirmation, ceux-là, par le moyen de l’Eucharistie, participent avec toute la communauté au sacrifice même du Seigneur.

1323 " Notre Sauveur, à la dernière Cène, la nuit où il était livré, institua le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au long des siècles, jusqu’à ce qu’il vienne, et pour confier à l’Église, son Épouse bien-aimée, le mémorial de sa mort et de sa résurrection : sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité, banquet pascal dans lequel le Christ est reçu en nourriture, l’âme est comblée de grâce et le gage de la gloire future nous est donné " (SC 47).

I. L’Eucharistie – source et sommet de la vie ecclésiale

1324 L’Eucharistie est " source et sommet de toute la vie chrétienne " (LG 11). " Les autres sacrements ainsi que tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques sont tous liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle. Car la sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l’Église, c’est-à-dire le Christ lui-même, notre Pâque " (PO 5).

1325 " La communion de vie avec Dieu et l’unité du peuple de Dieu, par lesquelles l’Église est elle-même, l’Eucharistie les signifie et les réalise. En elle se trouve le sommet à la fois de l’action par laquelle, dans le Christ, Dieu sanctifie le monde, et du culte qu’en l’Esprit Saint les hommes rendent au Christ et, par lui, au Père " (CdR, instr. " Eucharisticum mysterium " 6).

1326 Enfin, par la célébration eucharistique nous nous unissons déjà à la liturgie du ciel et nous anticipons la vie éternelle quand Dieu sera tout en tous (cf. 1 Co 15, 28).

1327 Bref, l’Eucharistie est le résumé et la somme de notre foi : " Notre manière de penser s’accorde avec l’Eucharistie, et l’Eucharistie en retour confirme notre manière de penser " (S. Irénée, hær. 4, 18, 5).

II. Comment est appelé ce sacrement ?

1328 La richesse inépuisable de ce sacrement s’exprime dans les différents noms qu’on lui donne. Chacun de ces noms en évoque certains aspects. On l’appelle :

Eucharistie parce qu’il est action de grâces à Dieu. Les mots eucharistein (Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24) et eulogein (Mt 26, 26 ; Mc 14, 22) rappellent les bénédictions juives qui proclament – surtout pendant le repas – les œuvres de Dieu : la création, la rédemption et la sanctification.

1329 Repas du Seigneur (cf. 1 Co 11, 20) parce qu’il s’agit de la Cène que le Seigneur a pris avec ses disciples la veille de sa passion et de l’anticipation du repas des noces de l’Agneau (cf. Ap 19, 9) dans la Jérusalem céleste.

Fraction du Pain parce que ce rite, propre au repas juif, a été utilisé par Jésus lorsqu’il bénissait et distribuait le pain en maître de table (cf. Mt 14, 19 ; 15, 36 ; Mc 8, 6. 19), surtout lors de la dernière Cène (cf. Mt 26, 26 ; 1 Co 11, 24). C’est à ce geste que les disciples le reconnaîtront après sa résurrection (cf. Lc 24, 13-35), et c’est de cette expression que les premiers chrétiens désigneront leurs assemblées eucharistiques (cf. Ac 2, 42. 46 ; 20, 7. 11). Ils signifient par là que tous ceux qui mangent à l’unique pain rompu, le Christ, entrent en communion avec Lui et ne forment plus qu’un seul corps en Lui (cf. 1 Co 10, 16-17).

Assemblée eucharistique (synaxis) parce que l’Eucharistie est célébrée en l’assemblée des fidèles, expression visible de l’Église (cf. 1 Co 11, 17-34).

1330 Mémorial de la passion et de la résurrection du Seigneur.

Saint Sacrifice, parce qu’il actualise l’unique sacrifice du Christ Sauveur et qu’il inclut l’offrande de l’Église ; ou encore saint sacrifice de la messe, " sacrifice de louange " (He 13, 15 ; cf. Ps 116, 13. 17), sacrifice spirituel (cf. 1 P 2, 5), sacrifice pur (cf. Ml 1, 11) et saint, puisqu’il achève et dépasse tous les sacrifices de l’Ancienne Alliance.

Sainte et divine Liturgie, parce que toute la liturgie de l’Église trouve son centre et son expression la plus dense dans la célébration de ce sacrement ; c’est dans le même sens qu’on l’appelle aussi célébration des Saints Mystères. On parle aussi du Très Saint Sacrement parce qu’il est le sacrement des sacrements. On désigne de ce nom les espèces eucharistiques gardées dans le tabernacle.

1331 Communion, parce que c’est par ce sacrement que nous nous unissons au Christ qui nous rend participants de son Corps et de son Sang pour former un seul corps (cf. 1 Co 10, 16-17) ; on l’appelle encore les choses saintes : ta hagia ; sancta (Const. Ap. 8, 13, 12 ; Didaché 9, 5 ; 10, 6) – c’est le sens premier de la " communion des saints " dont parle le Symbole des Apôtres -, pain des anges, pain du ciel, médicament d’immortalité (S. Ignace d’Antioche, Eph. 20, 2), viatique...

1332 Sainte Messe parce que la liturgie dans laquelle s’est accompli le mystère du salut, se termine par l’envoi des fidèles (" missio ") afin qu’ils accomplissent la volonté de Dieu dans leur vie quotidienne.

III. L’eucharistie dans l’économie du salut

Les signes du pain et du vin

1333 Au cœur de la célébration de l’Eucharistie il y a le pain et le vin qui, par les paroles du Christ et par l’invocation de l’Esprit Saint, deviennent le Corps et le Sang du Christ. Fidèle à l’ordre du Seigneur l’Église continue de faire, en mémoire de Lui, jusqu’à son retour glorieux, ce qu’il a fait la veille de sa passion : " Il prit du pain... ", " Il prit la coupe remplie de vin... ". En devenant mystérieusement le Corps et le Sang du Christ, les signes du pain et du vin continuent à signifier aussi la bonté de la création. Ainsi, dans l’Offertoire, nous rendons grâce au Créateur pour le pain et le vin (cf. Ps 104, 13-15), fruit " du travail de l’homme ", mais d’abord " fruit de la terre " et " de la vigne ", dons du Créateur. L’Église voit dans le geste de Melchisédech, roi et prêtre, qui " apporta du pain et du vin " (Gn 14, 18) une préfiguration de sa propre offrande (cf. MR, Canon Romain 95 : " Supra quæ ").

1334 Dans l’Ancienne Alliance, le pain et le vin sont offerts en sacrifice parmi les prémices de la terre, en signe de reconnaissance au Créateur. Mais ils reçoivent aussi une nouvelle signification dans le contexte de l’Exode : Les pains azymes qu’Israël mange chaque année à la Pâque, commémorent la hâte du départ libérateur d’Égypte ; le souvenir de la manne du désert rappellera toujours à Israël qu’il vit du pain de la Parole de Dieu (cf. Dt 8, 3). Enfin, le pain de tous les jours est le fruit de la Terre promise, gage de la fidélité de Dieu à ses promesses. La " coupe de bénédiction " (1 Co 10, 16), à la fin du repas pascal des juifs, ajoute à la joie festive du vin une dimension eschatologique, celle de l’attente messianique du rétablissement de Jérusalem. Jésus a institué son Eucharistie en donnant un sens nouveau et définitif à la bénédiction du pain et de la coupe.

1335 Les miracles de la multiplication des pains, lorsque le Seigneur dit la bénédiction, rompit et distribua les pains par ses disciples pour nourrir la multitude, préfigurent la surabondance de cet unique pain de son Eucharistie (cf. Mt 14, 13-21 ; 15, 32-39). Le signe de l’eau changé en vin à Cana (cf. Jn 2, 11) annonce déjà l’Heure de la glorification de Jésus. Il manifeste l’accomplissement du repas des noces dans le Royaume du Père, où les fidèles boiront le vin nouveau (cf. Mc 14, 25) devenu le Sang du Christ.

1336 La première annonce de l’Eucharistie a divisé les disciples, tout comme l’annonce de la Passion les a scandalisés : " Ce langage-là est trop fort ! Qui peut l’écouter ? " (Jn 6, 60). L’Eucharistie et la croix sont des pierres d’achoppement. C’est le même mystère, et il ne cesse d’être occasion de division. " Voulez-vous partir, vous aussi ? " (Jn 6, 67) : Cette question du Seigneur retentit à travers les âges, invitation de son amour à découvrir que c’est Lui seul qui a " les paroles de la vie éternelle " (Jn 6, 68) et qu’accueillir dans la foi le don de son Eucharistie, c’est l’accueillir Lui-même.

L’institution de l’Eucharistie

1337 Le Seigneur, ayant aimé les siens, les aima jusqu’à la fin. Sachant que l’heure était venue de partir de ce monde pour retourner à son Père, au cours d’un repas, il leur lava les pieds et leur donna le commandement de l’amour (cf. Jn 13, 1-17). Pour leur laisser un gage de cet amour, pour ne jamais s’éloigner des siens et pour les rendre participants de sa Pâque, il institua l’Eucharistie comme mémorial de sa mort et de sa résurrection, et il ordonna à ses apôtres de le célébrer jusqu’à son retour, " les établissant alors prêtres du Nouveau Testament " (Cc. Trente : DS 1740).

1338 Les trois évangiles synoptiques et S. Paul nous ont transmis le récit de l’institution de l’Eucharistie ; de son côté, S. Jean rapporte les paroles de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm, paroles qui préparent l’institution de l’Eucharistie : Le Christ se désigne comme le pain de vie, descendu du ciel (cf. Jn 6).

1339 Jésus a choisi le temps de la Pâque pour accomplir ce qu’il avait annoncé à Capharnaüm : donner à ses disciples son Corps et son Sang :

Vint le jour des Azymes, où l’on devait immoler la pâque. [Jésus] envoya alors Pierre et Jean : ‘Allez dit-il, nous préparer la Pâque, que nous la mangions’... Ils s’en allèrent donc ... et préparèrent la Pâque. L’heure venue, il se mit à table avec ses apôtres et leur dit : ‘J’ai désiré avec ardeur manger cette pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous le dis, je ne la mangerai jamais plus jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu’ ... Puis, prenant du pain et rendant grâces, il le rompit et le leur donna, en disant : ‘Ceci est mon Corps, qui va être donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi’. Il fit de même pour la coupe après le repas, disant : ‘’Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon Sang, qui va être versé pour vous’ (Lc 22, 7-20 ; cf. Mt 26, 17-29 ; Mc 14, 12-25 ; 1 Co 11, 23-26).

1340 En célébrant la dernière Cène avec ses apôtres au cours du repas pascal, Jésus a donné son sens définitif à la pâque juive. En effet, le passage de Jésus à son Père par sa mort et sa résurrection, la Pâque nouvelle, est anticipée dans la Cène et célébrée dans l’Eucharistie qui accomplit la pâque juive et anticipe la pâque finale de l’Église dans la gloire du Royaume.

" Faites ceci en mémoire de moi "

1341 Le commandement de Jésus de répéter ses gestes et ses paroles " jusqu’à ce qu’il vienne ", ne demande pas seulement de se souvenir de Jésus et de ce qu’il a fait. Il vise la célébration liturgique, par les apôtres et leurs successeurs, du mémorial du Christ, de sa vie, de sa mort, de sa résurrection et de son intercession auprès du Père.

1342 Dès le commencement l’Église a été fidèle à l’ordre du Seigneur. De l’Église de Jérusalem il est dit :

Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières... Jour après jour, d’un seul cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple et rompaient le pain dans leurs maisons, prenant leur nourriture avec joie et simplicité de cœur (Ac 2, 42. 46).

1343 C’était surtout " le premier jour de la semaine ", c’est-à-dire le jour du dimanche, le jour de la résurrection de Jésus, que les chrétiens se réunissaient " pour rompre le pain " (Ac 20, 7). Depuis ces temps-là jusqu’à nos jours la célébration de l’Eucharistie s’est perpétuée, de sorte qu’aujourd’hui nous la rencontrons partout dans l’Église, avec la même structure fondamentale. Elle demeure le centre de la vie de l’Église.

1344 Ainsi, de célébration en célébration, annonçant le mystère pascal de Jésus " jusqu’à ce qu’Il vienne " (1 Co 11, 26), le peuple de Dieu en pèlerinage " s’avance par la porte étroite de la Croix " (AG 1) vers le banquet céleste, quand tous les élus s’assiéront à la table du Royaume.

IV. La célébration liturgique de l’eucharistie

La messe de tous les siècles

1345 Dès le deuxième siècle, nous avons le témoignage de S. Justin le Martyr sur les grandes lignes du déroulement de la célébration eucharistique. Elles sont restées les mêmes jusqu’à nos jours pour toutes les grandes familles liturgiques. Voici ce qu’il écrit, vers 155, pour expliquer à l’empereur païen Antonin le Pieux (138-161) ce que font les chrétiens :

[Le jour qu’on appelle jour du soleil, a lieu le rassemblement en un même endroit de tous ceux qui habitent la ville ou la campagne.

On lit les mémoires des Apôtres et les écrits des Prophètes, autant que le temps le permet.

Quand le lecteur a fini, celui qui préside prend la parole pour inciter et exhorter à l’imitation de ces belles choses.

Ensuite, nous nous levons tous ensemble et nous faisons des prières] pour nous-mêmes ... et pour tous les autres, où qu’ils soient, afin que nous soyons trouvés justes par notre vie et nos actions et fidèles aux commandements, pour obtenir ainsi le salut éternel.

Quand les prières sont terminées, nous nous donnons un baiser les uns aux autres.

Ensuite, on apporte à celui qui préside les frères du pain et une coupe d’eau et de vin mélangés.

Il les prend et fait monter louange et gloire vers le Père de l’univers, par le nom du Fils et du Saint-Esprit et il rend grâce (en grec : eucharistian) longuement de ce que nous avons été jugés dignes de ces dons.

Quand il a terminé les prières et les actions de grâce, tout le peuple présent pousse une acclamation en disant : Amen.

Lorsque celui qui préside a fait l’action de grâce et que le peuple a répondu, ceux que chez nous on appelle diacres distribuent à tous ceux qui sont présents du pain, du vin et de l’eau " eucharistiés " et ils en apportent aux absents (S. Justin, apol. 1, 65 [le texte entre crochets est du chapitre 67]).

1346 La liturgie de l’Eucharistie se déroule selon une structure fondamentale qui s’est conservée à travers les siècles jusqu’à nous. Elle se déploie en deux grands moments qui forment une unité foncière :

– le rassemblement, la liturgie de la Parole, avec les lectures, l’homélie et la prière universelle ;

– la liturgie eucharistique, avec la présentation du pain et du vin, l’action de grâce consécratoire et la communion.

Liturgie de la Parole et liturgie eucharistique constituent ensemble " un seul et même acte du culte " (SC 56) ; en effet, la table dressée pour nous dans l’Eucharistie est à la fois celle de la Parole de Dieu et celle du Corps du Seigneur (cf. DV 21).

1347 N’est-ce pas là le mouvement même du repas pascal de Jésus ressuscité avec ses disciples : chemin faisant, il leur expliquait les Écritures, puis, se mettant à table avec eux, " il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna " (cf. Lc 24, 13-35) ?

Le mouvement de la célébration

1348 Tous se rassemblent. Les chrétiens accourent dans un même lieu pour l’assemblée eucharistique. A sa tête le Christ lui-même qui est l’acteur principal de l’Eucharistie. Il est le grand prêtre de la Nouvelle Alliance. C’est Lui-même qui préside invisiblement toute célébration eucharistique. C’est en Le représentant que l’évêque ou le prêtre (agissant " in persona Christi capitis ") préside l’assemblée, prend la parole après les lectures, reçoit les offrandes et dit la prière eucharistique. Tous ont leur part active dans la célébration, chacun à sa manière : les lecteurs, ceux qui apportent les offrandes, ceux qui donnent la communion, et le peuple tout entier dont l’Amen manifeste la participation.

1349 La liturgie de la Parole comporte " les écrits des prophètes ", c’est-à-dire l’Ancien Testament, et " les mémoires des apôtres ", c’est-à-dire leurs épîtres et les Évangiles ; après l’homélie qui exhorte à accueillir cette Parole comme ce qu’elle est vraiment, Parole de Dieu (cf. 1 Th 2, 13), et à la mettre en pratique, viennent les intercessions pour tous les hommes, selon la parole de l’Apôtre : " Je recommande donc, avant tout, qu’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et tous les dépositaires de l’autorité " (1 Tm 2, 1-2).

1350 La présentation des oblats (l’offertoire) : on apporte alors, parfois en procession, le pain et le vin à l’autel qui seront offerts par le prêtre au nom du Christ dans le sacrifice eucharistique où ils deviendront le corps et le sang de Celui-ci. C’est le geste même du Christ à la Dernière Cène, " prenant du pain et une coupe ". " Cette oblation, l’Église seule l’offre, pure, au Créateur, en lui offrant avec action de grâce ce qui provient de sa création " (S. Irénée, hær. 4, 18, 4 ; cf. Ml 1, 11). La présentation des oblats à l’autel assume le geste de Melchisédech et confie les dons du créateur entre les mains du Christ. C’est Lui qui, dans Son sacrifice, mène à la perfection toutes les tentatives humaines d’offrir des sacrifices.

1351 Dès le début, les chrétiens apportent, avec le pain et le vin pour l’Eucharistie, leurs dons pour le partage avec ceux qui sont dans le besoin. Cette coutume de la collecte (cf. 1 Co 16, 1), toujours actuelle, s’inspire de l’exemple du Christ qui s’est fait pauvre pour nous enrichir (cf. 2 Co 8, 9) :

Ceux qui sont riches et qui veulent, donnent, chacun selon ce qu’il s’est lui-même imposé ; ce qui est recueilli est remis à celui qui préside et lui, il assiste les orphelins et les veuves, ceux que la maladie ou toute autre cause prive de ressources, les prisonniers, les immigrés et, en un mot, il secourt tous ceux qui sont dans le besoin (S. Justin, apol. 1, 67, 6).

1352 L’anaphore : Avec la prière eucharistique, prière d’action de grâce et de consécration, nous arrivons au cœur et au sommet de la célébration :

Dans la préface l’Église rend grâce au Père, par le Christ, dans l’Esprit Saint, pour toutes ses œuvres, pour la création, la rédemption et la sanctification. Toute la communauté rejoint alors cette louange incessante que l’Église céleste, les anges et tous les saints, chantent au Dieu trois fois Saint.

1353 Dans l’épiclèse elle demande au Père d’envoyer son Esprit Saint (ou la puissance de sa bénédiction : cf. MR, Canon Romain 90) sur le pain et le vin, afin qu’ils deviennent, par sa puissance, le Corps et le Sang de Jésus-Christ, et que ceux qui prennent part à l’Eucharistie soient un seul corps et un seul esprit (certaines traditions liturgiques placent l’épiclèse après l’anamnèse).

Dans le récit de l’institution la force des paroles et de l’action du Christ, et la puissance de l’Esprit Saint, rendent sacramentellement présents sous les espèces du pain et du vin son Corps et son Sang, son sacrifice offert sur la croix une fois pour toutes.

1354 Dans l’anamnèse qui suit, l’Église fait mémoire de la passion, de la résurrection et du retour glorieux du Christ Jésus ; elle présente au Père l’offrande de son Fils qui nous réconcilie avec Lui.

Dans les intercessions, l’Église exprime que l’Eucharistie est célébrée en communion avec toute l’Église du ciel et de la terre, des vivants et des défunts, et dans la communion avec les pasteurs de l’Église, le Pape, l’évêque du diocèse, son presbyterium et ses diacres, et tous les évêques du monde entier avec leurs églises.

1355 Dans la communion, précédée de la prière du Seigneur et de la fraction du pain, les fidèles reçoivent " le pain du ciel " et " la coupe du salut ", le Corps et le Sang du Christ qui s’est livré " pour la vie du monde " (Jn 6, 51) :

Parce que ce pain et ce vin ont été, selon l’expression ancienne, " eucharistiés ", " nous appelons cette nourriture Eucharistie et personne ne peut y prendre part s’il ne croit pas à la vérité de ce qu’on enseigne chez nous, s’il n’a reçu le bain pour la rémission des péchés et la nouvelle naissance et s’il ne vit selon les préceptes du Christ " (S. Justin, apol. 1, 66, 1-2).

V. Le sacrifice sacramentel : action de grâce, mémorial, présence

1356 Si les chrétiens célèbrent l’Eucharistie depuis les origines, et sous une forme qui, dans sa substance, n’a pas changé à travers la grande diversité des âges et des liturgies, c’est parce que nous nous savons liés par l’ordre du Seigneur, donné la veille de sa passion : " faites ceci en mémoire de moi " (1 Co 11, 24-25).

1357 Cet ordre du Seigneur, nous l’accomplissons en célébrant le mémorial de son sacrifice. Ce faisant, nous offrons au Père ce qu’il nous a Lui-même donné : les dons de sa création, le pain et le vin, devenus, par la puissance de l’Esprit Saint et par les paroles du Christ, le Corps et le Sang du Christ : le Christ est ainsi rendu réellement et mystérieusement présent.

1358 Il nous faut donc considérer l’Eucharistie

– comme action de grâce et louange au Père,

– comme mémorial sacrificiel du Christ et de son Corps,

– comme présence du Christ par la puissance de sa Parole et de son Esprit.

L’action de grâce et la louange au Père

1359 L’Eucharistie, sacrement de notre salut accompli par le Christ sur la croix, est aussi un sacrifice de louange en action de grâce pour l’œuvre de la création. Dans le sacrifice eucharistique, toute la création aimée par Dieu est présentée au Père à travers la mort et la résurrection du Christ. Par le Christ, l’Église peut offrir le sacrifice de louange en action de grâce pour tout ce que Dieu a fait de bon, de beau et de juste dans la création et dans l’humanité.

1360 L’Eucharistie est un sacrifice d’action de grâce au Père, une bénédiction par laquelle l’Église exprime sa reconnaissance à Dieu pour tous ses bienfaits, pour tout ce qu’il a accompli par la création, la rédemption et la sanctification. Eucharistie signifie d’abord : action de grâce.

1361 L’Eucharistie est aussi le sacrifice de louange, par lequel l’Église chante la gloire de Dieu au nom de toute la création. Ce sacrifice de louange n’est possible qu’à travers le Christ : Il unit les fidèles à sa personne, à sa louange et à son intercession, en sorte que le sacrifice de louange au Père est offert par le Christ et avec lui pour être accepté en lui.

Le mémorial sacrificiel du Christ et de son Corps, l’Église

1362 L’Eucharistie est le mémorial de la Pâque du Christ, l’actualisation et l’offrande sacramentelle de son unique sacrifice, dans la liturgie de l’Église qui est son Corps. Dans toutes les prières eucharistiques nous trouvons, après les paroles de l’institution, une prière appelée anamnèse ou mémorial.

1363 Dans le sens de l’Écriture Sainte le mémorial n’est pas seulement le souvenir des événements du passé, mais la proclamation des merveilles que Dieu a accomplies pour les hommes (cf. Ex 13, 3). Dans la célébration liturgique de ces événements, ils deviennent d’une certaine façon présents et actuels. C’est de cette manière qu’Israël comprend sa libération d’Égypte : chaque fois qu’est célébrée la pâque, les événements de l’Exode sont rendus présents à la mémoire des croyants afin qu’ils y conforment leur vie.

1364 Le mémorial reçoit un sens nouveau dans le Nouveau Testament. Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, elle fait mémoire de la Pâque du Christ, et celle-ci devient présente : le sacrifice que le Christ a offert une fois pour toutes sur la Croix demeure toujours actuel (cf. He 7, 25-27) : " Toutes les fois que le sacrifice de la croix par lequel le Christ notre pâque a été immolé se célèbre sur l’autel, l’œuvre de notre rédemption s’opère " (LG 3).

1365 Parce qu’elle est mémorial de la Pâque du Christ, l’Eucharistie est aussi un sacrifice. Le caractère sacrificiel de l’Eucharistie est manifesté dans les paroles mêmes de l’institution : " Ceci est mon Corps qui va être donné pour vous " et " Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon Sang, qui va être versé pour vous " (Lc 22, 19-20). Dans l’Eucharistie le Christ donne ce corps même qu’il a livré pour nous sur la croix, le sang même qu’il a " répandu pour une multitude en rémission des péchés " (Mt 26, 28).

1366 L’Eucharistie est donc un sacrifice parce qu’elle représente (rend présent) le sacrifice de la croix, parce qu’elle en est le mémorial et parce qu’elle en applique le fruit :

[Le Christ] notre Dieu et Seigneur, s’offrit lui-même à Dieu le Père une fois pour toutes, mourant en intercesseur sur l’autel de la Croix, afin de réaliser pour eux (les hommes) une rédemption éternelle. Cependant, comme sa mort ne devait pas mettre fin à son sacerdoce (He 7, 24. 27), à la dernière Cène, " la nuit où il fut livré " (1 Co 11, 13), il voulait laisser à l’Église, son épouse bien-aimée, un sacrifice visible (comme le réclame la nature humaine), où serait représenté le sacrifice sanglant qui allait s’accomplir une unique fois sur la croix, dont la mémoire se perpétuerait jusqu’à la fin des siècles (1 Co 11, 23) et dont la vertu salutaire s’appliquerait à la rédemption des péchés que nous commettons chaque jour (Cc. Trente : DS 1740).

1367 Le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice : " C’est une seule et même victime, c’est le même qui offre maintenant par le ministère des prêtres, qui s’est offert lui-même alors sur la Croix. Seule la manière d’offrir diffère " (Cc. Trente, sess. 22a, Doctrina de ss. Missae sacrificio, c. 2 : DS 1743). " Et puisque dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ, qui s’est offert lui-même une fois de manière sanglante sur l’autel de la Croix, est contenu et immolé de manière non sanglante, ce sacrifice est vraiment propitiatoire " (ibid.).

1368 L’Eucharistie est également le sacrifice de l’Église. L’Église, qui est le Corps du Christ, participe à l’offrande de son Chef. Avec Lui, elle est offerte elle-même tout entière. Elle s’unit à son intercession auprès du Père pour tous les hommes. Dans l’Eucharistie, le sacrifice du Christ devient aussi le sacrifice des membres de son Corps. La vie des fidèles, leur louange, leur souffrance, leur prière, leur travail, sont unis à ceux du Christ et à sa totale offrande, et acquièrent ainsi une valeur nouvelle. Le sacrifice du Christ présent sur l’autel donne à toutes les générations de chrétiens la possibilité d’être unis à son offrande.

Dans les catacombes, l’Église est souvent représentée comme une femme en prière, les bras largement ouverts en attitude d’orante. Comme le Christ qui a étendu les bras sur la croix, par lui, avec lui et en lui, elle s’offre et intercède pour tous les hommes.

1369 Toute l’Église est unie à l’offrande et à l’intercession du Christ. Chargé du ministère de Pierre dans l’Église, le Pape est associé à toute célébration de l’Eucharistie où il est nommé comme signe et serviteur de l’unité de l’Église Universelle. L’évêque du lieu est toujours responsable de l’eucharistie, même lorsqu’elle est présidée par un prêtre ; son nom y est prononcé pour signifier sa présidence de l’Église particulière, au milieu du presbyterium et avec l’assistance des diacres. La communauté intercède aussi pour tous les ministres qui, pour elle et avec elle, offrent le sacrifice eucharistique :

Que cette eucharistie seule soit regardée comme légitime, qui se fait sous la présidence de l’évêque ou de celui qu’il en a chargé (S. Ignace d’Antioche, Smyrn. 8, 1).

C’est par le ministère des prêtres que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens, en union avec le sacrifice du Christ, unique Médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains des prêtres, de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même (PO 2).

1370 A l’offrande du Christ s’unissent non seulement les membres qui sont encore ici-bas, mais aussi ceux qui sont déjà dans la gloire du ciel : C’est en communion avec la très Sainte Vierge Marie et en faisant mémoire d’elle, ainsi que de tous les saints et toutes les saintes, que l’Église offre le sacrifice eucharistique. Dans l’Eucharistie l’Église, avec Marie, est comme au pied de la Croix, unie à l’offrande et à l’intercession du Christ.

1371 Le sacrifice eucharistique est aussi offert pour les fidèles défunts " qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore pleinement purifiés " (Cc. Trente : DS 1743), pour qu’ils puissent entrer dans la lumière et la paix du Christ :

Enterrez ce corps n’importe où ! Ne vous troublez pas pour lui d’aucun souci ! Tout ce que je vous demande, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur où que vous soyez " (S. Monique, avant sa mort, à S. Augustin et son frère ; conf. 9, 11, 27).

Ensuite, nous prions [dans l’anaphore] pour les saints pères et évêques endormis, et en général pour tous ceux qui se sont endormis avant nous, en croyant qu’il y aura très grand profit pour les âmes, en faveur desquelles la supplication est offerte, tandis que se trouve présente la sainte et si redoutable victime... En présentant à Dieu nos supplications pour ceux qui se sont endormis, fussent-ils pécheurs, nous ... présentons le Christ immolé pour nos péchés, rendant propice, pour eux et pour nous, le Dieu ami des hommes (S. Cyrille de Jérusalem, catech. myst. 5, 9. 10 : PG 33, 1116B-1117A).

1372 S. Augustin a admirablement résumé cette doctrine qui nous incite à une participation de plus en plus complète au sacrifice de notre Rédempteur que nous célébrons dans l’Eucharistie :

Cette cité rachetée tout entière, c’est-à-dire l’assemblée et la société des saints, est offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le Grand Prêtre qui, sous la forme d’esclave, est allé jusqu’à s’offrir pour nous dans sa passion, pour faire de nous le corps d’un si grand Chef ... Tel est le sacrifice des chrétiens : " à plusieurs, n’être qu’un seul corps dans le Christ " (Rm 12, 5). Et ce sacrifice, l’Église ne cesse de le reproduire dans le Sacrement de l’autel bien connu des fidèles, où il lui est montré que dans ce qu’elle offre, elle est elle-même offerte (S. Augustin, civ. 10, 6).

La présence du Christ par la puissance de sa Parole et de l’Esprit Saint

1373 " Le Christ Jésus qui est mort, qui est ressuscité, qui est à la droite de Dieu, qui intercède pour nous " (Rm 8, 34), est présent de multiples manières à son Église (cf. LG 48) : dans sa Parole, dans la prière de son Église, " là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom " (Mt 18, 20), dans les pauvres, les malades, les prisonniers (Mt 25, 31-46), dans ses sacrements dont il est l’auteur, dans le sacrifice de la messe et en la personne du ministre. Mais " au plus haut point (il est présent) sous les espèces eucharistiques " (SC 7).

1374 Le mode de présence du Christ sous les espèces eucharistiques est unique. Il élève l’Eucharistie au-dessus de tous les sacrements et en fait " comme la perfection de la vie spirituelle et la fin à laquelle tendent tous les sacrements " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 73, 3). Dans le très saint sacrement de l’Eucharistie sont " contenus vraiment, réellement et substantiellement le Corps et le Sang conjointement avec l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et, par conséquent, le Christ tout entier " (Cc Trente : DS 1651). " Cette présence, on la nomme ‘réelle’, non à titre exclusif, comme si les autres présences n’étaient pas ‘réelles’, mais par excellence parce qu’elle est substantielle, et que par elle le Christ, Dieu et homme, se rend présent tout entier " (MF 39).

1375 C’est par la conversion du pain et du vin au le Corps et au Sang du Christ que le Christ devient présent en ce sacrement. Les Pères de l’Église ont fermement affirmé la foi de l’Église en l’efficacité de la Parole du Christ et de l’action de l’Esprit Saint pour opérer cette conversion. Ainsi, S. Jean Chrysostome déclare :

Ce n’est pas l’homme qui fait que les choses offertes deviennent Corps et Sang du Christ, mais le Christ lui-même qui a été crucifié pour nous. Le prêtre, figure du Christ, prononce ces paroles, mais leur efficacité et la grâce sont de Dieu. Ceci est mon Corps, dit-il. Cette parole transforme les choses offertes (prod. Jud. 1, 6 : PG 49, 380C).

Et saint Ambroise dit au sujet de cette conversion :

Soyons bien persuadés que ceci n’est pas ce que la nature a formé, mais ce que la bénédiction a consacré, et que la force de la bénédiction l’emporte sur celle de la nature, parce que par la bénédiction la nature elle-même se trouve changée ... La parole du Christ, qui a pu faire de rien ce qui n’existait pas, ne pourrait donc changer les choses existantes en ce qu’elles n’étaient pas encore ? Car ce n’est pas moins de donner aux choses leur nature première que de la leur changer (myst. 9, 50. 52 : PL 16, 405-406).

1376 Le Concile de Trente résume la foi catholique en déclarant : " Parce que le Christ, notre Rédempteur, a dit que ce qu’il offrait sous l’espèce du pain était vraiment son Corps, on a toujours eu dans l’Église cette conviction, que déclare le saint Concile de nouveau : par la consécration du pain et du vin s’opère le changement de toute la substance du pain en la substance du Corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son Sang ; ce changement, l’Église catholique l’a justement et exactement appelé transsubstantiation " (DS 1642).

1377 La présence eucharistique du Christ commence au moment de la consécration et dure aussi longtemps que les espèces eucharistiques subsistent. Le Christ est tout entier présent dans chacune des espèces et tout entier dans chacune de leurs parties, de sorte que la fraction du pain ne divise pas le Christ (cf. Cc. Trente : DS 1641).

1378 Le culte de l’Eucharistie. Dans la liturgie de la messe, nous exprimons notre foi en la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin, entre autres, en fléchissant les genoux, ou en nous inclinant profondément en signe d’adoration du Seigneur. " L’Église catholique a rendu et continue de rendre ce culte d’adoration qui est dû au sacrement de l’Eucharistie non seulement durant la messe, mais aussi en dehors de sa célébration : en conservant avec le plus grand soin les hosties consacrées, en les présentant aux fidèles pour qu’ils les vénèrent avec solennité, en les portant en procession " (MF 56).

1379 La sainte réserve (tabernacle) était d’abord destinée à garder dignement l’Eucharistie pour qu’elle puisse être portée aux malades et aux absents en dehors de la messe. Par l’approfondissement de la foi en la présence réelle du Christ dans son Eucharistie, l’Église a pris conscience du sens de l’adoration silencieuse du Seigneur présent sous les espèces eucharistiques. C’est pour cela que le tabernacle doit être placé à un endroit particulièrement digne de l’église ; il doit être construit de telle façon qu’il souligne et manifeste la vérité de la présence réelle du Christ dans le saint sacrement.

1380 Il est hautement convenable que le Christ ait voulu rester présent à son Église de cette façon unique. Puisque le Christ allait quitter les siens sous sa forme visible, il voulait nous donner sa présence sacramentelle ; puisqu’il allait s’offrir sur la Croix pour nous sauver, il voulait que nous ayons le mémorial de l’amour dont il nous a aimés " jusqu’à la fin " (Jn 13, 1), jusqu’au don de sa vie. En effet, dans sa présence eucharistique il reste mystérieusement au milieu de nous comme celui qui nous a aimés et qui s’est livré pour nous (cf. Ga 2, 20), et il le reste sous les signes qui expriment et communiquent cet amour :

L’Église et le monde ont un grand besoin du culte eucharistique. Jésus nous attend dans ce sacrement de l’amour. Ne refusons pas le temps pour aller Le rencontrer dans l’adoration, dans la contemplation pleine de foi et ouverte à réparer les fautes graves et les délits du monde. Que ne cesse jamais notre adoration (Jean Paul II, l. " Dominicæ cenæ " 3).

1381 " La présence du véritable Corps du Christ et du véritable Sang du Christ dans ce sacrement, ‘on ne l’apprend point par les sens, dit S. Thomas, mais par la foi seule, laquelle s’appuie sur l’autorité de Dieu’. C’est pourquoi, commentant le texte de S. Luc, 22, 19 : ‘Ceci est mon Corps qui sera livré pour vous’, saint Cyrille d’Alexandrie (Lc. 22, 19 : PG 72, 921B) déclare : ‘Ne va pas te demander si c’est vrai, mais accueille plutôt avec foi les paroles du Seigneur, parce que lui, qui est la Vérité, ne ment pas’ " (Thomas d’A., s. th. 3, 75, 1 cité par Paul VI, MF 18) :

Adoro te devote, latens Deitas,

Quæ sub his figuris vere latitas :

Tibi se cor meum totum subjicit,

Quia te contemplans totum deficit.

Je T’adore profondément, divinité cachée,

vraiment présente sous ces apparences ;

à Toi mon cœur se soumet tout entier

parce qu’à Te contempler, tout entier il défaille

Visus, gustus, tactus in te fallitur,

Sed auditu solo tuto creditur :

Credo quidquid dixit Dei Filius :

Nil hoc Veritatis verbo verius.

La vue, le goût, le toucher ne T’atteignent pas :

à ce qu’on entend dire seulement il faut se fier ;

je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu ;

rien de plus vrai que cette parole de la Vérité.

VI. Le banquet pascal

1382 La messe est à la fois et inséparablement le mémorial sacrificiel dans lequel se perpétue le sacrifice de la croix, et le banquet sacré de la communion au Corps et au Sang du Seigneur. Mais la célébration du sacrifice eucharistique est toute orientée vers l’union intime des fidèles au Christ par la communion. Communier, c’est recevoir le Christ lui-même qui s’est offert pour nous.

1383 L’autel, autour duquel l’Église est rassemblée dans la célébration de l’Eucharistie, représente les deux aspects d’un même mystère : l’autel du sacrifice et la table du Seigneur, et ceci d’autant plus que l’autel chrétien est le symbole du Christ lui-même, présent au milieu de l’assemblée de ses fidèles, à la fois comme la victime offerte pour notre réconciliation et comme aliment céleste qui se donne à nous. " Qu’est-ce en effet l’autel du Christ sinon l’image du Corps du Christ ? " – dit S. Ambroise (sacr. 5, 7 : PL 16, 447C), et ailleurs : " L’autel représente le Corps [du Christ], et le Corps du Christ est sur l’autel " (sacr. 4, 7 : PL 16, 437D). La liturgie exprime cette unité du sacrifice et de la communion dans de nombreuses prières. Ainsi, l’Église de Rome prie dans son anaphore :

Supplices te rogamus, omnipotens Deus, jube hæc perferri per manus sancti Angeli tui in sublime altare tuum, in conspectu divinæ majestatis : ut quotquot ex hac altaris participatione sacrosanctum Filii tui Corpus et Sanguinem sumpserimus, omni benedictione cælesti et gratia repleamur.

Nous T’en supplions, Dieu Tout-Puissant : que [cette offrande] soit portée par ton ange en présence de ta gloire, sur ton autel céleste, afin qu’en recevant ici, par notre communion à cet autel, le corps et le sang de ton Fils, nous soyons comblés de ta grâce et de tes bénédictions.

" Prenez et mangez en tous " : la communion

1384 Le Seigneur nous adresse une invitation pressante à le recevoir dans le sacrement de l’Eucharistie : " En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la Chair du Fils de l’homme et ne buvez son Sang, vous n’aurez pas la vie en vous " (Jn 6, 53).

1385 Pour répondre à cette invitation, nous devons nous préparer à ce moment si grand et si saint. S. Paul exhorte à un examen de conscience : " Quiconque mange ce pain ou boit cette coupe du Seigneur indignement aura à répondre du Corps et du Sang du Seigneur. Que chacun donc s’éprouve soi-même et qu’il mange alors de ce pain et boive de cette coupe ; car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation, s’il n’y discerne le Corps " (1 Co 11, 27-29). Celui qui est conscient d’un péché grave doit recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d’accéder à la communion.

1386 Devant la grandeur de ce sacrement, le fidèle ne peut que reprendre humblement et avec une foi ardente la parole du Centurion (cf. Mt 8, 8) : " Domine, non sum dignus, ut intres sub tectum meum, sed tantum dic verbum, et sanabitur anima mea " (" Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri "). Et dans la Divine Liturgie de S. Jean Chrysostome, les fidèles prient dans le même esprit :

A ta cène mystique fais-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu. Car je ne dirai pas le Secret à tes ennemis, ni ne te donnerai le baiser de Judas. Mais, comme le larron, je te crie : Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton royaume.

1387 Pour se préparer convenablement à recevoir ce sacrement, les fidèles observeront le jeûne prescrit dans leur Église (cf. CIC, can. 919). L’attitude corporelle (gestes, vêtement) traduira le respect, la solennité, la joie de ce moment où le Christ devient notre hôte.

1388 Il est conforme au sens même de l’Eucharistie que les fidèles, s’ils ont les dispositions requises (cf. CIC 916), communient quand ils participent à la messe (Dans la même journée, les fidèles peuvent recevoir la très Sainte Communion deux fois, et seulement deux fois [cf. Pontificia Commissio Codicis Iuris Canonici authentice interpretando, Responsa ad proposita dubia, 1 : AAS 76 (1984), p. 746]) : " Il est vivement recommandé aux fidèles de participer à la Messe de façon plus parfaite en recevant aussi, après la communion du prêtre, le corps du Seigneur du même sacrifice " (SC 55).

1389 L’Église fait obligation aux fidèles de participer les dimanches et les jours de fête à la divine liturgie (cf. OE 15) et de recevoir au moins une fois par an l’Eucharistie, si possible au temps pascal (cf. CIC, can. 920), préparés par le sacrement de la Réconciliation. Mais l’Église recommande vivement aux fidèles de recevoir la sainte Eucharistie les dimanches et les jours de fête, ou plus souvent encore, même tous les jours.

1390 Grâce à la présence sacramentelle du Christ sous chacune des espèces, la communion à la seule espèce du pain permet de recevoir tout le fruit de grâce de l’Eucharistie. Pour des raisons pastorales, cette manière de communier s’est légitimement établie comme la plus habituelle dans le rite latin. " La sainte communion réalise plus pleinement sa forme de signe lorsqu’elle se fait sous les deux espèces. Car, sous cette forme, le signe du banquet eucharistique est mis plus pleinement en lumière " (IGMR 240). C’est la forme habituelle de communier dans les rites orientaux.

Les fruits de la communion

1391 La communion accroît notre union au Christ. Recevoir l’Eucharistie dans la communion porte comme fruit principal l’union intime au Christ Jésus. Le Seigneur dit en effet : " Qui mange ma Chair et boit mon Sang demeure en moi et moi en lui " (Jn 6, 56). La vie en Christ trouve son fondement dans le banquet eucharistique : " De même qu’envoyé par le Père, qui est vivant, moi, je vis par le Père, de même, celui qui me mange, vivra, lui aussi, par moi " (Jn 6, 57) :

Lorsque dans les fêtes du Seigneur les fidèles reçoivent le Corps du Fils, ils proclament les uns aux autres la Bonne Nouvelle que les arrhes de la vie sont donnés, comme lorsque l’ange dit à Marie de Magdala : " Le Christ est ressuscité ! " Voici que maintenant aussi la vie et la résurrection sont conférées à celui qui reçoit le Christ (Fanqîth, Office syriaque d’Antioche, volume 1, Commun, 237a-b).

1392 Ce que l’aliment matériel produit dans notre vie corporelle, la communion le réalise de façon admirable dans notre vie spirituelle. La communion à la Chair du Christ ressuscité, " vivifiée par l’Esprit Saint et vivifiante " (PO 5), conserve, accroît et renouvelle la vie de grâce reçue au Baptême. Cette croissance de la vie chrétienne a besoin d’être nourrie par la communion eucharistique, pain de notre pèlerinage, jusqu’au moment de la mort, où il nous sera donné comme viatique.

1393 La communion nous sépare du péché. Le Corps du Christ que nous recevons dans la communion est " livré pour nous ", et le Sang que nous buvons, est " versé pour la multitude en rémission des péchés ". C’est pourquoi l’Eucharistie ne peut pas nous unir au Christ sans nous purifier en même temps des péchés commis et nous préserver des péchés futurs :

" Chaque fois que nous le recevons, nous annonçons la mort du Seigneur " (1 Co 11, 26). Si nous annonçons la mort du Seigneur, nous annonçons la rémission des péchés. Si, chaque fois que son Sang est répandu, il est répandu pour la rémission des péchés, je dois toujours le recevoir, pour que toujours il remette mes péchés. Moi qui pèche toujours, je dois avoir toujours un remède (S. Ambroise, sacr. 4, 28 : PL 16, 446A).

1394 Comme la nourriture corporelle sert à restaurer la perte des forces, l’Eucharistie fortifie la charité qui, dans la vie quotidienne, tend à s’affaiblir ; et cette charité vivifiée efface les péchés véniels (cf. Cc. Trente : DS 1638). En se donnant à nous, le Christ ravive notre amour et nous rend capables de rompre les attachements désordonnés aux créatures et de nous enraciner en Lui :

Puisque le Christ est mort pour nous par amour, lorsque nous faisons mémoire de sa mort au moment du sacrifice, nous demandons que l’amour nous soit accordé par la venue du Saint-Esprit ; nous prions humblement qu’en vertu de cet amour, par lequel le Christ a voulu mourir pour nous, nous aussi, en recevant la grâce du Saint-Esprit, nous puissions considérer le monde comme crucifié pour nous, et être nous-mêmes crucifiés pour le monde... Ayant reçu le don de l’amour, mourons au péché et vivons pour Dieu (S. Fulgence de Ruspe, Fab. 28, 16-19 : CCL 19A, 813-814 : LH, sem. 28, lundi, off. lect.).

1395 Par la même charité qu’elle allume en nous, l’Eucharistie nous préserve des péchés mortels futurs. Plus nous participons à la vie du Christ et plus nous progressons dans son amitié, plus il nous est difficile de rompre avec Lui par le péché mortel. L’Eucharistie n’est pas ordonnée au pardon des péchés mortels. Ceci est propre au sacrement de la Réconciliation. Le propre de l’Eucharistie est d’être le sacrement de ceux qui sont dans la pleine communion de l’Église.

1396 L’unité du Corps mystique : l’Eucharistie fait l’Église. Ceux qui reçoivent l’Eucharistie sont unis plus étroitement au Christ. Par là même, le Christ les unit à tous les fidèles en un seul corps : l’Église. La communion renouvelle, fortifie, approfondit cette incorporation à l’Église déjà réalisée par le Baptême. Dans le Baptême nous avons été appelés à ne faire qu’un seul corps (cf. 1 Co 12, 13). L’Eucharistie réalise cet appel : " La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas communion au Sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au Corps du Christ ? Puisqu’il n’y a qu’un pain, à nous tous nous ne formons qu’un corps, car tous nous avons part à ce pain unique " (1 Co 10, 16-17) :

Si vous êtes le corps du Christ et ses membres, c’est votre sacrement qui est placé sur la table du Seigneur, vous recevez votre sacrement. Vous répondez " Amen " (" oui, c’est vrai ! ") à ce que vous recevez, et vous y souscrivez en répondant. Tu entends ce mot : " le Corps du Christ " et tu réponds : " Amen ". Sois donc un membre du Christ pour que soit vrai ton Amen (S. Augustin, serm. 272 : PL 38, 1247).

1397 L’Eucharistie engage envers les pauvres : Pour recevoir dans la vérité le Corps et le Sang du Christ livrés pour nous, nous devons reconnaître le Christ dans les plus pauvres, Ses frères (cf. Mt 25, 40) :

Tu as goûté au sang du Seigneur et tu ne reconnais pas même ton frère. Tu déshonores cette table même, en ne jugeant pas digne de partager ta nourriture celui qui a été jugé digne de prendre part à cette table. Dieu t’a libéré de tous tes péchés et t’y a invité. Et toi, pas même alors, tu n’es devenu plus miséricordieux (S. Jean Chrysostome, hom. in 1 Cor. 27, 4 : PG 61, 229-230).

1398 L’Eucharistie et l’unité des chrétiens. Devant la grandeur de ce mystère, S. Augustin s’écrie : " O sacrement de la piété ! O signe de l’unité ! O lien de la charité ! " (ev. Jo. 26, 6, 13 ; cf. SC 47). D’autant plus douloureuses se font ressentir les divisions de l’Église qui rompent la commune participation à la table du Seigneur, d’autant plus pressantes sont les prières au Seigneur pour que reviennent les jours de l’unité complète de tous ceux qui croient en Lui.

1399 Les Églises orientales qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique célèbrent l’Eucharistie avec un grand amour. " Ces Églises, bien que séparées, ont de vrais sacrements, – principalement, en vertu de la succession apostolique : le Sacerdoce et l’Eucharistie, – qui les unissent intimement à nous " (UR 15). Une certaine communion in sacris, donc dans l’Eucharistie, est " non seulement possible, mais même recommandée, lors de circonstances favorables et avec l’approbation de l’autorité ecclésiastique " (UR 15 ; cf. CIC, can. 844, § 3).

1400 Les communautés ecclésiales issues de la Réforme, séparées de l’Église catholique, " en raison surtout de l’absence du sacrement de l’Ordre, n’ont pas conservé la substance propre et intégrale du mystère eucharistique " (UR 22). C’est pour cette raison que, pour l’Église catholique, l’intercommunion eucharistique avec ces communautés n’est pas possible. Cependant, ces communautés ecclésiales, " lorsqu’elles font mémoire dans la sainte Cène de la mort et de la résurrection du Seigneur, professent que la vie consiste dans la communion au Christ et attendent son retour glorieux " (UR 22).

1401 Lorsqu’une nécessité grave se fait pressente, selon le jugement de l’ordinaire, les ministres catholiques peuvent donner les sacrements (Eucharistie, pénitence, onction des malades) aux autres chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique, mais qui les demandent de leur plein gré : il faut alors qu’ils manifestent la foi catholique concernant ces sacrements et qu’ils se trouvent dans les dispositions requises (cf. CIC, can. 844, § 4).

VII. L’eucharistie – " pignus futurae gloriae "

1402 Dans une antique prière, l’Église acclame le mystère de l’Eucharistie : " O sacrum convivium in quo Christus sumitur. Recolitur memoria passionis eius ; mens impletur gratia et futuræ gloriæ nobis pignus datur " (O banquet sacré où le Christ est notre aliment, où est ravivé le souvenir de sa passion, où la grâce emplit notre âme, où nous est donné le gage de la vie à venir). Si l’Eucharistie est le mémorial de la Pâque du Seigneur, si par notre communion à l’autel, nous sommes comblés " de toute bénédiction céleste et grâce " (MR, Canon Romain 96 : " Supplices te rogamus "), l’Eucharistie est aussi l’anticipation de la gloire céleste.

1403 Lors de la dernière cène, le Seigneur a lui-même tourné le regard de ses disciples vers l’accomplissement de la Pâque dans le royaume de Dieu : " Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père " (Mt 26, 29 ; cf. Lc 22, 18 ; Mc 14, 25). Chaque fois que l’Église célèbre l’Eucharistie, elle se souvient de cette promesse et son regard se tourne vers " Celui qui vient " (Ap 1, 4). Dans sa prière, elle appelle sa venue : " Marana tha " (1 Co 16, 22), " Viens, Seigneur Jésus " (Ap 22, 20), " Que ta grâce vienne et que ce monde passe ! " (Didaché 10, 6).

1404 L’Église sait que, dès maintenant, le Seigneur vient dans son Eucharistie, et qu’il est là, au milieu de nous. Cependant, cette présence est voilée. C’est pour cela que nous célébrons l’Eucharistie " expectantes beatam spem et adventum Salvatoris nostri Jesu Christi " (en attendant la bienheureuse espérance et l’avénement de notre Sauveur Jésus-Christ – Embolisme après le Notre Père ; cf. Tt 2, 13), en demandant " d’être comblés de ta gloire, dans ton Royaume, tous ensemble et pour l’éternité, quand Tu essuieras toute larme de nos yeux ; en Te voyant, Toi notre Dieu, tel que Tu es, nous Te serons semblables éternellement, et sans fin nous chanterons ta louange, par le Christ, notre Seigneur " (MR, prière eucharistique III, 116 : prière pour les défunts).

1405 De cette grande espérance, celle des cieux nouveaux et de la terre nouvelle en lesquels habitera la justice (cf. 2 P 3, 13), nous n’avons pas de gage plus sûr, de signe plus manifeste que l’Eucharistie. En effet, chaque fois qu’est célébré ce mystère, " l’œuvre de notre rédemption s’opère " (LG 3) et nous " rompons un même pain qui est remède d’immortalité, antidote pour ne pas mourir, mais pour vivre en Jésus-Christ pour toujours " (S. Ignace d’Antioche, Eph. 20, 2).

En bref

1406 Jésus dit : " Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais... Qui mange ma Chair et boit mon Sang a la vie éternelle ... il demeure en moi et moi en lui " (Jn 6, 51. 54. 56).

1407 L’eucharistie est le cœur et le sommet de la vie de l’Église car en elle le Christ associe son Église et tous ses membres à son sacrifice de louange et d’action de grâces offert une fois pour toutes sur la Croix à son Père ; par ce sacrifice il répand les grâces du salut sur son Corps, qui est l’Église.

1408 La célébration eucharistique comporte toujours : la proclamation de la Parole de Dieu, l’action de grâce à Dieu le Père pour tous ses bienfaits, surtout pour le don de son Fils, la consécration du pain et du vin et la participation au banquet liturgique par la réception du Corps et du Sang du Seigneur. Ces éléments constituent un seul et même acte de culte.

1409 L’Eucharistie est le mémorial de la Pâque du Christ : c’est-à-dire de l’œuvre du salut accomplie par la vie, la mort et la résurrection du Christ, œuvre rendue présente par l’action liturgique.

1410 C’est le Christ lui-même, grand prêtre éternel de la nouvelle Alliance, qui, agissant par le ministère des prêtres, offre le sacrifice eucharistique. Et c’est encore le même Christ, réellement présent sous les espèces du pain et du vin, qui est l’offrande du sacrifice eucharistique.

1411 Seuls les prêtres validement ordonnés peuvent présider l’Eucharistie et consacrer le pain et le vin pour qu’ils deviennent le Corps et le Sang du Seigneur.

1412 Les signes essentiels du sacrement eucharistique sont le pain de blé et le vin du vignoble, sur lesquels est invoquée la bénédiction de l’Esprit Saint et le prêtre prononce les paroles de la consécration dites par Jésus pendant la dernière cène : " Ceci est mon corps livré pour vous ... Ceci est la coupe de mon sang ... "

1413 Par la consécration s’opère la transsubstantiation du pain et du vin dans le Corps et le Sang du Christ. Sous les espèces consacrées du pain et du vin, le Christ lui-même, vivant et glorieux, est présent de manière vraie, réelle et substantielle, son Corps et son Sang, avec son âme et sa divinité (cf. Cc. Trente : DS 1640 ; 1651).

1414 En tant que sacrifice, l’Eucharistie est aussi offerte en réparation des péchés des vivants et des défunts, et pour obtenir de Dieu des bienfaits spirituels ou temporels.

1415 Celui qui veut recevoir le Christ dans la Communion eucharistique doit se trouver en état de grâce. Si quelqu’un a conscience d’avoir péché mortellement, il ne doit pas accéder à l’Eucharistie sans avoir reçu préalablement l’absolution dans le sacrement de Pénitence.

1416 La sainte Communion au Corps et au Sang du Christ accroît l’union du communiant avec le Seigneur, lui remet les péchés véniels et le préserve des péchés graves. Puisque les liens de charité entre le communiant et le Christ sont renforcés, la réception de ce sacrement renforce l’unité de l’Église, Corps mystique du Christ.

1417 L’Église recommande vivement aux fidèles de recevoir la sainte communion quand ils participent à la célébration de l’Eucharistie ; elle leur en fait obligation au moins une fois par an.

1418 Puisque le Christ lui-même est présent dans le Sacrement de l’Autel, il faut l’honorer d’un culte d’adoration. " La visite au Très Saint Sacrement est une preuve de gratitude, un signe d’amour et un devoir d’adoration envers le Christ, notre Seigneur " (MF).

1419 Le Christ ayant passé de ce monde au Père, nous donne dans l’Eucharistie le gage de la gloire auprès de Lui : la participation au Saint Sacrifice nous identifie avec son Cœur, soutient nos forces au long du pèlerinage de cette vie, nous fait souhaiter la Vie éternelle et nous unit déjà à l’Église du Ciel, à la Sainte Vierge Marie et à tous les Saints.

CHAPITRE DEUXIÈME
LES SACREMENTS DE GUÉRISON

1420 Par les sacrements de l’initiation chrétienne, l’homme reçoit la vie nouvelle du Christ. Or, cette vie, nous la portons " en des vases d’argile " (2 Co 4, 7). Maintenant, elle est encore " cachée avec le Christ en Dieu " (Col 3, 3). Nous sommes encore dans " notre demeure terrestre " (2 Co 5, 1) soumise à la souffrance, à la maladie et à la mort. Cette vie nouvelle d’enfant de Dieu peut être affaiblie et même perdue par le péché.

1421 Le Seigneur Jésus-Christ, médecin de nos âmes et de nos corps, Lui qui a remis les péchés au paralytique et lui a rendu la santé du corps (cf. Mc 2, 1-12), a voulu que son Église continue, dans la force de l’Esprit Saint, son œuvre de guérison et de salut, même auprès de ses propres membres. C’est le but des deux sacrements de guérison : du sacrement de Pénitence et de l’Onction des malades.

ARTICLE 4
LE SACREMENT DE PÉNITENCE ET DE RÉCONCILIATION

1422 " Ceux qui s’approchent du sacrement de Pénitence y reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon de l’offense qu’ils lui ont faite et du même coup sont réconciliés avec l’Église que leur péché a blessée et qui, par la charité, l’exemple, les prières, travaille à leur conversion " (LG 11).

I. Comment est appelé ce sacrement ?

1423 Il est appelé sacrement de conversion puisqu’il réalise sacramentellement l’appel de Jésus à la conversion (cf. Mc 1, 15), la démarche de revenir au Père (cf. Lc 15, 18) dont on s’est éloigné par le péché.

Il est appelé sacrement de Pénitence puisqu’il consacre une démarche personnelle et ecclésiale de conversion, de repentir et de satisfaction du chrétien pécheur.

1424 Il est appelé sacrement de la confession puisque l’aveu, la confession des péchés devant le prêtre est un élément essentiel de ce sacrement. Dans un sens profond ce sacrement est aussi une " confession ", reconnaissance et louange de la sainteté de Dieu et de sa miséricorde envers l’homme pécheur.

Il est appelé sacrement du pardon puisque par l’absolution sacramentelle du prêtre, Dieu accorde au pénitent " le pardon et la paix " (OP formule de l’absolution).

Il est appelé sacrement de Réconciliation car il donne au pécheur l’amour de Dieu qui réconcilie : " Laissez-vous réconcilier avec Dieu " (2 Co 5, 20). Celui qui vit de l’amour miséricordieux de Dieu est prêt à répondre à l’appel du Seigneur : " Va d’abord te réconcilier avec ton frère " (Mt 5, 24).

II. Pourquoi un sacrement de la réconciliation après le Baptême ?

1425 " Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu " (1 Co 6,11). Il faut se rendre compte de la grandeur du don de Dieu qui nous est fait dans les sacrements de l’initiation chrétienne pour saisir à quel point le péché est une chose exclue pour celui qui a " revêtu le Christ " (Ga 3, 27). Mais l’apôtre saint Jean dit aussi : " Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous abusons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous " (1 Jn 1,8). Et le Seigneur lui-même nous a enseigné de prier : " Pardonne-nous nos offenses " (Lc 11,4) en liant le pardon mutuel de nos offenses au pardon que Dieu accordera à nos péchés.

1426 La conversion au Christ, la nouvelle naissance du Baptême, le don de l’Esprit Saint, le Corps et le Sang du Christ reçus en nourriture, nous ont rendu " saints et immaculés devant lui " (Ep 1, 4), comme l’Église elle-même, épouse du Christ, est " sainte et immaculée devant lui " (Ep 5, 27). Cependant, la vie nouvelle reçue dans l’initiation chrétienne n’a pas supprimé la fragilité et la faiblesse de la nature humaine, ni l’inclination au péché que la tradition appelle la concupiscence, qui demeure dans les baptisés pour qu’ils fassent leurs preuves dans le combat de la vie chrétienne aidés par la grâce du Christ (cf. DS 1515). Ce combat est celui de la conversion en vue de la sainteté et de la vie éternelle à laquelle le Seigneur ne cesse de nous appeler (cf. DS 1545 ; LG 40).

III. La conversion des baptisés

1427 Jésus appelle à la conversion. Cet appel est une partie essentielle de l’annonce du Royaume : " Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche ; repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle " (Mc 1,15). Dans la prédication de l’Église cet appel s’adresse d’abord à ceux qui ne connaissent pas encore le Christ et son Évangile. Aussi, le Baptême est-il le lieu principal de la conversion première et fondamentale. C’est par la foi en la Bonne Nouvelle et par le Baptême (cf. Ac 2, 38) que l’on renonce au mal et qu’on acquiert le salut, c’est-à-dire la rémission de tous les péchés et le don de la vie nouvelle.

1428 Or, l’appel du Christ à la conversion continue à retentir dans la vie des chrétiens. Cette seconde conversion est une tâche ininterrompue pour toute l’Église qui " enferme des pécheurs dans son propre sein " et qui " est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et qui poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement " (LG 8). Cet effort de conversion n’est pas seulement une œuvre humaine. Elle est le mouvement du " cœur contrit " (Ps 51, 19) attiré et mû par la grâce (cf. Jn 6, 44 ; 12, 32) à répondre à l’amour miséricordieux de Dieu qui nous a aimés le premier (cf. 1 Jn 4, 10).

1429 En témoigne la conversion de S. Pierre après le triple reniement de son Maître. Le regard d’infinie miséricorde de Jésus provoque les larmes du repentir (Lc 22, 61) et, après la résurrection du Seigneur, la triple affirmation de son amour envers lui (cf. Jn 21, 15-17). La seconde conversion a aussi une dimension communautaire. Cela apparaît dans l’appel du Seigneur à toute une Église : " Repends-toi ! " (Ap 2, 5. 16).

S. Ambroise dit des deux conversions que, dans l’Église, " il y a l’eau et les larmes : l’eau du Baptême et les larmes de la Pénitence " (ep. 41, 12 : PL 16, 1116B).

IV. La pénitence intérieure

1430 Comme déjà chez les prophètes, l’appel de Jésus à la conversion et à la pénitence ne vise pas d’abord des œuvres extérieures, " le sac et la cendre ", les jeûnes et les mortifications, mais la conversion du cœur, la pénitence intérieure. Sans elle, les œuvres de pénitence restent stériles et mensongères ; par contre, la conversion intérieure pousse à l’expression de cette attitude en des signes visibles, des gestes et des œuvres de pénitence (cf. Jl 2, 12-13 ; Is 1, 16-17 ; Mt 6, 1-6. 16-18).

1431 La pénitence intérieure est une réorientation radicale de toute la vie, un retour, une conversion vers Dieu de tout notre cœur, une cessation du péché, une aversion du mal, avec une répugnance envers les mauvaises actions que nous avons commises. En même temps, elle comporte le désir et la résolution de changer de vie avec l’espérance de la miséricorde divine et la confiance en l’aide de sa grâce. Cette conversion du cœur est accompagnée d’une douleur et d’une tristesse salutaires que les Pères ont appelées animi cruciatus (affliction de l’esprit), compunctio cordis (repentir du cœur) (cf. Cc. Trente : DS 1677-1678 ; 1705 ; Catech. R. 2, 5, 4).

1432 Le cœur de l’homme est lourd et endurci. Il faut que Dieu donne à l’homme un cœur nouveau (cf. Ez 36, 26-27). La conversion est d’abord une œuvre de la grâce de Dieu qui fait revenir nos cœurs à lui : " Convertis-nous, Seigneur, et nous serons convertis " (Lm 5, 21). Dieu nous donne la force de commencer à nouveau. C’est en découvrant la grandeur de l’amour de Dieu que notre cœur est ébranlé par l’horreur et le poids du péché et qu’il commence à craindre d’offenser Dieu par le péché et d’être séparé de lui. Le cœur humain se convertit en regardant vers Celui que nos péchés ont transpercé (cf. Jn 19, 37 ; Za 12, 10) :

Ayons les yeux fixés sur le sang du Christ et comprenons combien il est précieux à son Père car, répandu pour notre salut, il a ménagé au monde entier la grâce du repentir (S. Clément de Rome, Cor. 7,4).

1433 Depuis Pâques, c’est l’Esprit Saint qui " confond " le monde en matière de péché " (Jn 16, 8-9), à savoir que le monde n’a pas cru en Celui que le Père a envoyé. Mais ce même Esprit, qui dévoile le péché, est le Consolateur (cf. Jn 15, 26) qui donne au cœur de l’homme la grâce du repentir et de la conversion (cf. Ac 2, 36-38 ; cf. Jean-Paul II, DeV 27-48).

V. Les multiples formes de la pénitence dans la vie chrétienne

1434 La pénitence intérieure du chrétien peut avoir des expressions très variées. L’Écriture et les Pères insistent surtout sur trois formes : le jeûne, la prière, l’aumône (cf. Tb 12, 8 ; Mt 6, 1-18), qui expriment la conversion par rapport à soi-même, par rapport à Dieu et par rapport aux autres. A côté de la purification radicale opérée par le Baptême ou par le martyre, ils citent, comme moyen d’obtenir le pardon des péchés, les efforts accomplis pour se réconcilier avec son prochain, les larmes de pénitence, le souci du salut du prochain (cf. Jc 5, 20) l’intercession des saints et la pratique de la charité " qui couvre une multitude de péchés " (1 P 4, 8).

1435 La conversion se réalise dans la vie quotidienne par des gestes de réconciliation, par le souci des pauvres, l’exercice et la défense de la justice et du droit (cf. Am 5, 24 ; Is 1, 17), par l’aveu des fautes aux frères, la correction fraternelle, la révision de vie, l’examen de conscience, la direction spirituelle, l’acceptation des souffrances, l’endurance de la persécution à cause de la justice. Prendre sa croix, chaque jour, et suivre Jésus est le chemin le plus sûr de la pénitence (cf. Lc 9, 23).

1436 Eucharistie et Pénitence. La conversion et la pénitence quotidiennes trouvent leur source et leur nourriture dans l’Eucharistie, car en elle est rendu présent le sacrifice du Christ qui nous a réconciliés avec Dieu ; par elle sont nourris et fortifiés ceux qui vivent de la vie du Christ ; " elle est l’antidote qui nous libère de nos fautes quotidiennes et nous préserve des péchés mortels " (Cc. Trente : DS 1638).

1437 La lecture de l’Écriture Sainte, la prière de la Liturgie des Heures et du Notre Père, tout acte sincère de culte ou de piété ravive en nous l’esprit de conversion et de pénitence et contribue au pardon de nos péchés.

1438 Les temps et les jours de pénitence au cours de l’année liturgique (le temps du carême, chaque vendredi en mémoire de la mort du Seigneur) sont des moments forts de la pratique pénitentielle de l’Église (cf. SC 109-110 ; CIC, can. 1249-1253 ; CCEO, can. 880-883). Ces temps sont particulièrement appropriés pour les exercices spirituels, les liturgies pénitentielles, les pèlerinages en signe de pénitence, les privations volontaires comme le jeûne et l’aumône, le partage fraternel (œuvres caritatives et missionnaires).

1439 Le mouvement de la conversion et de la pénitence a été merveilleusement décrit par Jésus dans la parabole dite " du fils prodigue " dont le centre est " le père miséricordieux " (Lc 15, 11-24) : la fascination d’une liberté illusoire, l’abandon de la maison paternelle ; la misère extrême dans laquelle le fils se trouve après avoir dilapidé sa fortune ; l’humiliation profonde de se voir obligé de paître des porcs, et pire encore, celle de désirer se nourrir des caroubes que mangeaient les cochons ; la réflexion sur les biens perdus ; le repentir et la décision de se déclarer coupable devant son père ; le chemin du retour ; l’accueil généreux par le père ; la joie du père : ce sont là des traits propres au processus de conversion. La belle robe, l’anneau et le banquet de fête sont des symboles de cette vie nouvelle, pure, digne, pleine de joie qu’est la vie de l’homme qui revient à Dieu et au sein de sa famille, qui est l’Église. Seul le cœur du Christ qui connaît les profondeurs de l’amour de son Père, a pu nous révéler l’abîme de sa miséricorde d’une manière si pleine de simplicité et de beauté.

VI. Le sacrement de la pénitence et de la réconciliation

1440 Le péché est avant tout offense à Dieu, rupture de la communion avec Lui. Il porte en même temps atteinte à la communion avec l’Église. C’est pourquoi la conversion apporte à la fois le pardon de Dieu et la réconciliation avec l’Église, ce qu’exprime et réalise liturgiquement le sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation (cf. LG 11).

Dieu seul pardonne le péché

1441 Dieu seul pardonne les péchés (cf. Mc 2, 7). Parce que Jésus est le Fils de Dieu, il dit de lui-même : " Le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre " (Mc 2, 10) et il exerce ce pouvoir divin : " Tes péchés sont pardonnés ! " (Mc 2, 5 ; Lc 7, 48). Plus encore : en vertu de sa divine autorité, il donne ce pouvoir aux hommes (cf. Jn 20, 21-23) pour qu’ils l’exercent en son nom.

1442 Le Christ a voulu que son Église soit tout entière, dans sa prière, sa vie et son agir, le signe et l’instrument du pardon et de la réconciliation qu’Il nous a acquis au prix de son sang. Il a cependant confié l’exercice du pouvoir d’absolution au ministère apostolique. Celui-ci est chargé du " ministère de la réconciliation " (2 Co 5, 18). L’apôtre est envoyé " au nom du Christ ", et " c’est Dieu lui-même " qui, à travers lui, exhorte et supplie : " Laissez vous réconcilier avec Dieu " (2 Co 5, 20).

Réconciliation avec l’Église

1443 Durant sa vie publique, Jésus n’a pas seulement pardonné les péchés, il a aussi manifesté l’effet de ce pardon : il a réintégré les pécheurs pardonnés dans la communauté du peuple de Dieu d’où le péché les avait éloignés ou même exclus. Un signe éclatant en est le fait que Jésus admet les pécheurs à sa table, plus encore, qu’il se met lui-même à leur table, geste qui exprime de façon bouleversante à la fois le pardon de Dieu (cf. Lc 15) et le retour au sein du peuple de Dieu (cf. Lc 19, 9).

1444 En donnant part aux apôtres de son propre pouvoir de pardonner les péchés, le Seigneur leur donne aussi l’autorité de réconcilier les pécheurs avec l’Église. Cette dimension ecclésiale de leur tâche s’exprime notamment dans la parole solennelle du Christ à Simon Pierre : " Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux " (Mt 16, 19). " Cette même charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre a été aussi donnée au collège des apôtres unis à leur chef (Mt 18, 18 ; 28, 16-20) " (LG 22).

1445 Les mots lier et délier signifient : celui que vous exclurez de votre communion, celui-là sera exclu de la communion avec Dieu ; celui que vous recevez de nouveau dans votre communion, Dieu l’accueillera aussi dans la sienne. La réconciliation avec l’Église est inséparable de la réconciliation avec Dieu.

Le sacrement du pardon

1446 Le Christ a institué le sacrement de Pénitence pour tous les membres pécheurs de son Église, avant tout pour ceux qui, après le baptême, sont tombés dans le péché grave et qui ont ainsi perdu la grâce baptismale et blessé la communion ecclésiale. C’est à eux que le sacrement de Pénitence offre une nouvelle possibilité de se convertir et de retrouver la grâce de la justification. Les Pères de l’Église présentent ce sacrement comme " la seconde planche [de salut] après le naufrage qu’est la perte de la grâce " (Tertullien, pæn. 4, 2 ; cf. Cc. Trente : DS 1542).

1447 Au cours des siècles la forme concrète, selon laquelle l’Église a exercé ce pouvoir reçu du Seigneur, a beaucoup varié. Durant les premiers siècles, la réconciliation des chrétiens qui avaient commis des péchés particulièrement graves après leur Baptême (par exemple l’idolâtrie, l’homicide ou l’adultère), était liée à une discipline très rigoureuse, selon laquelle les pénitents devaient faire pénitence publique pour leurs péchés, souvent durant de longues années, avant de recevoir la réconciliation. A cet " ordre des pénitents " (qui ne concernait que certains péchés graves) on n’était admis que rarement et, dans certaines régions, une seule fois dans sa vie. Pendant le septième siècle, inspirés par la tradition monastique d’Orient, les missionnaires irlandais apportèrent en Europe continentale la pratique " privée " de la pénitence qui n’exige pas la réalisation publique et prolongée d’œuvres de pénitence avant de recevoir la réconciliation avec l’Église. Le sacrement se réalise désormais d’une manière plus secrète entre le pénitent et le prêtre. Cette nouvelle pratique prévoyait la possibilité de la réitération et ouvrait ainsi le chemin à une fréquentation régulière de ce sacrement. Elle permettait d’intégrer dans une seule célébration sacramentelle le pardon des péchés graves et des péchés véniels. C’est, dans les grandes lignes, cette forme de la pénitence que l’Église pratique jusqu’à nos jours.

1448 A travers les changements que la discipline et la célébration de ce sacrement ont connu au cours des siècles, on discerne la même structure fondamentale. Elle comporte deux éléments également essentiels ; d’une part, les actes de l’homme qui se convertit sous l’action de l’Esprit Saint : à savoir la contrition, l’aveu et la satisfaction ; d’autre part, l’action de Dieu par l’intervention de l’Église. L’Église qui, par l’évêque et ses prêtres, donne au nom de Jésus-Christ le pardon des péchés et fixe la modalité de la satisfaction, prie aussi pour le pécheur et fait pénitence avec lui. Ainsi le pécheur est guéri et rétabli dans la communion ecclésiale.

1449 La formule d’absolution en usage dans l’Église latine exprime les éléments essentielles de ce sacrement : le Père des miséricordes est la source de tout pardon. Il réalise la réconciliation des pécheurs par la Pâque de son Fils et le don de son Esprit, à travers la prière et le ministère de l’Église :

" Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde ; par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec lui et il a envoyé l’Esprit Saint pour la rémission des péchés : par le ministère de l’Église, qu’il vous donne le pardon et la paix. Et moi, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés ". (Ordo Paenitentiae 46. 55 [Polyglotte Vaticane 1974, p. 27. 37])

VII. Les actes du pénitent

1450 " La Pénitence oblige le pécheur à accepter volontiers tous ses éléments : dans son cœur, la contrition ; dans sa bouche, la confession ; dans son comportement, une totale humilité ou une fructueuse satisfaction " (Catech. R. 2, 5, 21 ; cf. Cc. Trente : DS 1673).

La contrition

1451 Parmi les actes du pénitent, la contrition vient en premier lieu. Elle est " une douleur de l’âme et une détestation du péché commis avec la résolution de ne plus pécher à l’avenir " (Cc. Trente : DS 1676).

1452 Quand elle provient de l’amour de Dieu aimé plus que tout, la contrition est appelée " parfaite " (contrition de charité). Une telle contrition remet les fautes vénielles ; elle obtient aussi le pardon des péchés mortels, si elle comporte la ferme résolution de recourir dès que possible à la confession sacramentelle (cf. Cc. Trente : DS 1677)

1453 La contrition dite " imparfaite " (ou " attrition ") est, elle aussi, un don de Dieu, une impulsion de l’Esprit Saint. Elle naît de la considération de la laideur du péché ou de la crainte de la damnation éternelle et des autres peines dont est menacé le pécheur (contrition par crainte). Un tel ébranlement de la conscience peut amorcer une évolution intérieure qui sera parachevée sous l’action de la grâce, par l’absolution sacramentelle. Par elle-même, cependant, la contrition imparfaite n’obtient pas le pardon des péchés graves, mais elle dispose à l’obtenir dans le sacrement de la Pénitence (cf. Cc. Trente : DS 1678 ; 1705).

1454 Il convient de préparer la réception de ce sacrement par un examen de conscience fait à la lumière de la Parole de Dieu. Les textes les plus adaptés à cet effet sont à chercher dans le Décalogue et dans la catéchèse morale des Évangiles et des lettres apostoliques : Sermon sur la montagne, les enseignements apostoliques (cf. Rm 12-15 ; 1 Co 12-13 ; Ga 5 ; Ep 4-6).

La confession des péchés

1455 La confession des péchés (l’aveu), même d’un point de vue simplement humain, nous libère et facilite notre réconciliation avec les autres. Par l’aveu, l’homme regarde en face les péchés dont il s’est rendu coupable ; il en assume la responsabilité et par là, il s’ouvre de nouveau à Dieu et à la communion de l’Église afin de rendre possible un nouvel avenir.

1456 L’aveu au prêtre constitue une partie essentielle du sacrement de Pénitence : " Les pénitents doivent, dans la confession, énumérer tous les péchés mortels dont ils ont conscience après s’être examinés sérieusement, même si ces péchés sont très secrets et s’ils ont été commis seulement contre les deux derniers préceptes du Décalogue (cf. Ex 20, 17 ; Mt 5, 28), car parfois ces péchés blessent plus grièvement l’âme et sont plus dangereux que ceux qui ont été commis au su de tous " (Cc. Trente : DS 1680) :

Lorsque les fidèles du Christ s’efforcent de confesser tous les péchés qui leur viennent à la mémoire, on ne peut pas douter qu’ils les présentent tous au pardon de la miséricorde divine. Ceux qui agissent autrement et qui en cachent sciemment quelques-uns ne proposent à la bonté divine rien qu’elle puisse remettre par l’intermédiaire du prêtre. Car " si le malade rougit de découvrir sa plaie au médecin, la médecine ne soigne pas ce qu’elle ignore " (S. Jérôme, Eccl. 10, 11 : PL 23, 1096) (Cc. Trente : DS 1680).

1457 D’après le commandement de l’Église, " tout fidèle parvenu à l’âge de la discrétion doit confesser au moins une fois par an, les péchés graves dont il a conscience " (DS 1683 ; cf. DS 1708 ; CIC, can. 989). Celui qui a conscience d’avoir commis un péché mortel ne doit pas recevoir la Sainte Communion, même s’il éprouve une grande contrition, sans avoir préalablement reçu l’absolution sacramentelle (cf. Cc. Trente : DS 1647 ; 1661), à moins qu’il n’ait un motif grave pour communier et qu’il ne lui soit possible d’accéder à un confesseur (cf. CIC, can. 916 ; CCEO, can. 711). Les enfants doivent accéder au sacrement de la Pénitence avant de recevoir pour la première fois la Sainte. Communion (cf. CIC, can. 914).

1458 Sans être strictement nécessaire, la confession des fautes quotidiennes (péchés véniels) est néanmoins vivement recommandée par l’Église (cf. Cc. Trente : DS 1680 ; CIC, can. 988, § 2 ). En effet, la confession régulière de nos péchés véniels nous aide à former notre conscience, à lutter contre nos penchants mauvais, à nous laisser guérir par le Christ, à progresser dans la vie de l’Esprit. En recevant plus fréquemment par ce sacrement, le don de la miséricorde du Père, nous sommes poussés à être miséricordieux comme lui (cf. Lc 6, 36) :

Celui qui confesse ses péchés agit déjà avec Dieu. Dieu accuse tes péchés ; si tu les accuses toi aussi, tu te joins à Dieu. L’homme et le pécheur sont pour ainsi dire deux réalités : quand tu entends parler de l’homme, c’est Dieu qui l’a fait ; quand tu entends parler du pécheur, c’est l’homme lui-même qui l’a fait. Détruis ce que tu as fais pour que Dieu sauve ce qu’il a fait... Quand tu commences à détester ce que tu as fait, c’est alors que tes œuvres bonnes commencent parce que tu accuses tes œuvres mauvaises. Le commencement des œuvres bonnes, c’est la confession des œuvres mauvaises. Tu fais la vérité et tu viens à la Lumière (S. Augustin, ev. Jo. 12, 13).

La satisfaction

1459 Beaucoup de péchés causent du tort au prochain. Il faut faire le possible pour le réparer (par exemple restituer des choses volées, rétablir la réputation de celui qui a été calomnié, compenser des blessures). La simple justice exige cela. Mais en plus, le péché blesse et affaiblit le pécheur lui-même, ainsi que ses relations avec Dieu et avec le prochain. L’absolution enlève le péché, mais elle ne remédie pas à tous les désordres que le péché a causés (cf. Cc. Trente : DS 1712). Relevé du péché, le pécheur doit encore recouvrer la pleine santé spirituelle. Il doit donc faire quelque chose de plus pour réparer ses péchés : il doit " satisfaire " de manière appropriée ou " expier " ses péchés. Cette satisfaction s’appelle aussi " pénitence ".

1460 La pénitence que le confesseur impose, doit tenir compte de la situation personnelle du pénitent et doit chercher son bien spirituel. Elle doit correspondre autant que possible à la gravité et à la nature des péchés commis. Elle peut consister dans la prière, une offrande, dans les œuvres de miséricorde, le service du prochain, dans des privations volontaires, des sacrifices, et surtout dans l’acceptation patiente de la croix que nous devons porter. De telles pénitences aident à nous configurer au Christ qui, seul, a expié pour nos péchés (cf. Rm 3, 25 ; 1 Jn 2, 1-2) une fois pour toutes. Elles nous permettent de devenir les cohéritiers du Christ ressuscité, " puisque nous souffrons avec lui " (Rm 8, 17 ; cf. Cc. Trente : DS 1690) :

Mais notre satisfaction, celle que nous acquittons pour nos péchés, n’est que par Jésus-Christ : nous qui, de nous mêmes comme tels, ne pouvons rien nous-mêmes, avec l’aide " de celui qui nous fortifie, nous pouvons tout " (Ph 4, 13). Ainsi l’homme n’a rien dont il puisse se glorifier, mais toute notre " gloire " est dans le Christ... en qui nous satisfaisons, " en faisant de dignes fruits de pénitence " (Lc 3, 8), qui en Lui puisent leur force, par Lui sont offerts au Père et grâce à Lui sont acceptés par le Père (Cc. Trente : DS 1691).

VIII. Le ministre de ce sacrement

1461 Puisque le Christ a confié à ses apôtres le ministère de la réconciliation (cf. Jn 20, 23 ; 2 Co 5, 18), les évêques, leurs successeurs, et les presbytres, collaborateurs des évêques, continuent à exercer ce ministère. En effet, ce sont les évêques et les presbytres, qui ont, en vertu du sacrement de l’Ordre, le pouvoir de pardonner tous les péchés " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ".

1462 Le pardon des péchés réconcilie avec Dieu mais aussi avec l’Église. L’évêque, chef visible de l’Église particulière, est donc considéré à juste titre, depuis les temps anciens, comme celui qui a principalement le pouvoir et le ministère de la réconciliation : il est le modérateur de la discipline pénitentielle (LG 26). Les presbytres, ses collaborateurs, l’exercent dans la mesure où ils en ont reçu la charge soit de leur évêque (ou d’un supérieur religieux) soit du Pape, à travers le droit de l’Église (cf. CIC, can. 844 ; 967-969 ; 972 ; CCEO, can. 722, §§ 3-4).

1463 Certains péchés particulièrement graves sont frappés de l’excommunication, la peine ecclésiastique la plus sévère, qui empêche le réception des sacrements et l’exercice de certains actes ecclésiastiques (cf. CIC, can. 1331 ; CCEO, can. 1431 ; 1434), et dont l’absolution, par conséquent, ne peut être accordée, selon le droit de l’Église, que par le Pape, l’évêque du lieu ou des prêtres autorisés par eux (cf. CIC, can. 1354-1357 ; CCEO, can. 1420). En cas de danger de mort tout prêtre, même dépourvu de la faculté d’entendre les confessions, peut absoudre de tout péché (cf. CIC, can. 976 ; CCEO, can. 725) et de toute excommunication.

1464 Les prêtres doivent encourager les fidèles à accéder au sacrement de la Pénitence et doivent se montrer disponibles à célébrer ce sacrement chaque fois que les chrétiens le demandent de manière raisonnable (cf. CIC, can. 986 ; CCEO, can. 735 ; PO 13).

1465 En célébrant le sacrement de la Pénitence, le prêtre accomplit le ministère du Bon Pasteur qui cherche la brebis perdue, celui du Bon Samaritain qui panse les blessures, du Père qui attend le Fils prodigue et l’accueille à son retour, du juste Juge qui ne fait pas acception de personne et dont le jugement est à la fois juste et miséricordieux. Bref, le prêtre est le signe et l’instrument de l’amour miséricordieux de Dieu envers le pécheur.

1466 Le confesseur n’est pas le maître, mais le serviteur du pardon de Dieu. Le ministre de ce sacrement doit s’unir à l’intention et à la charité du Christ (cf. PO 13). Il doit avoir une connaissance éprouvée du comportement chrétien, l’expérience des choses humaines, le respect et la délicatesse envers celui qui est tombé ; il doit aimer la vérité, être fidèle au magistère de l’Église et conduire le pénitent avec patience vers la guérison et la pleine maturité. Il doit prier et faire pénitence pour lui en le confiant à la miséricorde du Seigneur.

1467 Étant donnée la délicatesse et la grandeur de ce ministère et le respect dû aux personnes, l’Église déclare que tout prêtre qui entend des confessions est obligé de garder un secret absolu au sujet des péchés que ses pénitents lui ont confessés, sous des peines très sévères (CIC, can. 1388, §1 ; CCEO, can. 1456). Il ne peut pas non plus faire état des connaissances que la confession lui donne sur la vie des pénitents. Ce secret, qui n’admet pas d’exceptions, s’appelle le " sceau sacramentel ", car ce que le pénitent a manifesté au prêtre reste " scellé " par le sacrement.

IX. Les effets de ce sacrement

1468 " Toute l’efficacité de la Pénitence consiste à nous rétablir dans la grâce de Dieu et à nous unir à Lui dans une souveraine amitié " (Catech. R. 2, 5, 18). Le but et l’effet de ce sacrement sont donc la réconciliation avec Dieu. Chez ceux qui reçoivent le sacrement de Pénitence avec un cœur contrit et dans une disposition religieuse, " il est suivi de la paix et de la tranquillité de la conscience, qu’accompagne une forte consolation spirituelle " (Cc. Trente : DS 1674). En effet, le sacrement de la réconciliation avec Dieu apporte une véritable " résurrection spirituelle ", une restitution de la dignité et des biens de la vie des enfants de Dieu dont le plus précieux est l’amitié de Dieu (Lc 15, 32).

1469 Ce sacrement nous réconcilie avec l’Église. Le péché ébrèche ou brise la communion fraternelle. Le sacrement de Pénitence la répare ou la restaure. En ce sens, il ne guérit pas seulement celui qui est rétabli dans la communion ecclésiale, il a aussi un effet vivifiant sur la vie de l’Église qui a souffert du péché d’un de ses membres (cf. 1 Co 12, 26). Rétabli ou affermi dans la communion des saints, le pécheur est fortifié par l’échange des biens spirituels entre tous les membres vivants du Corps du Christ, qu’ils soient encore dans l’état de pèlerinage ou qu’ils soient déjà dans la patrie céleste (cf. LG 48-50) :

Il faut rappeler que la réconciliation avec Dieu a comme conséquence, pour ainsi dire, d’autres réconciliations qui porteront remède à d’autres ruptures produites par le péché : le pénitent pardonné se réconcilie avec lui-même dans la profondeur de son être, où il récupère la propre vérité intérieure ; il se réconcilie avec les frères que de quelque manière il a offensé et blessé ; il se réconcilie avec l’Église ; il se réconcilie avec la création toute entière (RP 31).

1470 Dans ce sacrement, le pécheur, en se remettant au jugement miséricordieux de Dieu, anticipe d’une certaine façon le jugement auquel il sera soumis à la fin de cette vie terrestre. Car c’est maintenant, dans cette vie-ci, que nous est offert le choix entre la vie et la mort, et ce n’est que par le chemin de la conversion que nous pouvons entrer dans le Royaume d’où exclut le péché grave (cf. 1 Co 5, 11 ; Ga 5, 19-21 ; Ap 22, 15). En se convertissant au Christ par la pénitence et la foi, le pécheur passe de la mort à la vie " et il n’est pas soumis au jugement " (Jn 5, 24).

X. Les indulgences

1471 La doctrine et la pratique des indulgences dans l’Église sont étroitement liées aux effets du sacrement de Pénitence.

Qu’est-ce que l’indulgence ?

" L’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l’action de l’Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints " (Paul VI, const. ap. " Indulgentiarum doctrina ", Norme 1).

" L’indulgence est partielle ou plénière, selon qu’elle libère partiellement ou totalement de la peine temporelle due pour le péché " (ibid, Norme 2). " Tout fidèle peut gagner des indulgences pour soi-même ou les appliquer aux défunts " (CIC, can. 994).

Les peines du péché

1472 Pour comprendre cette doctrine et cette pratique de l’Église il faut voir que le péché a une double conséquence. Le péché grave nous prive de la communion avec Dieu, et par là il nous rend incapables de la vie éternelle, dont la privation s’appelle la " peine éternelle " du péché. D’autre part, tout péché, même véniel, entraîne un attachement malsain aux créatures, qui a besoin de purification, soit ici-bas, soit après la mort, dans l’état qu’on appelle Purgatoire. Cette purification libère de ce qu’on appelle la " peine temporelle " du péché. Ces deux peines ne doivent pas être conçues comme une espèce de vengeance, infligée par Dieu de l’extérieur, mais bien comme découlant de la nature même du péché. Une conversion qui procède d’une fervente charité, peut arriver à la totale purification du pécheur, de sorte qu’aucune peine ne subsisterait (cf. Cc. Trente : DS 1712-1713 ; 1820).

1473 Le pardon du péché et la restauration de la communion avec Dieu entraînent la remise des peines éternelles du péché. Mais des peines temporelles du péché demeurent. Le chrétien doit s’efforcer, en supportant patiemment les souffrances et les épreuves de toutes sortes et, le jour venu, en faisant sereinement face à la mort, d’accepter comme une grâce ces peines temporelles du péché ; il doit s’appliquer, par les œuvres de miséricorde et de charité, ainsi que par la prière et les différentes pratiques de la pénitence, à se dépouiller complètement du " vieil homme " et à revêtir " l’homme nouveau " (cf. Ep 4, 24).

Dans la communion des saints

1474 Le chrétien qui cherche à se purifier de son péché et à se sanctifier avec l’aide de la grâce de Dieu ne se trouve pas seul. " La vie de chacun des enfants de Dieu se trouve liée d’une façon admirable, dans le Christ et par le Christ, avec la vie de tous les autres frères chrétiens, dans l’unité surnaturelle du Corps mystique du Christ, comme dans une personne mystique " (Paul VI, const. ap. " Indulgentiarum doctrina " 5).

1475 Dans la communion des saints " il existe donc entre les fidèles – ceux qui sont en possession de la patrie céleste, ceux qui ont été admis à expier au purgatoire ou ceux qui sont encore en pèlerinage sur la terre – un constant lien d’amour et un abondant échange de tous biens " (ibid.). Dans cet échange admirable, la sainteté de l’un profite aux autres, bien au-delà du dommage que le péché de l’un a pu causer aux autres. Ainsi, le recours à la communion des saints permet au pécheur contrit d’être plus tôt et plus efficacement purifié des peines du péché.

1476 Ces biens spirituels de la communion des saints, nous les appelons aussi le trésor de l’Église, " qui n’est pas une somme de biens, ainsi qu’il en est des richesses matérielles accumulées au cours des siècles, mais qui est le prix infini et inépuisable qu’ont auprès de Dieu les expiations et les mérites du Christ Notre Seigneur, offerts pour que l’humanité soit libérée du péché et parvienne à la communion avec le Père. C’est dans le Christ, notre Rédempteur, que se trouvent en abondance les satisfactions et les mérites de sa rédemption (cf. He 7, 23-25 ; 9, 11-28) ".

1477 " Appartiennent également à ce trésor le prix vraiment immense, incommensurable et toujours nouveau qu’ont auprès de Dieu les prières et les bonnes œuvres de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints qui se sont sanctifiés par la grâce du Christ, en marchant sur ses traces, et ont accompli une œuvre agréable au Père, de sorte qu’en travaillant à leur propre salut, ils ont coopéré également au salut de leurs frères dans l’unité du Corps mystique " (Paul VI, const. ap. " Indulgentiarum doctrina " 5).

Obtenir l’indulgence de Dieu par l’Église

1478 L’indulgence s’obtient par l’Église qui, en vertu du pouvoir de lier et de délier qui lui a été accordé par le Christ Jésus, intervient en faveur d’un chrétien et lui ouvre le trésor des mérites du Christ et des saints pour obtenir du Père des miséricordes la remise des peines temporelles dues pour ses péchés. C’est ainsi que l’Église ne veut pas seulement venir en aide à ce chrétien, mais aussi l’inciter à des œuvres de piété, de pénitence et de charité (cf. Paul VI, loc. cit. 8 ; Cc. Trente : DS 1835).

1479 Puisque les fidèles défunts en voie de purification sont aussi membres de la même communion des saints, nous pouvons les aider entre autres en obtenant pour eux des indulgences, de sorte qu’ils soient acquittés des peines temporelles dues pour leurs péchés.

XI. La célébration du sacrement de pénitence

1480 Comme tous les sacrements, la pénitence est une action liturgique. Tels sont ordinairement les éléments de la célébration : salutation et bénédiction du prêtre, lecture de la Parole de Dieu pour éclairer la conscience et susciter la contrition, et exhortation à la repentance ; la confession qui reconnaît les péchés et les manifeste au prêtre ; l’imposition et acceptation de la pénitence ; l’absolution du prêtre ; louange d’action de grâces et envoi avec la bénédiction du prêtre.

1481 La liturgie byzantine connaît plusieurs formules d’absolution, de forme déprécative, qui expriment admirablement le mystère du pardon : " Que le Dieu, qui par le prophète Nathan, a pardonné à David lorsqu’il eut confessé ses propres péchés, et à Pierre lorsqu’il eut pleuré amèrement, et à la courtisane lorsqu’elle eut répandu ses larmes sur ses pieds, et au pharisien, et au prodigue, que ce même Dieu vous pardonne, par moi, pécheur, en cette vie et dans l’autre et qu’Il vous fasse comparaître sans vous condamner à son redoutable tribunal, Lui qui est béni dans les siècles des siècles. Amen. " (Euxologia to mèga [Athens 1992] p. 222)

1482 Le sacrement de la Pénitence peut aussi avoir lieu dans le cadre d’une célébration communautaire, dans laquelle on se prépare ensemble à la confession et on rend grâce ensemble pour le pardon reçu. Ici, la confession personnelle des péchés et l’absolution individuelle sont insérées dans une liturgie de la Parole de Dieu, avec lectures et homélie, examen de conscience mené en commun, demande communautaire du pardon, prière du " Notre Père " et action de grâce en commun. Cette célébration communautaire exprime plus clairement le caractère ecclésial de la pénitence. Quelle que soit cependant la manière de sa célébration, le sacrement de Pénitence est toujours, d’après sa nature même, une action liturgique, donc ecclésiale et publique (cf. SC 26-27).

1483 En des cas de nécessité grave on peut recourir à la célébration communautaire de la réconciliation avec confession générale et absolution générale. Une telle nécessité grave peut se présenter lorsqu’il y a un danger imminent de mort sans que le ou les prêtres aient le temps suffisant pour entendre la confession de chaque pénitent. La nécessité grave peut exister aussi lorsque, compte tenu du nombre des pénitents, il n’y a pas assez de confesseurs pour entendre dûment les confessions individuelles dans un temps raisonnable, de sorte que les pénitents, sans faute de leur part, se verraient privés pendant longtemps de la grâce sacramentelle ou de la sainte communion. Dans ce cas les fidèles doivent avoir, pour la validité de l’absolution, le propos de confesser individuellement leurs péchés graves en temps voulu (cf. CIC, can. 962, § 1). C’est à l’Evêque diocésain de juger si les conditions requises pour l’absolution générale existent (cf. CIC, can. 961, § 2). Un grand concours de fidèles à l’occasion de grandes fêtes ou de pèlerinages ne constitue pas un cas d’une telle grave nécessité (cf. CIC, can. 961, § 1)

1484 " La confession individuelle et intégrale suivie de l’absolution demeure le seul mode ordinaire par lequel les fidèles se réconcilient avec Dieu et l’Église, sauf si une impossibilité physique ou morale dispense d’une telle confession " (OP 31). Ceci n’est pas sans raisons profondes. Le Christ agit en chacun des sacrements. Il s’adresse personnellement à chacun des pécheurs : " Mon enfant, tes péchés sont remis " (Mc 2, 5) ; il est le médecin qui se penche sur chacun des malades qui ont besoin de lui (cf. Mc 2, 17) pour les guérir ; il les relève et les réintègre dans la communion fraternelle. La confession personnelle est donc la forme la plus significative de la réconciliation avec Dieu et avec l’Église.

En bref

1485 " Le soir de Pâques, le Seigneur Jésus se montra à ses Apôtres et leur dit : ‘Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus’ " (Jn 20, 22-23).

1486 Le pardon des péchés commis après le Baptême est accordé par un sacrement propre appelé sacrement de la conversion, de la confession, de la pénitence ou de la réconciliation.

1487 Qui pèche blesse l’honneur de Dieu et son amour, sa propre dignité d’homme appelé à être fils de Dieu et le bien-être spirituel de l’Église dont chaque chrétien doit être une pierre vivante.

1488 Aux yeux de la foi, aucun mal n’est plus grave que le péché et rien n’a de pires conséquences pour les pécheurs eux-mêmes, pour l’Église et pour le monde entier.

1489 Revenir à la communion avec Dieu après l’avoir perdue par le péché, est un mouvement né de la grâce du Dieu plein de miséricorde et soucieux du salut des hommes. Il faut demander ce don précieux pour soi-même comme pour autrui.

1490 Le mouvement de retour à Dieu, appelé conversion et repentir, implique une douleur et une aversion vis-à-vis des péchés commis, et le propos ferme de ne plus pécher à l’avenir. La conversion touche donc le passé et l’avenir ; elle se nourrit de l’espérance en la miséricorde divine.

1491 Le sacrement de la Pénitence est constitué par l’ensemble des trois actes posés par le pénitent, et par l’absolution du prêtre. Les actes du pénitent sont : le repentir, la confession ou manifestation des péchés au prêtre et le propos d’accomplir la réparation et les œuvres de réparation.

1492 Le repentir (appelé aussi contrition) doit être inspiré par des motifs qui relèvent de la foi. Si le repentir est conçu par amour de charité envers Dieu, on le dit " parfait " ; s’il est fondé sur d’autres motifs, on l’appelle " imparfait ".

1493 Celui qui veut obtenir la réconciliation avec Dieu et avec l’Église, doit confesser au prêtre tous les péchés graves qu’il n’a pas encore confessé et dont il se souvient après avoir examiné soigneusement sa conscience. Sans être en soi nécessaire, la confession des fautes vénielles est néanmoins vivement recommandée par l’Église.

1494 Le confesseur propose au pénitent l’accomplissement de certains actes de " satisfaction " ou de " pénitence ", en vue de réparer le dommage causé par le péché et de rétablir les habitudes propres au disciple du Christ.

1495 Seuls les prêtres qui ont reçu de l’autorité de l’Église la faculté d’absoudre peuvent pardonner les péchés au nom du Christ.

1496 Les effets spirituels du sacrement de Pénitence sont :

– la réconciliation avec Dieu par laquelle le pénitent recouvre la grâce,

– la réconciliation avec l’Église ;

– la remise de la peine éternelle encourue par les péchés mortels ;

– la remise, au moins en partie, des peines temporelles, suites du péché ;

– la paix et la sérénité de la conscience, et la consolation spirituelle ;

– l’accroissement des forces spirituelles pour le combat chrétien.

1497 La confession individuelle et intégrale des péchés graves suivie de l’absolution demeure le seul moyen ordinaire pour la réconciliation avec Dieu et avec l’Église.

1498 Par les indulgences les fidèles peuvent obtenir pour eux-mêmes et aussi pour les âmes du Purgatoire, la rémission des peines temporelles, suites des péchés.

ARTICLE 5
L’ONCTION DES MALADES

1499 " Par l’Onction sacrée des malades et la prière des prêtres, c’est l’Église toute entière qui recommande les malades au Seigneur souffrant et glorifié, pour qu’il les soulage et les sauve ; bien mieux, elle les exhorte, en s’associant librement à la passion et à la mort du Christ à apporter leur part pour le bien du peuple de Dieu " (LG 11).

I. Ses fondements dans l’Economie du Salut

La maladie dans la vie humaine

1500 La maladie et la souffrance ont toujours été parmi les problèmes les plus graves qui éprouvent la vie humaine. Dans la maladie, l’homme fait l’expérience de son impuissance, de ses limites et de sa finitude. Toute maladie peut nous faire entrevoir la mort.

1501 La maladie peut conduire à l’angoisse, au repliement sur soi, parfois même au désespoir et à la révolte contre Dieu. Elle peut aussi rendre la personne plus mûre, l’aider à discerner dans sa vie ce qui n’est pas essentiel pour se tourner vers ce qui l’est. Très souvent, la maladie provoque une recherche de Dieu, un retour à Lui.

Le malade devant Dieu

1502 L’homme de l’Ancien Testament vit la maladie en face de Dieu. C’est devant Dieu qu’il déverse sa plainte sur sa maladie (cf. Ps 38) et c’est de Lui, le Maître de la vie et de la mort, qu’il implore la guérison (cf. Ps 6, 3 ; Is 38). La maladie devient chemin de conversion (cf. Ps 38, 5 ; 39, 9. 12) et le pardon de Dieu inaugure la guérison (cf. Ps 32, 5 ; 107, 20 ; Mc 2, 5-12). Israël fait l’expérience que la maladie est, d’une façon mystérieuse, liée au péché et au mal, et que la fidélité à Dieu, selon sa Loi, rend la vie : " car c’est moi, le Seigneur, qui suis ton médecin " (Ex 15, 26). Le prophète entrevoit que la souffrance peut aussi avoir un sens rédempteur pour les péchés des autres (cf. Is 53, 11). Enfin, Isaïe annonce que Dieu amènera un temps pour Sion où il pardonnera toute faute et guérira toute maladie (cf. Is 33, 24).

Le Christ – médecin

1503 La compassion du Christ envers les malades et ses nombreuses guérisons d’infirmes de toute sorte (cf. Mt 4, 24) sont un signe éclatant de ce " que Dieu a visité son peuple " (Lc 7, 16) et que le Royaume de Dieu est tout proche. Jésus n’a pas seulement pouvoir de guérir, mais aussi de pardonner les péchés (cf. Mc 2, 5-12) : il est venu guérir l’homme tout entier, âme et corps ; il est le médecin dont les malades ont besoin (cf. Mc 2, 17). Sa compassion envers tous ceux qui souffrent va si loin qu’il s’identifie avec eux : " J’ai été malade et vous m’avez visité " (Mt 25, 36). Son amour de prédilection pour les infirmes n’a cessé, tout au long des siècles, d’éveiller l’attention toute particulière des chrétiens envers tous ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme. Elle est à l’origine des efforts inlassables pour les soulager.

1504 Souvent Jésus demande aux malades de croire (cf. Mc 5, 34. 36 ; 9, 23). Il se sert de signes pour guérir : salive et imposition des mains (cf. Mc 7, 32-36 ; 8, 22-25), boue et ablution (cf. Jn 9, 6 s). Les malades cherchent à le toucher (cf. Mc 1, 41 ; 3, 10 ; 6, 56) " car une force sortait de lui qui les guérissait tous " (Lc 6, 19). Ainsi, dans les sacrements, le Christ continue à nous " toucher " pour nous guérir.

1505 Emu par tant de souffrances, le Christ non seulement se laisse toucher par les malades, mais il fait siennes leurs misères : " Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies " (Mt 8, 17 ; cf. Is 53, 4). Il n’a pas guéri tous les malades. Ses guérisons étaient des signes de la venue du Royaume de Dieu. Ils annonçaient une guérison plus radicale : la victoire sur le péché et la mort par sa Pâque. Sur la Croix, le Christ a pris sur lui tout le poids du mal (cf. Is 53, 4-6) et a enlevé le " péché du monde " (Jn 1, 29), dont la maladie n’est qu’une conséquence. Par sa passion et sa mort sur la Croix, le Christ a donné un sens nouveau à la souffrance : elle peut désormais nous configurer à lui et nous unir à sa passion rédemptrice.

" Guérissez les malades... "

1506 Le Christ invite ses disciples à le suivre en prenant à leur tour leur croix (cf. Mt 10, 38). En le suivant, ils acquièrent un nouveau regard sur la maladie et sur les malades. Jésus les associe à sa vie pauvre et servante. Il les fait participer à son ministère de compassion et de guérison : " Ils s’en allèrent prêcher qu’on se repentît ; et ils chassaient beaucoup de démons et faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades et les guérissaient " (Mc 6, 12-13).

1507 Le Seigneur ressuscité renouvelle cet envoi (" Par mon nom ... ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris " : Mc 16, 17-18) et le confirme par les signes que l’Église accomplit en invoquant son nom (cf. Ac 9, 34 ; 14, 3). Ces signes manifestent d’une manière spéciale que Jésus est vraiment " Dieu qui sauve " (cf. Mt 1, 21 ; Ac 4, 12).

1508 L’Esprit Saint donne à certains un charisme spécial de guérison (cf. 1 Co 12, 9. 28. 30) pour manifester la force de la grâce du Ressuscité. Même les prières les plus intenses n’obtiennent toutefois pas la guérison de toutes les maladies. Ainsi S. Paul doit apprendre du Seigneur que " ma grâce te suffit : car ma puissance se déploie dans la faiblesse " (2 Co 12, 9), et que les souffrances à endurer peuvent avoir comme sens que " je complète dans ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps qui est l’Église " (Col 1, 24).

1509 " Guérissez les malades ! " (Mt 10, 8). Cette charge, l’Église l’a reçue du Seigneur et tâche de la réaliser autant par les soins qu’elle apporte aux malades que par la prière d’intercession avec laquelle elle les accompagne. Elle croit en la présence vivifiante du Christ, médecin des âmes et des corps. Cette présence est particulièrement agissante à travers les sacrements, et de manière toute spéciale par l’Eucharistie, pain qui donne la vie éternelle (cf. Jn 6, 54. 58) et dont S. Paul insinue le lien avec la santé corporelle (cf. 1 Co 11, 30).

1510 L’Église apostolique connaît cependant un rite propre en faveur des malades, attesté par S. Jacques : " Quelqu’un parmi vous est malade ? Qu’il appelle les presbytres de l’Église et qu’ils prient sur lui, après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient, et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis " (Jc 5, 14-15). La Tradition a reconnu dans ce rite un des sept sacrements de l’Église (cf. DS 216 ; 1324-1325 ; 1695-1696 ; 1716-1717).

Un sacrement des malades

1511 L’Église croit et confesse qu’il existe, parmi les sept sacrements, un sacrement spécialement destiné à réconforter ceux qui sont éprouvés par la maladie : l’Onction des malades :

Cette onction sainte des malades a été instituée par le Christ notre Seigneur comme un sacrement du Nouveau Testament, véritablement et proprement dit, insinué par Marc [cf. Mc 6, 13], mais recommandé aux fidèles et promulgué par Jacques, apôtre et frère du Seigneur [cf. Jc 5, 14-15] (Cc. Trente : DS 1695).

1512 Dans la tradition liturgique, tant en Orient qu’en Occident, on possède dès l’antiquité, des témoignages d’onctions de malades pratiquées avec de l’huile bénite. Au cours des siècles, l’Onction des malades a été conférée de plus en plus exclusivement à ceux qui étaient sur le point de mourir. A cause de cela elle avait reçu le nom d’ " Extrême-Onction ". Malgré cette évolution la liturgie n’a jamais omis de prier le Seigneur afin que le malade recouvre sa santé si cela est convenable à son salut (cf. DS 1696).

1513 La Constitution apostolique " Sacram unctionem infirmorum " du 30 novembre 1972, à la suite du deuxième Concile du Vatican (cf. SC 73) a établi que désormais, dans le rite romain, on observe ce qui suit :

Le sacrement de l’Onction des malades est conféré aux personnes dangereusement malades, en les oignant sur le front et sur les mains avec de l’huile dûment bénite – huile d’olive ou autre huile extraite de plantes – en disant une seule fois : " Per istam sanctam unctionem et suam piissimam misericordiam adiuvet te Dominus gratia Spiritus Sancti, ut a peccatis liberatum te salvet atque propitius allevet " (Par cette onction sainte, que le Seigneur, en sa grande bonté vous réconforte par la grâce de l’Esprit Saint. Ainsi, vous ayant libéré de tous péchés, qu’Il vous sauve et vous relève – cf. CIC, can. 847, § 1).

II. Qui reçoit et qui administre ce sacrement ?

En cas de maladie grave ...

1514 L’Onction des malades " n’est pas seulement le sacrement de ceux qui se trouvent à toute extrémité. Aussi, le temps opportun pour la recevoir est-il certainement déjà arrivé lorsque le fidèle commence à être en danger de mort à cause de la maladie par suite d’affaiblissement physique ou de vieillesse " (SC 73 ; cf. CIC, can. 1004, § 1 ; 1005 ; 1007 ; CCEO, can. 738).

1515 Si un malade qui a reçu l’Onction recouvre la santé, il peut, en cas de nouvelle maladie grave, recevoir de nouveau ce sacrement. Au cours de la même maladie, ce sacrement peut être réitéré si la maladie s’aggrave. Il est approprié de recevoir l’Onction des malades au seuil d’une opération importante. Il en va de même pour les personnes âgées dont la fragilité s’accentue.

" ...qu’il appelle les presbytres de l’Église "

1516 Seuls les prêtres (évêques et presbytres) sont les ministres de l’Onction des malades (cf. Cc. Trente : DS 1697 ; 1719 ; CIC, can. 1003 ; CCEO, can. 739, § 1). C’est le devoir des pasteurs d’instruire les fidèles des bienfaits de ce sacrement. Que les fidèles encouragent les malades à faire appel au prêtre pour recevoir ce sacrement. Que les malades se préparent pour le recevoir dans les bonnes dispositions, avec l’aide de leur pasteur et de toute la communauté ecclésiale qui est invitée à entourer tout spécialement les malades de ses prières et de ses attentions fraternelles.

III. Comment est célébré ce sacrement ?

1517 Comme tous les sacrements, l’Onction des malades est une célébration liturgique et communautaire (cf. SC 27), qu’elle ait lieu en famille, à l’hôpital ou à l’Église, pour un seul malade ou pour tout un groupe d’infirmes. Il est très convenable qu’elle soit célébrée au sein de l’Eucharistie, mémorial de la Pâque du Seigneur. Si les circonstances y invitent, la célébration du sacrement peut être précédée du sacrement de Pénitence et suivie du sacrement de l’Eucharistie. En tant que sacrement de la Pâque du Christ, l’Eucharistie devrait toujours être le dernier sacrement de la pérégrination terrestre, le " viatique " pour le " passage " vers la vie éternelle.

1518 Parole et sacrement forment un tout inséparable. La Liturgie de la Parole, précédée d’un acte de pénitence, ouvre la célébration. Les paroles du Christ, le témoignage des Apôtres éveillent la foi du malade et de la communauté pour demander au Seigneur la force de son Esprit.

1519 La célébration du sacrement comprend principalement les éléments suivants : " les prêtres de l’Église " (Jc 5, 14) imposent – en silence – les mains aux malades ; ils prient sur les malades dans la foi de l’Église (cf. Jc 5, 15) ; c’est l’épiclèse propre de ce sacrement ; ils donnent alors l’onction avec l’huile bénite, si possible, par l’évêque.

Ces actions liturgiques indiquent quelle grâce ce sacrement confère aux malades.

IV. Les effets de la célébration de ce sacrement

1520 Un don particulier de l’Esprit Saint. La grâce première de ce sacrement est une grâce de réconfort, de paix et de courage pour vaincre les difficultés propres à l’état de maladie grave ou à la fragilité de la vieillesse. Cette grâce est un don du Saint-Esprit qui renouvelle la confiance et la foi en Dieu et fortifie contre les tentations du malin, tentation de découragement et d’angoisse de la mort (cf. He 2, 15). Cette assistance du Seigneur par la force de son Esprit veut conduire le malade à la guérison de l’âme, mais aussi à celle du corps, si telle est la volonté de Dieu (cf. Cc. Florence : DS 1325). En outre, " s’il a commis des péchés, ils lui seront remis " (Jc 5, 15 ; cf. Cc. Trente : DS 1717).

1521 L’union à la Passion du Christ. Par la grâce de ce sacrement, le malade reçoit la force et le don de s’unir plus intimement à la Passion du Christ : il est d’une certaine façon consacré pour porter du fruit par la configuration à la Passion rédemptrice du Sauveur. La souffrance, séquelle du péché originel, reçoit un sens nouveau : elle devient participation à l’œuvre salvifique de Jésus.

1522 Une grâce ecclésiale. Les malades qui reçoivent ce sacrement, " en s’associant librement à la Passion et à la mort du Christ ", apportent " leur part pour le bien du peuple de Dieu " (LG 11). En célébrant ce sacrement, l’Église, dans la communion des saints, intercède pour le bien du malade. Et le malade, à son tour, par la grâce de ce sacrement, contribue à la sanctification de l’Église et au bien de tous les hommes pour lesquels l’Église souffre et s’offre, par le Christ, à Dieu le Père.

1523 Une préparation au dernier passage. Si le sacrement de l’Onction des malades est accordé à tous ceux qui souffrent de maladies et d’infirmités graves, il l’est à plus forte raison à ceux qui sont sur le point de sortir de cette vie (In exitu vitæ constituti : Cc. Trente : DS 1698), de sorte qu’on l’a aussi appelé sacramentum exeuntium (ibid.). L’Onction des malades achève de nous conformer à la mort et à la résurrection du Christ, comme le Baptême avait commencé de le faire. Elle parachève les onctions saintes qui jalonnent toute la vie chrétienne ; celle du Baptême avait scellé en nous la vie nouvelle ; celle de la Confirmation nous avait fortifiés pour le combat de cette vie. Cette dernière onction munit la fin de notre vie terrestre comme d’un solide rempart en vue des dernières luttes avant l’entrée dans la Maison du Père (ibid. : DS 1694).

V. Le Viatique, dernier sacrement du chrétien

1524 A ceux qui vont quitter cette vie, l’Église offre, en plus de l’Onction des malades, l’Eucharistie comme viatique. Reçue à ce moment de passage vers le Père, la Communion au Corps et au Sang du Christ a une signification et une importance particulières. Elle est semence de vie éternelle et puissance de résurrection, selon les paroles du Seigneur : " Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi, je le ressusciterai au dernier jour " (Jn 6, 54). Sacrement du Christ mort et ressuscité, l’Eucharistie est ici sacrement du passage de la mort à la vie, de ce monde vers le Père (cf. Jn 13, 1).

1525 Ainsi, comme les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie constituent une unité appelée " les sacrements de l’initiation chrétienne ", on peut dire que la Pénitence, la Sainte Onction et l’Eucharistie, en tant que viatique, constituent, quand la vie chrétienne touche à son terme, " les sacrements qui préparent à la Patrie " ou les sacrements qui achèvent la pérégrination.

En bref

1526 " Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il appelle les presbytres de l’Église et qu’ils prient sur lui, après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient, et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis " (Jc 5, 14-15).

1527 Le sacrement de l’Onction des malades a pour but de conférer une grâce spéciale au chrétien qui éprouve les difficultés inhérentes à l’état de maladie grave ou à la vieillesse.

1528 Le temps opportun pour recevoir la Sainte Onction est certainement arrivé lorsque le fidèle commence à se trouver en danger de mort pour cause de maladie ou de vieillesse.

1529 Chaque fois qu’un chrétien tombe gravement malade, il peut recevoir la Sainte Onction, de même lorsqu’après l’avoir reçue la maladie s’aggrave.

1530 Seuls les prêtres (presbytres et évêques) peuvent donner le sacrement de l’Onction des malades ; pour le conférer ils emploient de l’huile bénite par l’Evêque, ou, au besoin, par le presbytre célébrant lui-même.

1531 L’essentiel de la célébration de ce sacrement consiste en l’onction sur le front et les mains du malade (dans le rite romain) ou sur d’autres parties du corps (en Orient), onction accompagnée de la prière liturgique du prêtre célébrant qui demande la grâce spéciale de ce sacrement.

1532 La grâce spéciale du Sacrement de l’Onction des malades a comme effets :

– l’union du malade à la Passion du Christ, pour son bien et pour celui de toute l’Église ;

– le réconfort, la paix et le courage pour supporter chrétiennement les souffrances de la maladie ou de la vieillesse ;

– le pardon des péchés si le malade n’a pas pu l’obtenir par le sacrement de la Pénitence ;

– le rétablissement de la santé, si cela convient au salut spirituel ;

– la préparation au passage à la vie éternelle.

CHAPITRE TROISIÈME
LES SACREMENTS DU SERVICE DE LA COMMUNION

1533 Le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie sont les sacrements de l’initiation chrétienne. Ils fondent la vocation commune de tous les disciples du Christ, vocation à la sainteté et à la mission d’évangéliser le monde. Ils confèrent les grâces nécessaires pour la vie selon l’Esprit en cette vie de pèlerins en marche vers la patrie.

1534 Deux autres sacrements, l’Ordre et le Mariage, sont ordonnés au salut d’autrui. S’ils contribuent également au salut personnel, c’est à travers le service des autres qu’ils le font. Ils confèrent une mission particulière dans l’Église et servent à l’édification du peuple de Dieu.

1535 En ces sacrements, ceux qui ont été déjà consacrés par le Baptême et la Confirmation (cf. LG 10) pour le sacerdoce commun de tous les fidèles, peuvent recevoir des consécrations particulières. Ceux qui reçoivent le sacrement de l’Ordre sont consacrés pour être, au nom du Christ, " par la parole et la grâce de Dieu les pasteurs de l’Église " (LG 11). De leur côté, " les époux chrétiens, pour accomplir dignement les devoirs de leur état, sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial " (GS 48, 2).

ARTICLE 6
LE SACREMENT DE L’ORDRE

1536 L’Ordre est le sacrement grâce auquel la mission confiée par le Christ à ses Apôtres continue à être exercée dans l’Église jusqu’à la fin des temps : il est donc le sacrement du ministère apostolique. Il comporte trois degrés : l’épiscopat, le presbytérat et le diaconat.

[Sur l’institution et la mission du ministère apostolique par le Christ v. N. 871 s. Ici, il n’est question que de la voie sacramentelle par laquelle est transmis ce ministère]

I. Pourquoi ce nom de sacrement de l’ordre ?

1537 Le mot Ordre, dans l’antiquité romaine, désignait des corps constitués au sens civil, surtout le corps de ceux qui gouvernent. Ordinatio désigne l’intégration dans un ordo. Dans l’Église, il y a des corps constitués que la Tradition, non sans fondements dans l’Écriture Sainte (cf. He 5, 6 ; 7, 11 ; Ps 110, 4), appelle dès les temps anciens du nom de taxeis (en grec), d’ordines : ainsi la liturgie parle de l’ordo episcoporum, de l’ordo presbyterorum, de l’ordo diaconorum. D’autres groupes, reçoivent aussi ce nom d’ordo : les catéchumènes, les vierges, les époux, les veuves...

1538 L’intégration dans un de ces corps de l’Église se faisait par un rite appelé ordinatio, acte religieux et liturgique, qui était une consécration, une bénédiction ou un sacrement. Aujourd’hui le mot ordinatio est réservé à l’acte sacramentel qui intègre dans l’ordre des évêques, des presbytres et des diacres et qui va au delà d’une simple élection, désignation, délégation ou institution par la communauté, car elle confère un don du Saint-Esprit permettant d’exercer un " pouvoir sacré " (sacra potestas : cf. LG 10) qui ne peut venir que du Christ lui-même, par son Église. L’ordination est aussi appelée consecratio car elle est une mise à part et une investiture par le Christ lui-même, pour son Église. L’imposition des mains de l’évêque, avec la prière consécratoire, constituent le signe visible de cette consécration.

II. Le sacrement de l’Ordre dans l’économie du salut

Le sacerdoce de l’Ancienne Alliance

1539 Le peuple élu fut constitué par Dieu comme " un royaume de prêtres et une nation consacrée " (Ex 19, 6 ; cf. Is 61, 6). Mais au-dedans du peuple d’Israël, Dieu choisit l’une des douze tribus, celle de Lévi, mise à part pour le service liturgique (cf. Nb 1, 48-53) ; Dieu lui-même est sa part d’héritage (cf. Jos 13, 33). Un rite propre a consacré les origines du sacerdoce de l’Ancienne Alliance (cf. Ex 29, 1-30 ; Lv 8). Les prêtres y sont " établis pour intervenir en faveur des hommes dans leur relations avec Dieu, afin d’offrir dons et sacrifices pour les péchés " (cf. He 5, 1)

1540 Institué pour annoncer la parole de Dieu (cf. Ml 2, 7-9) et pour rétablir la communion avec Dieu par les sacrifices et la prière, ce sacerdoce reste pourtant impuissant à opérer le salut, ayant besoin de répéter sans cesse les sacrifices, et ne pouvant aboutir à une sanctification définitive (cf. He 5, 3 ; 7, 27 ; 10, 1-4), que seul devait opérer le sacrifice du Christ.

1541 La liturgie de l’Église voit cependant dans le sacerdoce d’Aaron et le service des lévites, tout comme dans l’institution des soixante-dix " Anciens " (cf. Nb 11, 24-25), des préfigurations du ministère ordonné de la Nouvelle Alliance. Ainsi, dans le rite latin, l’Église prie dans la préface consécratoire de l’ordination des évêques :

Dieu et Père de Jésus Christ notre Seigneur, (...) tout au long de l’ancienne Alliance tu commençais à donner forme à ton Église ; dès l’origine, tu as destiné le peuple issu d’Abraham à devenir un peuple saint ; tu as institué des chefs et des prêtres et toujours pourvu au service de ton sanctuaire ... (Pontificale Romanum. De Ordinatione Episcopi, presbyterorum et diaconorum 47 ; ed. typica altera, Polyglotte Vaticane 1990 p. 24)

1542 Lors de l’ordination des prêtres, l’Église prie :

" Seigneur, Père très saint, ... déjà dans l’Ancienne Alliance, et comme pour annoncer les sacrements à venir, tu avais mis à la tête du peuple des grands prêtres chargés de le conduire, mais tu as aussi choisi d’autres hommes que tu as associés à leur service et qui les ont secondés dans leur tâche. C’est ainsi que tu as communiqué à soixante-dix hommes, pleins de sagesse, l’esprit que tu avais donné à Moïse, et tu as fait participer les fils d’Aaron à la consécration que leur père avait reçue " (ibid n. 159 p. 91-92).

1543 Et dans la prière consécratoire pour l’ordination des diacres, l’Église confesse :

" Père très saint ... , pour l’édification de ce temple nouveau (l’Église), tu as établi des ministres des trois ordres différents, les évêques, les prêtres et les diacres, chargés, les uns et les autres, de te servir, comme autrefois, dans l’Ancienne Alliance, pour le service de ta demeure, tu avais mis à part les fils de la tribu de Lévi et tu étais leur héritage " (ibid n. 207).

L’unique sacerdoce du Christ

1544 Toutes les préfigurations du sacerdoce de l’Ancienne Alliance trouvent leur accomplissement dans le Christ Jésus " unique médiateur entre Dieu et les hommes " (1 Tm 2, 5). Melchisédech, " prêtre du Dieu Très Haut " (Gn 14, 18), est considéré par la Tradition chrétienne comme une préfiguration du sacerdoce du Christ, unique " Grand prêtre selon l’ordre de Melchisédech " (He 5, 10 ; 6, 20), " saint, innocent, immaculé " (He 7, 26), qui, " par une oblation unique a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il sanctifie " (He 10, 14), c’est-à-dire par l’unique sacrifice de sa Croix.

1545 Le sacrifice rédempteur du Christ est unique, accompli une fois pour toutes. Et pourtant, il est rendu présent dans le sacrifice eucharistique de l’Église. Il en est de même de l’unique sacerdoce du Christ : il est rendu présent par le sacerdoce ministériel sans que soit diminuée l’unicité du sacerdoce du Christ : " Aussi le Christ est-Il le seul vrai prêtre, les autres n’étant que ses ministres " (S. Thomas d’A., Hebr. 7, 4).

Deux participations à l’unique sacerdoce du Christ

1546 Le Christ, grand prêtre et unique médiateur, a fait de l’Église " un Royaume de prêtres pour son Dieu et Père " (Ap 1, 6 ; cf. Ap 5, 9-10 ; 1 P 2, 5. 9). Toute la communauté des croyants est, comme telle, sacerdotale. Les fidèles exercent leur sacerdoce baptismal à travers leur participation, chacun selon sa vocation propre, à la mission du Christ, Prêtre, Prophète et Roi. C’est par les sacrements du Baptême et de la Confirmation que les fidèles sont " consacrés pour être ... un sacerdoce saint " (LG 10).

1547 Le sacerdoce ministériel ou hiérarchique des évêques et des prêtres, et le sacerdoce commun de tous les fidèles, bien que " l’un et l’autre, chacun selon son mode propre, participent de l’unique sacerdoce du Christ " (LG 10), diffèrent cependant essentiellement, tout en étant " ordonnés l’un à l’autre " (LG 10). En quel sens ? Alors que le sacerdoce commun des fidèles se réalise dans le déploiement de la grâce baptismale, vie de foi, d’espérance et de charité, vie selon l’Esprit, le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce commun, il est relatif au déploiement de la grâce baptismale de tous les chrétiens. Il est un des moyens par lesquels le Christ ne cesse de construire et de conduire son Église. C’est pour cela qu’il est transmis par un sacrement propre, le sacrement de l’Ordre.

En la personne du Christ-Tête (In persona Christi Capitis)...

1548 Dans le service ecclésial du ministre ordonné, c’est le Christ lui-même qui est présent à son Église en tant que Tête de son corps, Pasteur de son troupeau, grand prêtre du sacrifice rédempteur, Maître de la Vérité. C’est ce que l’Église exprime en disant que le prêtre, en vertu du sacrement de l’Ordre, agit in persona Christi Capitis (cf. LG 10 ; 28 ; SC 33 ; CD 11 ; PO 2 ; 6) :

C’est le même Prêtre, le Christ Jésus, dont en vérité le ministre tient le rôle. Si, en vérité, celui-ci est assimilé au Souverain Prêtre, à cause de la consécration sacerdotale qu’il a reçue, il jouit du pouvoir d’agir par la puissance du Christ lui-même qu’il représente (virtute ac persona ipsius Christi) (Pie XII, enc. " Mediator Dei ").

Le Christ est la source de tout le sacerdoce : car le prêtre de l’ancienne loi était figure du Christ et le prêtre de la nouvelle agit en la personne du Christ (S. Thomas d’A., s. th. 3, 22 , 4).

1549 Par le ministère ordonné, spécialement des évêques et des prêtres, la présence du Christ comme chef de l’Église, est rendue visible au milieu de la communauté des croyants (cf. LG 21). Selon la belle expression de S. Ignace d’Antioche, l’évêque est typos tou Patros, il est comme l’image vivante de Dieu le Père (Trall. 3, 1 ; cf. Magn. 6, 1).

1550 Cette présence du Christ dans le ministre ne doit pas être comprise comme si celui-ci était prémuni contre toutes les faiblesses humaines, l’esprit de domination, les erreurs, voire le péché. La force de l’Esprit Saint ne garantit pas de la même manière tous les actes des ministres. Tandis que dans les sacrements cette garantie est donnée, de sorte que même le péché du ministre ne peut empêcher le fruit de grâce, il existe beaucoup d’autres actes où l’empreinte humaine du ministre laisse des traces qui ne sont pas toujours le signe de la fidélité à l’Evangile, et qui peuvent nuire par conséquent à la fécondité apostolique de l’Église.

1551 Ce sacerdoce est ministériel. " Cette charge, confiée par le Seigneur aux pasteurs de son peuple, est un véritable service " (LG 24). Il est entièrement référé au Christ et aux hommes. Il dépend entièrement du Christ et de son sacerdoce unique, et il a été institué en faveur des hommes et de la communauté de l’Église. Le sacrement de l’Ordre communique " un pouvoir sacré ", qui n’est autre que celui du Christ. L’exercice de cette autorité doit donc se mesurer d’après le modèle du Christ qui par amour s’est fait le dernier et le serviteur de tous (cf. Mc 10, 43-45 ; 1 P 5, 3). " Le Seigneur a dit clairement que le soin apporté à son troupeau était une preuve d’amour pour Lui " (S. Jean Chrysostome, sac. 2, 4 : PG 48, 635 D ; cf. Jn 21, 15-17).

" Au nom de toute l’Église "

1552 Le sacerdoce ministériel n’a pas seulement pour tâche de représenter le Christ – Tête de l’Église – face à l’assemblée des fidèles, il agit aussi au nom de toute l’Église lorsqu’il présente à Dieu la prière de l’Église (cf. SC 33) et surtout lorsqu’il offre le sacrifice eucharistique (cf. LG 10).

1553 " Au nom de toute l’Église ", cela ne veut pas dire que les prêtres soient les délégués de la communauté. La prière et l’offrande de l’Église sont inséparables de la prière et de l’offrande du Christ, son Chef. C’est toujours le culte du Christ dans et par son Église. C’est toute l’Église, corps du Christ, qui prie et qui s’offre, " per ipsum et cum ipso et in ipso ", dans l’unité du Saint-Esprit, à Dieu le Père. Tout le corps, " caput et membra ", prie et s’offre, et c’est pourquoi ceux qui, dans le corps, en sont spécialement les ministres, sont appelés ministres non seulement du Christ, mais aussi de l’Église. C’est parce que le sacerdoce ministériel représente le Christ qu’il peut représenter l’Église.

III. Les trois degrés du sacrement de l’ordre

1554 " Le ministère ecclésiastique, institué par Dieu, est exercé dans la diversité des ordres par ceux que déjà depuis l’antiquité on appelle évêques, prêtres, diacres " (LG 28). La doctrine catholique, exprimée dans la liturgie, le magistère et la pratique constante de l’Église, reconnaît qu’il existe deux degrés de participation ministérielle au sacerdoce du Christ : l’épiscopat et le presbytérat. Le diaconat est destiné à les aider et à les servir. C’est pourquoi le terme sacerdos désigne, dans l’usage actuel, les évêques et les prêtres, mais non pas les diacres. Néanmoins, la doctrine catholique enseigne que les degrés de participation sacerdotale (épiscopat et presbytérat) et le degré de service (diaconat) sont tous les trois conférés par un acte sacramentel appelé " ordination ", c’est-à-dire par le sacrement de l’Ordre :

Que tous révèrent les diacres comme Jésus-Christ, comme aussi l’évêque, qui est l’image du Père, et les presbytres comme le sénat de Dieu et comme l’assemblée des apôtres : sans eux on ne peut parler d’Église (S. Ignace d’Antioche, Trall. 3, 1).

L’ordination épiscopale – plénitude du sacrement de l’Ordre

1555 " Parmi les différents ministères qui s’exercent dans l’Église depuis les premiers temps, la première place, au témoignage de la Tradition, appartient à la fonction de ceux qui, établis dans l’épiscopat, dont la ligne se continue depuis les origines, sont les sarments par lesquels se transmet la semence apostolique " (LG 20).

1556 Pour remplir leur haute mission, " les apôtres furent enrichis par le Christ d’une effusion spéciale de l’Esprit Saint descendant sur eux ; eux-mêmes, par l’imposition des mains, transmirent à leurs collaborateurs le don spirituel qui s’est communiqué jusqu’à nous à travers la consécration épiscopale " (LG 21).

1557 Le deuxième Concile du Vatican " enseigne que, par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre, que la coutume liturgique de l’Église et la voix des saints Pères désignent en effet sous le nom de sacerdoce suprême, de réalité totale (summa) du ministère sacré " (Ibid.).

1558 " La consécration épiscopale, en même temps que la charge de sanctifier, confère aussi des charges d’enseigner et de gouverner ... En effet, ... par l’imposition des mains et par les paroles de la consécration, la grâce de l’Esprit Saint est donnée et le caractère sacré imprimé, de telle sorte que les évêques, d’une façon éminente et visible, tiennent la place du Christ lui-même, Maître, Pasteur et Pontife et jouent son rôle (in Eius persona agant) " (ibid.). " Aussi, par l’Esprit Saint qui leur a été donné, les évêques ont-ils été constitués de vrais et authentiques maîtres de la foi, pontifes et pasteurs " (CD 2).

1559 " C’est en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres que quelqu’un est fait membre du corps épiscopal " (LG 22). Le caractère et la nature collégiale de l’ordre épiscopal se manifestent entre autres dans l’antique pratique de l’Église qui veut que pour la consécration d’un nouvel évêque plusieurs évêques participent au sacre (cf. ibid). Pour l’ordination légitime d’un Evêque, une intervention spéciale de l’Evêque de Rome est requise aujourd’hui, en raison de sa qualité de lien suprême visible de la communion des Églises particulières dans l’Église une et de garant de leur liberté.

1560 Chaque évêque a, comme vicaire du Christ, la charge pastorale de l’Église particulière qui lui a été confiée, mais en même temps il porte collégialement avec tous ses frères dans l’épiscopat la sollicitude pour toutes les Églises : " Si chaque évêque n’est pasteur propre que de la portion du troupeau confiée à ses soins, sa qualité de légitime successeur des Apôtres par institution divine le rend solidairement responsable de la mission apostolique de l’Église " (Pie XII, enc. " Fidei donum " ; cf. LG 23 ; CD 4 ; 36 ; 37 ; AG 5 ; 6 ; 38).

1561 Tout ce qu’on vient de dire explique pourquoi l’Eucharistie célébrée par l’évêque a une signification toute spéciale comme expression de l’Église réunie autour de l’autel sous la présidence de celui qui représente visiblement le Christ, Bon Pasteur et Tête de son Église (cf. SC 41 ; LG 26).

L’ordination des presbytres – coopérateurs des évêques

1562 " Le Christ, que le Père a consacré et envoyé dans le monde, a, par les apôtres, fait leurs successeurs, c’est-à-dire les évêques, participants de sa consécration et de sa mission. A leur tour, les évêques ont légitimement transmis, à divers membres de l’Église, et suivant des degrés divers, la charge de leur ministère " (LG 28). " Leur fonction ministérielle a été transmise aux prêtres à un degré subordonné : ceux-ci sont établis dans l’Ordre du presbytérat pour être les coopérateurs de l’Ordre épiscopal dans l’accomplissement de la mission apostolique confiée par le Christ " (PO 2).

1563 " La fonction des prêtres, en tant qu’elle est unie à l’Ordre épiscopal, participe à l’autorité par laquelle le Christ lui-même construit, sanctifie et gouverne son Corps. C’est pourquoi le sacerdoce des prêtres, s’il suppose les sacrements de l’initiation chrétienne, est cependant conféré au moyen du sacrement particulier qui, par l’onction du Saint-Esprit, les marque d’un caractère spécial, et les configure ainsi au Christ Prêtre pour les rendre capables d’agir au nom du Christ Tête en personne " (PO 2).

1564 " Tout en n’ayant pas charge suprême du pontificat et tout en dépendant des évêques dans l’exercice de leur pouvoir, les prêtres leur sont cependant unis dans la dignité sacerdotale ; et par la vertu du sacrement de l’Ordre, à l’image du Christ prêtre suprême et éternel (cf. He 5, 1-10 ; 7, 24 ; 9, 11-28) ils sont consacrés pour prêcher l’Evangile, pour être les pasteurs des fidèles et pour célébrer le culte divin en vrais prêtres du Nouveau Testament " (LG 28).

1565 En vertu du sacrement de l’Ordre les prêtres participent aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres. Le don spirituel qu’ils ont reçu dans l’ordination les prépare, non pas à une mission limitée et restreinte, " mais à une mission de salut d’ampleur universelle, ‘jusqu’aux extrémités de la terre’ "(PO 10), " prêts au fond du cœur à prêcher l’Evangile en quelque lieu que ce soit " (OT 20).

1566 " C’est dans le culte ou synaxe eucharistique que s’exerce par excellence leur charge sacrée : là, tenant la place du Christ et proclamant son mystère, ils joignent les demandes des fidèles au sacrifice de leur chef, rendant présent et appliquant dans le sacrifice de la messe, jusqu’à ce que le Seigneur vienne, l’unique sacrifice du Nouveau Testament, celui du Christ s’offrant une fois pour toutes à son Père en victime immaculée " (LG 28). De ce sacrifice unique, tout leur ministère sacerdotal tire sa force (cf. PO 2).

1567 " Coopérateurs avisés de l’ordre épiscopal dont ils sont l’aide et l’instrument, appelés à servir le peuple de Dieu, les prêtres constituent, avec leur évêque, un seul presbyterium aux fonctions diverses. En chaque lieu où se trouve une communauté de fidèles, ils rendent d’une certaine façon présent l’évêque auquel ils sont associés d’un cœur confiant et généreux, assumant pour leur part ses charges et sa sollicitude, et les mettant en œuvre dans leur souci quotidien des fidèles " (LG 28). Les prêtres ne peuvent exercer leur ministère qu’en dépendance de l’évêque et en communion avec lui. La promesse d’obéissance qu’ils font à l’évêque au moment de l’ordination et le baiser de paix de l’évêque à la fin de la liturgie de l’ordination signifient que l’évêque les considère comme ses collaborateurs, ses fils, ses frères et ses amis, et qu’en retour ils lui doivent amour et obéissance.

1568 " Du fait de leur ordination, qui les a fait entrer dans l’ordre du presbytérat, les prêtres sont tous intimement liés entre eux par la fraternité sacramentelle ; mais, du fait de leur affectation au service d’un diocèse en dépendance de l’évêque local, ils forment tout spécialement à ce niveau un presbyterium unique " (PO 8). L’unité du presbyterium trouve une expression liturgique dans l’usage qui veut que les presbytres imposent à leur tour les mains, après l’évêque, pendant le rite de l’ordination.

L’ordination des diacres – " en vue du service "

1569 " Au degré inférieur de la hiérarchie, se trouvent les diacres auxquels on a imposé les mains ‘non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du service’ " (LG 29 ; cf. CD 15). Pour l’ordination au diaconat, seul l’évêque impose les mains, signifiant ainsi que le diacre est spécialement rattaché à l’évêque dans les tâches de sa " diaconie " (cf. S. Hippolyte, trad. ap. 8).

1570 Les diacres participent d’une façon spéciale à la mission et à la grâce du Christ (cf. LG 41 ; AA 16). Le sacrement de l’Ordre les marque d’une empreinte (" caractère ") que nul ne peut faire disparaître et qui les configure au Christ qui s’est fait le " diacre ", c’est-à-dire le serviteur de tous (cf. Mc 10, 45 ; Lc 22, 27 ; S. Polycarpe, ep. 5, 2). Il appartient entre autres aux diacres d’assister l’évêque et les prêtres dans la célébration des divins mystères, surtout de l’Eucharistie, de la distribuer, d’assister au mariage et de le bénir, de proclamer l’Evangile et de prêcher, de présider aux funérailles et de se consacrer aux divers services de la charité (cf. LG 29 ; SC 35, § 4 ; AG 16).

1571 Depuis le deuxième Concile du Vatican, l’Église latine a rétabli le diaconat " en tant que degré propre et permanent de la hiérarchie " (LG 29), alors que les Églises d’Orient l’avaient toujours maintenu. Ce diaconat permanent, qui peut être conféré à des hommes mariés, constitue un enrichissement important pour la mission de l’Église. En effet, il est approprié et utile que des hommes qui accomplissent dans l’Église un ministère vraiment diaconal, soit dans la vie liturgique et pastorale, soit dans les œuvres sociales et caritatives " soient fortifiés par l’imposition des mains transmise depuis les apôtres et plus étroitement unis à l’autel, pour qu’ils s’acquittent de leur ministère plus efficacement, au moyen de la grâce sacramentelle du diaconat " (AG 16).

IV. La célébration de ce sacrement

1572 La célébration de l’ordination d’un évêque, de prêtres ou de diacres, de par son importance pour la vie de l’Église particulière, réclame le concours du plus grand nombre possible de fidèles. Elle aura lieu de préférence le dimanche et à la cathédrale, avec une solennité adaptée à la circonstance. Les trois ordinations, de l’évêque, du prêtre et du diacre, suivent le même mouvement. Leur place est au sein de la liturgie eucharistique.

1573 Le rite essentiel du sacrement de l’Ordre est constitué, pour les trois degrés, de l’imposition des mains par l’évêque sur la tête de l’ordinand ainsi que de la prière consécratoire spécifique qui demande à Dieu l’effusion de l’Esprit Saint et de ses dons appropriés au ministère pour lequel le candidat est ordonné (cf. Pie XII, const. ap. " Sacramentum Ordinis " : DS 3858).

1574 Comme dans tous les sacrements, des rites annexes entourent la célébration. Variant fortement dans les différentes traditions liturgiques, ils ont en commun d’exprimer les multiples aspects de la grâce sacramentelle. Ainsi, les rites initiaux, dans le rite latin, – la présentation et l’élection de l’ordinand, l’allocution de l’évêque, l’interrogatoire de l’ordinand, les litanies des saints – attestent que le choix du candidat s’est fait conformément à l’usage de l’Église et préparent l’acte solennel de la consécration, après laquelle plusieurs rites viennent exprimer et achever d’une manière symbolique le mystère qui s’est accompli : pour l’évêque et le prêtre l’onction du saint chrême, signe de l’onction spéciale du Saint-Esprit qui rend fécond leur ministère ; remise du livre des Évangiles, de l’anneau, de la mitre et de la crosse à l’évêque en signe de sa mission apostolique d’annonce de la Parole de Dieu, de sa fidélité à l’Église, épouse du Christ, de sa charge de pasteur du troupeau du Seigneur ; remise au prêtre de la patène et du calice, " l’offrande du peuple saint " qu’il est appelé à présenter à Dieu ; remise du livre des Évangiles au diacre qui vient de recevoir mission d’annoncer l’Evangile du Christ.

V. Qui peut conférer ce sacrement ?

1575 C’est le Christ qui a choisi les Apôtres et leur a donné part à sa mission et à son autorité. Élevé à la droite du Père, il n’abandonne pas son troupeau, mais le garde par les Apôtres sous sa constante protection et le dirige encore par ces mêmes pasteurs qui continuent aujourd’hui son œuvre (cf. MR, Préface des Apôtres). C’est donc le Christ " qui donne " aux uns d’être apôtres, aux autres, pasteurs (cf. Ep 4, 11). Il continue d’agir par les évêques (cf. LG 21).

1576 Puisque le sacrement de l’Ordre est le sacrement du ministère apostolique, il revient aux évêques en tant que successeurs des Apôtres, de transmettre " le don spirituel " (LG 21), " la semence apostolique " (LG 20). Les évêques validement ordonnés, c’est-à-dire qui sont dans la ligne de la succession apostolique, confèrent validement les trois degrés du sacrement de l’Ordre (cf. DS 794 et 802 ; CIC, can. 1012 ; CCEO, can. 744 ; 747).

VI. Qui peut recevoir ce sacrement ?

1577 " Seul un homme (vir) baptisé reçoit validement l’ordination sacrée " (CIC, can. 1024). Le Seigneur Jésus a choisi des hommes (viri) pour former le collège des douze apôtres (cf. Mc 3, 14-19 ; Lc 6, 12-16), et les apôtres ont fait de même lorsqu’ils ont choisi les collaborateurs (cf. 1 Tm 3, 1-13 ; 2 Tm 1, 6 ; Tt 1, 5-9) qui leur succèderaient dans leur tâche (S. Clément de Rome, Cor. 42, 4 ; 44, 3). Le collège des évêques, avec qui les prêtres sont unis dans le sacerdoce, rend présent et actualise jusqu’au retour du Christ le collège des douze. L’Église se reconnaît liée par ce choix du Seigneur lui-même. C’est pourquoi l’ordination des femmes n’est pas possible (cf. MD 26-27 ; CDF, décl. " Inter insigniores ").

1578 Nul n’a un droit à recevoir le sacrement de l’Ordre. En effet, nul ne s’arroge à soi-même cette charge. On y est appelé par Dieu (cf. He 5, 4). Celui qui croit reconnaître les signes de l’appel de Dieu au ministère ordonné, doit soumettre humblement son désir à l’autorité de l’Église à laquelle revient la responsabilité et le droit d’appeler quelqu’un à recevoir les ordres. Comme toute grâce, ce sacrement ne peut être reçu que comme un don immérité.

1579 Tous les ministres ordonnés de l’Église latine, à l’exception des diacres permanents, sont normalement choisis parmi les hommes croyants qui vivent en célibataires et qui ont la volonté de garder le célibat " en vue du Royaume des cieux " (Mt 19, 12). Appelés à se consacrer sans partage au Seigneur et à " ses affaires " (cf. 1 Co 7, 32), ils se donnent tout entier à Dieu et aux hommes. Le célibat est un signe de cette vie nouvelle au service de laquelle le ministre de l’Église est consacré ; accepté d’un cœur joyeux, il annonce de façon rayonnante le Règne de Dieu (cf. PO 16).

1580 Dans les Églises Orientales, depuis des siècles, une discipline différente est en vigueur : alors que les évêques sont choisis uniquement parmi les célibataires, des hommes mariés peuvent être ordonnés diacres et prêtres. Cette pratique est depuis longtemps considérée comme légitime ; ces prêtres exercent un ministère fructueux au sein de leurs communautés (cf. PO 16). D’ailleurs, le célibat des prêtres est très en honneur dans les Églises Orientales, et nombreux sont les prêtres qui l’ont choisi librement, pour le Royaume de Dieu. En Orient comme en Occident, celui qui a reçu le sacrement de l’Ordre ne peut plus se marier.

VII. Les effets du sacrement de l’Ordre

Le caractère indélébile

1581 Ce sacrement configure au Christ par une grâce spéciale de l’Esprit Saint, en vue de servir d’instrument du Christ pour son Église. Par l’ordination l’on est habilité à agir comme représentant du Christ, Tête de l’Église, dans sa triple fonction de prêtre, prophète et roi.

1582 Comme dans le cas du Baptême et de la Confirmation, cette participation à la fonction du Christ est accordée une fois pour toutes. Le sacrement de l’Ordre confère, lui aussi, un caractère spirituel indélébile et il ne peut pas être réitéré ni être conféré temporairement (cf. Cc. Trente : DS 1767 ; LG 21 ; 28 ; 29 ; PO 2).

1583 Un sujet validement ordonné peut, certes, pour de graves motifs, être déchargé des obligations et des fonctions liées à l’ordination ou être interdit de les exercer (cf. CIC, can. 290-293 ; 1336, § 1, 3°. 5° ; 1338, § 2), mais il ne peut plus redevenir laïc au sens strict (cf. Cc. Trente : DS 1774) car le caractère imprimé par l’ordination l’est pour toujours. La vocation et la mission reçues au jour de son ordination le marquent d’une façon permanente.

1584 Puisque en fin de compte c’est le Christ qui agit et opère le salut à travers le ministre ordonné, l’indignité de celui-ci n’empêche pas le Christ d’agir (cf. Cc. Trente : DS 1612 ; DS 1154). S. Augustin le dit avec force :

Quant au ministre orgueilleux, il est à ranger avec le diable. Le don du Christ n’en est pas pour autant profané, ce qui s’écoule à travers lui garde sa pureté, ce qui passe par lui reste limpide et vient jusqu’à la terre fertile. ... La vertu spirituelle du sacrement est en effet pareille à la lumière : ceux qui doivent être éclairés la reçoivent dans sa pureté et, si elle traverse des êtres souillés, elle ne se souille pas (Augustin, ev. Jo. 5, 15).

La grâce du Saint-Esprit

1585 La grâce du Saint-Esprit propre à ce sacrement est celle d’une configuration au Christ Prêtre, Maître et Pasteur dont l’ordonné est constitué le ministre.

1586 Pour l’évêque, c’est d’abord une grâce de force (" L’Esprit qui fait chefs " : Prière de consécration de l’évêque du rite latin – Pontificale Romanum. De Ordinatione Episcopi, presbyterorum et diaconorum, 47) : celle de guider et de défendre avec force et prudence son Église comme un père et un pasteur, avec un amour gratuit pour tous et une prédilection pour les pauvres, les malades et les nécessiteux (cf. CD 13 et 16). Cette grâce le pousse à annoncer l’Evangile à tous, à être le modèle de son troupeau, à le précéder sur le chemin de la sanctification en s’identifiant dans l’Eucharistie avec le Christ Prêtre et Victime, sans craindre de donner sa vie pour ses brebis :

Accorde, Père qui connais les cœurs, à ton serviteur que tu as choisi pour l’épiscopat, qu’il fasse paître ton saint troupeau et qu’il exerce à ton égard le souverain sacerdoce sans reproche, en te servant nuit et jour ; qu’il rende sans cesse ton visage propice et qu’il offre les dons de ta sainte Église ; qu’il ait en vertu de l’esprit du souverain sacerdoce le pouvoir de remettre les péchés suivant ton commandement, qu’il distribue les charges suivant ton ordre et qu’il délie de tout lien en vertu du pouvoir que tu as donné aux apôtres ; qu’il te plaise par sa douceur et son cœur pur, en t’offrant un parfum agréable, par ton Enfant Jésus-Christ ... (S. Hippolyte, trad. ap. 3).

1587 Le don spirituel que confère l’ordination presbytérale est exprimé par cette prière propre au rite byzantin. L’évêque, en imposant la main, dit entre autres :

Seigneur, remplis du don du Saint-Esprit celui que tu as daigné élever au degré du sacerdoce afin qu’il soit digne de se tenir sans reproche devant ton autel, d’annoncer l’Evangile de ton Royaume, d’accomplir le ministère de ta parole de vérité, de t’offrir des dons et des sacrifices spirituels, de renouveler ton peuple par le bain de la régénération ; de sorte que lui-même aille à la rencontre de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ, ton Fils unique, au jour de son second avènement, et qu’il reçoive de ton immense bonté la récompense d’une fidèle administration de son ordre (Liturgia Byzantina. 2 oratio chirotoniae presbyteralis, Euchologion, [Roma 1873] p. 136).

1588 Quant aux diacres, " la grâce sacramentelle leur donne la force nécessaire de servir le peuple de Dieu dans la ‘diaconie’ de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l’évêque et son presbyterium " (LG 29).

1589 Devant la grandeur de la grâce et de la charge sacerdotales, les saints docteurs ont ressenti l’urgent appel à la conversion afin de correspondre par toute leur vie à Celui dont le sacrement les constitue les ministres. Ainsi, S. Grégoire de Nazianze, tout jeune prêtre, s’écrie :

Il faut commencer par se purifier avant de purifier les autres ; il faut être instruit pour pouvoir instruire ; il faut devenir lumière pour éclairer, s’approcher de Dieu pour en rapprocher les autres, être sanctifié pour sanctifier, conduire par la main et conseiller avec intelligence (Or. 2, 71 : PG 35, 480B ; Or. 2, 74 : PG 46, 481B ; Or. 2, 73 : PG 35, 481A). Je sais de qui nous sommes les ministres, à quel niveau nous nous trouvons et quel est celui vers lequel nous nous dirigeons. Je connais la hauteur de Dieu et la faiblesse de l’homme, mais aussi sa force (ibid., 74). [Qui est donc le prêtre ? Il est] le défenseur de la vérité, il se dresse avec les anges, il glorifie avec les archanges, il fait monter sur l’autel d’en haut les victimes des sacrifices, il partage le sacerdoce du Christ, il remodèle la créature, il rétablit [en elle] l’image [de Dieu], il la recrée pour le monde d’en haut, et, pour dire ce qu’il y a de plus grand, il est divinisé et il divinise (ibid., 73).

Et le saint Curé d’Ars : " C’est le prêtre qui continue l’œuvre de rédemption sur la terre " ... " Si l’on comprenait bien le prêtre sur la terre, on mourrait non de frayeur, mais d’amour " ... " Le Sacerdoce, c’est l’amour du cœur de Jésus " (Nodet, Jean-Marie Vianney 100).

En bref

1590 S. Paul dit à son disciple Timothée : " Je t’invite à raviver le don que Dieu a déposé en toi par l’imposition de mes mains " (2 Tm 1, 6), et " celui qui aspire à la charge d’évêque, désire une noble fonction " (1 Tm 3, 1). A Tite, il disait : " Si je t’ai laissé en Crète, c’est pour y achever l’organisation, et pour établir dans chaque ville des presbytres, conformément à mes instructions " (Tt 1, 5).

1591 Toute l’Église est un peuple sacerdotal. Grâce au Baptême, tous les fidèles participent au sacerdoce du Christ. Cette participation s’appelle " sacerdoce commun des fidèles ". Sur sa base et à son service existe une autre participation à la mission du Christ ; celle du ministère conféré par le sacrement de l’Ordre, dont la tâche est de servir au nom et en la personne du Christ-Tête au milieu de la communauté.

1592 Le sacerdoce ministériel diffère essentiellement du sacerdoce commun des fidèles parce qu’il confère un pouvoir sacré pour le service des fidèles. Les ministres ordonnés exercent leur service auprès du peuple de Dieu par l’enseignement (munus docendi), le culte divin (munus liturgicum) et par le gouvernement pastoral (munus regendi).

1593 Depuis les origines, le ministère ordonné a été conféré et exercé à trois degrés : celui des Évêques, celui des presbytres et celui des diacres. Les ministères conférés par l’ordination sont irremplaçables pour la structure organique de l’Église : Sans l’Evêque, les presbytres et les diacres, on ne peut parler d’Église (cf. S. Ignace d’Antioche, Trall. 3,1).

1594 L’Evêque reçoit la plénitude du sacrement de l’Ordre qui l’insère dans le Collège épiscopal et fait de lui le chef visible de l’Église particulière qui lui est confiée. Les Évêques, en tant que successeurs des Apôtres et membres du Collège, ont part à la responsabilité apostolique et à la mission de toute l’Église sous l’autorité du Pape, successeur de S. Pierre.

1595 Les presbytres sont unis aux évêques dans la dignité sacerdotale et en même temps dépendent d’eux dans l’exercice de leur fonctions pastorales ; ils sont appelés à être les coopérateurs avisés des Évêques ; ils forment autour de leur Evêque le " presbyterium " qui porte avec lui la responsabilité de l’Église particulière. Ils reçoivent de l’évêque la charge d’une communauté paroissiale ou d’une fonction ecclésiale déterminée.

1596 Les diacres sont des ministres ordonnés pour les tâches de service de l’Église ; ils ne reçoivent pas le sacerdoce ministériel, mais l’ordination leur confère des fonctions importantes dans le ministère de la Parole, du culte divin, du gouvernement pastoral et du service de la charité, tâches qu’ils doivent accomplir sous l’autorité pastorale de leur Evêque.

1597 Le sacrement de l’Ordre est conféré par l’imposition des mains suivie d’une prière consécratoire solennelle qui demande à Dieu pour l’ordinand les grâces du Saint Esprit requises pour son ministère. L’ordination imprime un caractère sacramentel indélébile.

1598 L’Église confère le sacrement de l’Ordre seulement à des hommes (viris) baptisés, dont les aptitudes pour l’exercice du ministère ont été dûment reconnues. C’est à l’autorité de l’Église que revient la responsabilité et le droit d’appeler quelqu’un à recevoir les ordres.

1599 Dans l’Église latine, le sacrement de l’Ordre pour le presbytérat n’est conféré normalement qu’à des candidats qui sont prêts à embrasser librement le célibat et qui manifestent publiquement leur volonté de le garder pour l’amour du Royaume de Dieu et du service des hommes.

1600 Il revient aux Évêques de conférer le sacrement de l’Ordre dans les trois degrés.

ARTICLE 7
LE SACREMENT DU MARIAGE

1601 " L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement " (CIC, can. 1055, § 1).

I. Le Mariage dans le dessein de Dieu

1602 L’Écriture Sainte s’ouvre sur la création de l’homme et de la femme à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27) et s’achève sur la vision des " noces de l’Agneau " (Ap 19, 7. 9). D’un bout à l’autre l’Écriture parle du mariage et de son " mystère ", de son institution et du sens que Dieu lui a donné, de son origine et de sa fin, de ses réalisations diverses tout au long de l’histoire du salut, de ses difficultés issues du péché et de son renouvellement " dans le Seigneur " (1 Co 7, 39), dans l’Alliance nouvelle du Christ et de l’Église (cf. Ep 5, 31-32).

Le mariage dans l’ordre de la création

1603 " La communauté profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur. Dieu lui-même est l’auteur du mariage " (GS 48, § 1). La vocation au mariage est inscrite dans la nature même de l’homme et de la femme, tels qu’ils sont issus de la main du Créateur. Le mariage n’est pas une institution purement humaine, malgré les variations nombreuses qu’il a pu subir au cours des siècles, dans les différentes cultures, structures sociales et attitudes spirituelles. Ces diversités ne doivent pas faire oublier les traits communs et permanents. Bien que la dignité de cette institution ne transparaisse pas partout avec la même clarté (cf. GS 47, § 2), il existe cependant dans toutes les cultures un certain sens pour la grandeur de l’union matrimoniale. " Car le bien-être de la personne et de la société est étroitement lié à la prospérité de la communauté conjugale et familiale " (GS 47, § 1).

1604 Dieu qui a créé l’homme par amour, l’a aussi appelé à l’amour, vocation fondamentale et innée de tout être humain. Car l’homme est créé à l’image et à la ressemblance du Dieu (cf. Gn 1, 27) qui est lui-même Amour (cf. 1 Jn 4, 8. 16). Dieu l’ayant créé homme et femme, leur amour mutuel devient une image de l’amour absolu et indéfectible dont Dieu aime l’homme. Il est bon, très bon, aux yeux du Créateur (cf. Gn 1, 31). Et cet amour que Dieu bénit est destiné à être fécond et à se réaliser dans l’œuvre commune de la garde de la création : " Et Dieu les bénit et il leur dit : ‘Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la’ " (Gn 1, 28).

1605 Que l’homme et la femme soient créés l’un pour l’autre, l’Écriture Sainte l’affirme : " Il n’est pas bon que l’homme soit seul " (Gn 2, 18). La femme, " chair de sa chair " (cf. Gn 2, 23), son égale, toute proche de lui, lui est donnée par Dieu comme un " secours " (cf. Gn 2, 18), représentant ainsi le " Dieu en qui est notre secours " (cf. Ps 121, 2). " C’est pour cela que l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux deviennent une seule chair " (Gn 2, 24). Que cela signifie une unité indéfectible de leur deux vies, le Seigneur lui-même le montre en rappelant quel a été, " à l’origine ", le dessein du Créateur (cf. Mt 19, 4) : " Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair " (Mt 19, 6).

Le mariage sous le régime du péché

1606 Tout homme fait l’expérience du mal, autour de lui et en lui-même. Cette expérience se fait aussi sentir dans les relations entre l’homme et la femme. De tout temps, leur union a été menacée par la discorde, l’esprit de domination, l’infidélité, la jalousie et par des conflits qui peuvent aller jusqu’à la haine et la rupture. Ce désordre peut se manifester de façon plus ou moins aiguë, et il peut être plus ou moins surmonté, selon les cultures, les époques, les individus, mais il semble bien avoir un caractère universel.

1607 Selon la foi, ce désordre que nous constatons douloureusement, ne vient pas de la nature de l’homme et de la femme, ni de la nature de leurs relations, mais du péché. Rupture avec Dieu, le premier péché a comme première conséquence la rupture de la communion originelle de l’homme et de la femme. Leurs relations sont distordues par des griefs réciproques (cf. Gn 3, 12) ; leur attrait mutuel, don propre du créateur (cf. Gn 2, 22), se change en rapports de domination et de convoitise (cf. Gn 3, 16 b) ; la belle vocation de l’homme et de la femme d’être féconds, de se multiplier et de soumettre la terre (cf. Gn 1, 28) est grevée des peines de l’enfantement et du gagne-pain (cf. Gn 3, 16-19).

1608 Pourtant, l’ordre de la création subsiste, même s’il est gravement perturbé. Pour guérir les blessures du péché, l’homme et la femme ont besoin de l’aide de la grâce que Dieu, dans sa miséricorde infinie, ne leur a jamais refusée (cf. Gn 3, 21). Sans cette aide, l’homme et la femme ne peuvent parvenir à réaliser l’union de leurs vies en vue de laquelle Dieu les a créés " au commencement ".

Le mariage sous la pédagogie de la Loi

1609 Dans sa miséricorde, Dieu n’a pas abandonné l’homme pécheur. Les peines qui suivent le péché, les douleurs de l’enfantement (cf. Gn 3, 16), le travail " à la sueur de ton front " (Gn 3, 19), constituent aussi des remèdes qui limitent les méfaits du péché. Après la chute, le mariage aide à vaincre le repliement sur soi-même, l’égoïsme, la quête du propre plaisir, et à s’ouvrir à l’autre, à l’aide mutuelle, au don de soi.

1610 La conscience morale concernant l’unité et l’indissolubilité du mariage s’est développée sous la pédagogie de la Loi ancienne. La polygamie des patriarches et des rois n’est pas encore explicitement critiquée. Cependant, la Loi donnée à Moïse vise à protéger la femme contre l’arbitraire d’une domination par l’homme, même si elle porte aussi, selon la parole du Seigneur, les traces de " la dureté du cœur " de l’homme en raison de laquelle Moïse a permis la répudiation de la femme (cf. Mt 19, 8 ; Dt 24, 1).

1611 En voyant l’Alliance de Dieu avec Israël sous l’image d’un amour conjugal exclusif et fidèle (cf. Os 1-3 ; Is 54 ; 62 ; Jr 2-3 ; 31 ; Ez 16 ; 23), les prophètes ont préparé la conscience du Peuple élu à une intelligence approfondie de l’unicité et de l’indissolubilité du mariage (cf. Ml 2, 13-17). Les livres de Ruth et de Tobie donnent des témoignages émouvants du sens élevé du mariage, de la fidélité et de la tendresse des époux. La Tradition a toujours vu dans le Cantique des Cantiques une expression unique de l’amour humain en tant qu’il est reflet de l’amour de Dieu, amour " fort comme la mort " que " les torrents d’eau ne peuvent éteindre " (Ct 8, 6-7).

Le mariage dans le Seigneur

1612 L’alliance nuptiale entre Dieu et son peuple Israël avait préparé l’alliance nouvelle et éternelle dans laquelle le Fils de Dieu, en s’incarnant et en donnant sa vie, s’est uni d’une certaine façon toute l’humanité sauvée par lui (cf. GS 22), préparant ainsi " les noces de l’Agneau " (Ap 19, 7. 9).

1613 Au seuil de sa vie publique, Jésus opère son premier signe – à la demande de sa Mère – lors d’une fête de mariage (cf. Jn 2, 1-11). L’Église accorde une grande importance à la présence de Jésus aux noces de Cana. Elle y voit la confirmation de la bonté du mariage et l’annonce que désormais le mariage sera un signe efficace de la présence du Christ.

1614 Dans sa prédication, Jésus a enseigné sans équivoque le sens originel de l’union de l’homme et de la femme, telle que le Créateur l’a voulue au commencement : la permission, donnée par Moïse, de répudier sa femme, était une concession à la dureté du cœur (cf. Mt 19, 8) ; l’union matrimoniale de l’homme et de la femme est indissoluble : Dieu lui-même l’a conclue : " Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni " (Mt 19, 6).

1615 Cette insistance sans équivoque sur l’indissolubilité du lien matrimonial a pu laisser perplexe et apparaître comme une exigence irréalisable (cf. Mt 19, 10). Pourtant Jésus n’a pas chargé les époux d’un fardeau impossible à porter et trop lourd (cf. Mt 11, 29-30), plus pesant que la Loi de Moïse. En venant rétablir l’ordre initial de la création perturbé par le péché, il donne lui-même la force et la grâce pour vivre le mariage dans la dimension nouvelle du Règne de Dieu. C’est en suivant le Christ, en renonçant à eux-mêmes, en prenant leurs croix sur eux (cf. Mc 8, 34) que les époux pourront " comprendre " (cf. Mt 19, 11) le sens originel du mariage et le vivre avec l’aide du Christ. Cette grâce du Mariage chrétien est un fruit de la Croix du Christ, source de toute vie chrétienne.

1616 C’est ce que l’Apôtre Paul fait saisir en disant : " Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Église ; il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier " (Ep 5, 25-26), en ajoutant aussitôt : " ’Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair’ : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église " (Ep 5, 31-32).

1617 Toute la vie chrétienne porte la marque de l’amour sponsal du Christ et de l’Église. Déjà le Baptême, entrée dans le peuple de Dieu, est un mystère nuptial : il est, pour ainsi dire, le bain de noces (cf. Ep 5, 26-27) qui précède le repas de noces, l’Eucharistie. Le Mariage chrétien devient à son tour signe efficace, sacrement de l’alliance du Christ et de l’Église. Puisqu’il en signifie et communique la grâce, le mariage entre baptisés est un vrai sacrement de la Nouvelle Alliance (cf. DS 1800 ; CIC, can. 1055, § 2).

La virginité pour le Royaume

1618 Le Christ est le centre de toute vie chrétienne. Le lien avec Lui prend la première place devant tous les autres liens, familiaux ou sociaux (cf. Lc 14, 26 ; Mc 10, 28-31). Dès le début de l’Église, il y a eu des hommes et des femmes qui ont renoncé au grand bien du mariage pour suivre l’Agneau partout où il va (cf. Ap 14, 4), pour se soucier des choses du Seigneur, pour chercher à Lui plaire (cf. 1 Co 7, 32), pour aller au devant de l’Epoux qui vient (cf. Mt 25, 6). Le Christ lui-même a invité certains à le suivre en ce mode de vie dont Il demeure le modèle :

Il y a des eunuques qui le sont de naissance, dès le sein de leur mère ; il y a aussi des eunuques qui le sont devenus par la main des hommes ; et il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes à cause du Royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre, comprenne (Mt 19, 12).

1619 La virginité pour le Royaume des Cieux est un déploiement de la grâce baptismale, un signe puissant de la prééminence du lien au Christ, de l’attente ardente de son retour, un signe qui rappelle aussi que le mariage est une réalité de l’éon présent qui passe (cf. Mc 12, 25 ; 1 Co 7, 31).

1620 Les deux, le sacrement du Mariage et la virginité pour le Royaume de Dieu, viennent du Seigneur lui-même. C’est Lui qui leur donne sens et leur accorde la grâce indispensable pour les vivre conformément à sa volonté (cf. Mt 19, 3-12). L’estime de la virginité pour le Royaume (cf. LG 42 ; PC 12 ; OT 10) et le sens chrétien du Mariage sont inséparables et se favorisent mutuellement :

Dénigrer le mariage, c’est amoindrir du même coup la gloire de la virginité ; en faire l’éloge, c’est rehausser l’admiration qui est due à la virginité ... Car enfin, ce qui ne paraît un bien que par comparaison avec un mal ne peut être vraiment un bien, mais ce qui est mieux encore que des biens incontestés est le bien par excellence (S. Jean Chrysostome, virg. 10, 1 : PG 48, 540A) ; cf. FC 16).

II. La célébration du mariage

1621 Dans le rite latin, la célébration du mariage entre deux fidèles catholiques a normalement lieu au cours de la Sainte Messe, en raison du lien de tous les sacrements avec le Mystère Pascal du Christ (cf. SC 61). Dans l’Eucharistie se réalise le mémorial de la Nouvelle Alliance, en laquelle le Christ s’est uni pour toujours à l’Église, son épouse bien-aimée pour laquelle il s’est livré (cf. LG 6). Il est donc convenable que les époux scellent leur consentement à se donner l’un à l’autre par l’offrande de leurs propres vies, en l’unissant à l’offrande du Christ pour son Église, rendue présente dans le sacrifice eucharistique, et en recevant l’Eucharistie, afin que, communiant au même Corps et au même Sang du Christ, ils " ne forment qu’un corps " dans le Christ (cf. 1 Co 10, 17).

1622 " En tant que geste sacramentel de sanctification, la célébration liturgique du mariage ... doit être par elle-même valide, digne et fructueuse " (FC 67). Il convient donc que les futurs époux se disposent à la célébration de leur mariage en recevant le sacrement de pénitence.

1623 Selon la tradition latine, ce sont les époux qui, comme ministres de la grâce du Christ, se confèrent mutuellement le sacrement du Mariage en exprimant devant l’Église leur consentement. Dans la tradition des Eglises orientales, les prêtres ou évêques qui officient sont les témoins du consentement mutuel échangé par les époux (cf. CCEO, can. 817), mais leur bénédiction est nécessaire aussi à la validité du sacrement (cf. CCEO, can. 828).

1624 Les diverses liturgies sont riches en prières de bénédiction et d’épiclèse demandant à Dieu sa grâce et la bénédiction sur le nouveau couple, spécialement sur l’épouse. Dans l’épiclèse de ce sacrement les époux reçoivent l’Esprit Saint comme Communion d’amour du Christ et de l’Église (cf. Ep 5, 32). C’est Lui le sceau de leur alliance, la source toujours offerte de leur amour, la force où se renouvellera leur fidélité.

III. Le consentement matrimonial

1625 Les protagonistes de l’alliance matrimoniale sont un homme et une femme baptisés, libres de contracter le mariage et qui expriment librement leur consentement. " Etre libre " veut dire :

– ne pas subir de contrainte ;

– ne pas être empêché par une loi naturelle ou ecclésiastique.

1626 L’Église considère l’échange des consentements entre les époux comme l’élément indispensable " qui fait le mariage " (CIC, can. 1057, § 1). Si le consentement manque, il n’y a pas de mariage.

1627 Le consentement consiste en un " acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement " (GS 48, § 1 ; cf. CIC, can. 1057, § 2) : " Je te prends comme ma femme " – " Je te prends comme mon mari " (OcM 45). Ce consentement qui lie les époux entre eux, trouve son accomplissement en ce que les deux " deviennent une seule chair " (cf. Gn 2, 24 ; Mc 10, 8 ; Ep 5, 31).

1628 Le consentement doit être un acte de la volonté de chacun des contractants, libre de violence ou de crainte grave externe (cf. CIC, can. 1103). Aucun pouvoir humain ne peut se substituer à ce consentement (CIC, can. 1057, § 1). Si cette liberté manque, le mariage est invalide.

1629 Pour cette raison (ou pour d’autres raisons qui rendent nul et non avenu le mariage : cf. CIC, can. 1095-1107), l’Église peut, après examen de la situation par le tribunal ecclésiastique compétent, déclarer " la nullité du mariage ", c’est-à-dire que le mariage n’a jamais existé. En ce cas, les contractants sont libres de se marier, quitte à se tenir aux obligations naturelles d’une union antérieure (cf. CIC, can. 1071).

1630 Le prêtre (ou le diacre) qui assiste à la célébration du mariage, accueille le consentement des époux au nom de l’Église et donne la bénédiction de l’Église. La présence du ministre de l’Église (et aussi des témoins) exprime visiblement que le mariage est une réalité ecclésiale.

1631 C’est pour cette raison que l’Église demande normalement pour ses fidèles la forme ecclésiastique de la conclusion du mariage (cf. Cc. Trente : DS 1813-1816 ; CIC, can. 1108). Plusieurs raisons concourent à expliquer cette détermination :

– Le mariage sacramentel est un acte liturgique. Il est dès lors convenable qu’il soit célébré dans la liturgie publique de l’Église.

– Le mariage introduit dans un ordo ecclésial, il crée des droits et des devoirs dans l’Église, entre les époux et envers les enfants.

– Puisque le mariage est un état de vie dans l’Église, il faut qu’il y ait certitude sur le mariage (d’où l’obligation d’avoir des témoins).

– Le caractère public du consentement protège le " Oui " une fois donné et aide à y rester fidèle.

1632 Pour que le " Oui " des époux soit un acte libre et responsable, et pour que l’alliance matrimoniale ait des assises humaines et chrétiennes solides et durables, la préparation au mariage est de première importance :

L’exemple et l’enseignement donnés par les parents et par les familles restent le chemin privilégié de cette préparation.

Le rôle des pasteurs et de la communauté chrétienne comme " famille de Dieu " est indispensable pour la transmission des valeurs humaines et chrétiennes du mariage et de la famille (cf. CIC, can. 1063), et ceci d’autant plus qu’à notre époque beaucoup de jeunes connaissent l’expérience des foyers brisés qui n’assurent plus suffisamment cette initiation :

Il faut instruire à temps les jeunes, et de manière appropriée, de préférence au sein de la famille, sur la dignité de l’amour conjugal, sa fonction, son exercice : ainsi formés à la chasteté, ils pourront, le moment venu, s’engager dans le mariage après des fiançailles vécues dans la dignité (GS 49, § 3).

Les mariages mixtes et la disparité de culte

1633 Dans de nombreux pays, la situation du mariage mixte (entre catholique et baptisé non-catholique) se présente de façon assez fréquente. Elle demande une attention particulière des conjoints et des pasteurs. Le cas des mariages avec disparité de culte (entre catholique et non-baptisé) une circonspection plus grande encore.

1634 La différence de confession entre les conjoints ne constitue pas un obstacle insurmontable pour le mariage, lorsqu’ils parviennent à mettre en commun ce que chacun d’eux a reçu dans sa communauté, et à apprendre l’un de l’autre la façon dont chacun vit sa fidélité au Christ. Mais les difficultés des mariages mixtes ne doivent pas non plus être sous-estimées. Elles sont dues au fait que la séparation des chrétiens n’est pas encore surmontée. Les époux risquent de ressentir le drame de la désunion des chrétiens au sein même de leur foyer. La disparité de culte peut encore aggraver ces difficultés. Des divergences concernant la foi, la conception même du mariage, mais aussi des mentalités religieuses différentes, peuvent constituer une source de tensions dans le mariage, principalement à propos de l’éducation des enfants. Une tentation peut se présenter alors : l’indifférence religieuse.

1635 D’après le droit en vigueur dans l’Église latine, un mariage mixte a besoin, pour sa licéité, de la permission expresse de l’autorité ecclésiastique (cf. CIC, can. 1124). En cas de disparité de culte une dispense expresse de l’empêchement est requise pour la validité du mariage (cf. CIC, can. 1086). Cette permission ou cette dispense supposent que les deux parties connaissent et n’excluent pas les fins et les propriétés essentielles du mariage et aussi que la partie catholique confirme ses engagements, portés aussi à la connaissance explicite de la partie non catholique, de conserver sa foi et d’assurer le baptême et l’éducation des enfants dans l’Église catholique (cf. CIC, can. 1125).

1636 Dans beaucoup de régions, grâce au dialogue œcuménique, les communautés chrétiennes concernées ont pu mettre sur pied une pastorale commune pour les mariages mixtes. Sa tâche est d’aider ces couples à vivre leur situation particulière à la lumière de la foi. Elle doit aussi les aider à surmonter les tensions entre les obligations des conjoints l’un envers l’autre et envers leurs communautés ecclésiales. Elle doit encourager l’épanouissement de ce qui leur est commun dans la foi, et le respect de ce qui les sépare.

1637 Dans les mariages avec disparité de culte l’époux catholique a une tâche particulière : " Car le mari non croyant se trouve sanctifié par sa femme, et la femme non croyante se trouve sanctifiée par le mari croyant " (1 Co 7, 14). C’est une grande joie pour le conjoint chrétien et pour l’Église si cette " sanctification " conduit à la conversion libre de l’autre conjoint à la foi chrétienne (cf. 1 Co 7, 16). L’amour conjugal sincère, la pratique humble et patiente des vertus familiales et la prière persévérante peuvent préparer le conjoint non croyant à accueillir la grâce de la conversion.

IV. Les effets du sacrement du Mariage

1638 " Du mariage valide naît entre les conjoints un lien de par sa nature perpétuel et exclusif ; en outre, dans le mariage chrétien, les conjoints sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial pour les devoirs et la dignité de leur état " (CIC, can. 1134).

Le lien matrimonial

1639 Le consentement par lequel les époux se donnent et s’accueillent mutuellement, est scellé par Dieu lui-même (cf. Mc 10, 9). De leur alliance " une institution, que la loi divine confirme, naît ainsi, au regard même de la société " (GS 48, § 1). L’alliance des époux est intégrée dans l’alliance de Dieu avec les hommes : " L’authentique amour conjugal est assumé dans l’amour divin " (GS 48, § 2).

1640 Le lien matrimonial est donc établi par Dieu lui-même, de sorte que le mariage conclu et consommé entre baptisés ne peut jamais être dissout. Ce lien qui résulte de l’acte humain libre des époux et de la consommation du mariage, est une réalité désormais irrévocable et donne origine à une alliance garantie par la fidélité de Dieu. Il n’est pas au pouvoir de l’Église de se prononcer contre cette disposition de la sagesse divine (cf. CIC, can. 1141).

La grâce du sacrement du Mariage

1641 " En leur état de vie et dans leur ordre, [les époux chrétiens] ont dans le peuple de Dieu leurs dons propres " (LG 11). Cette grâce propre du sacrement du Mariage est destinée à perfectionner l’amour des conjoints, à fortifier leur unité indissoluble. Par cette grâce " ils s’aident mutuellement à se sanctifier dans la vie conjugale, dans l’accueil et l’éducation des enfants " (LG 11 ; cf. LG 41).

1642 Le Christ est la source de cette grâce. " De même que Dieu prit autrefois l’initiative d’une alliance d’amour et de fidélité avec son peuple, ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Epoux de l’Église, vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement du Mariage " (GS 48, § 2). Il reste avec eux, il leur donne la force de le suivre en prenant leur croix sur eux, de se relever après leurs chutes, de se pardonner mutuellement, de porter les uns les fardeaux des autres (cf. Ga 6, 2), d’être " soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ " (Ep 5, 21) et de s’aimer d’un amour surnaturel, délicat et fécond. Dans les joies de leur amour et de leur vie familiale il leur donne, dès ici-bas, un avant-goût du festin des noces de l’Agneau :

Où vais-je puiser la force de décrire de manière satisfaisante le bonheur du mariage que l’Église ménage, que confirme l’offrande, que scelle la bénédiction ; les anges le proclament, le Père céleste le ratifie... Quel couple que celui de deux chrétiens, unis par une seule espérance, un seul désir, une seule discipline, le même service ! Tous deux enfants d’un même Père, serviteurs d’un même Maître ; rien ne les sépare, ni dans l’esprit ni dans la chair ; au contraire, ils sont vraiment deux en une seule chair. Là où la chair est une, un aussi est l’esprit (Tertullien, ux. 2, 9 ; cf. FC 13).

V. Les biens et les exigences de l’amour conjugal

1643 " L’amour conjugal comporte une totalité où entrent toutes les composantes de la personne – appel du corps et de l’instinct, force du sentiment et de l’affectivité, aspiration de l’esprit et de la volonté – ; il vise une unité profondément personnelle, celle qui, au-delà de l’union en une seule chair, conduit à ne faire qu’un cœur et qu’une âme ; il exige l’indissolubilité et la fidélité dans la donation réciproque définitive ; et il s’ouvre sur la fécondité. Il s’agit bien des caractéristiques normales de tout amour conjugal naturel, mais avec une signification nouvelle qui, non seulement les purifie et les consolide, mais les élève au point d’en faire l’expression de valeurs proprement chrétiennes " (FC 13).

L’unité et l’indissolubilité du mariage

1644 L’amour des époux exige, par sa nature même, l’unité et l’indissolubilité de leur communauté de personnes qui englobe toute leur vie : " ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair " (Mt 19, 6 ; cf. Gn 2, 24). " Ils sont appelés à grandir sans cesse dans leur communion à travers la fidélité quotidienne à la promesse du don mutuel total que comporte le mariage " (FC 19). Cette communion humaine est confirmée, purifiée et parachevée par la communion en Jésus-Christ donnée par le sacrement de Mariage. Elle s’approfondit par la vie de la foi commune et par l’Eucharistie reçue en commun.

1645 " L’égale dignité personnelle qu’il faut reconnaître à la femme et à l’homme dans l’amour plénier qu’ils se portent l’un à l’autre fait clairement apparaître l’unité du mariage, confirmée par le Seigneur " (GS 49, § 2). La polygamie est contraire à cette égale dignité et à l’amour conjugal qui est unique et exclusif (cf. FC 19).

La fidélité de l’amour conjugal

1646 L’amour conjugal exige des époux, de par sa nature même, une fidélité inviolable. Ceci est la conséquence du don d’eux-mêmes que se font l’un à l’autre les époux. L’amour veut être définitif. Il ne peut être " jusqu’à nouvel ordre ". " Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité " (GS 48, § 1).

1647 Le motif le plus profond se trouve dans la fidélité de Dieu à son alliance, du Christ à son Église. Par le sacrement de mariage les époux sont habilités à représenter cette fidélité et à en témoigner. Par le sacrement, l’indissolubilité du mariage reçoit un sens nouveau et plus profond.

1648 Il peut paraître difficile, voire impossible, de se lier pour la vie à un être humain. Il est d’autant plus important d’annoncer la bonne nouvelle que Dieu nous aime d’un amour définitif et irrévocable, que les époux ont part à cet amour, qu’il les porte et les soutient, et que par leur fidélité ils peuvent être les témoins de l’amour fidèle de Dieu. Les époux qui, avec la grâce de Dieu, donnent ce témoignage, souvent dans des conditions bien difficiles, méritent la gratitude et le soutien de la communauté ecclésiale (cf. FC 20).

1649 Il existe cependant des situations où la cohabitation matrimoniale devient pratiquement impossible pour des raisons très diverses. En de tels cas, l’Église admet la séparation physique des époux et la fin de la cohabitation. Les époux ne cessent pas d’être mari et femme devant Dieu ; ils ne sont pas libres de contracter une nouvelle union. En cette situation difficile, la solution la meilleure serait, si possible, la réconciliation. La communauté chrétienne est appelée à aider ces personnes à vivre chrétiennement leur situation, dans la fidélité au lien de leur mariage qui reste indissoluble (cf. FC 83 ; CIC, can. 1151-1155).

1650 Nombreux sont aujourd’hui, dans bien des pays, les catholiques qui ont recours au divorce selon les lois civiles et qui contractent civilement une nouvelle union. L’Église maintient, par fidélité à la parole de Jésus Christ (" Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à l’égard de la première ; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère " : Mc 10, 11-12), qu’elle ne peut reconnaître comme valide une nouvelle union, si le premier mariage l’était. Si les divorcés sont remariés civilement, ils se trouvent dans une situation qui contrevient objectivement à la loi de Dieu. Dès lors ils ne peuvent pas accéder à la communion eucharistique, aussi longtemps que persiste cette situation. Pour la même raison ils ne peuvent pas exercer certaines responsabilités ecclésiales. La réconciliation par le sacrement de pénitence ne peut être accordée qu’à ceux qui se sont repentis d’avoir violé le signe de l’Alliance et de la fidélité au Christ, et se sont engagés à vivre dans une continence complète.

1651 A l’égard des chrétiens qui vivent en cette situation et qui souvent gardent la foi et désirent élever chrétiennement leurs enfants, les prêtres et toute la communauté doivent faire preuve d’une sollicitude attentive, afin qu’ils ne se considèrent pas comme séparés de l’Église, à la vie de laquelle ils peuvent et doivent participer en tant que baptisés :

On les invitera à écouter la Parole de Dieu, à assister au Sacrifice de la messe, à persévérer dans la prière, à apporter leur contribution aux œuvres de charité et aux initiatives de la communauté en faveur de la justice, à élever leurs enfants dans la foi chrétienne, à cultiver l’esprit de pénitence et à en accomplir les actes, afin d’implorer, jour après jour, la grâce de Dieu (FC 84).

L’ouverture à la fécondité

1652 " C’est par sa nature même que l’institution du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l’éducation qui, tel un sommet, en constituent le couronnement " (GS 48, § 1) :

Les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux-mêmes. Dieu lui-même qui a dit : " Il n’est pas bon que l’homme soit seul " (Gn 2, 18) et qui " dès l’origine a fait l’être humain homme et femme " (Mt 19, 4), a voulu lui donner une participation spéciale dans son œuvre créatrice ; aussi a-t-il béni l’homme et la femme, disant : " Soyez féconds et multipliez-vous " (Gn 1, 28). Dès lors, un amour conjugal vrai et bien compris, comme toute la structure de la vie familiale qui en découle, tendent, sans sous-estimer pour autant les autres fins du mariage, à rendre les époux disponibles pour coopérer courageusement à l’amour du Créateur et du Sauveur qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille (GS 50, § 1).

1653 La fécondité de l’amour conjugal s’étend aux fruits de la vie morale, spirituelle et surnaturelle que les parents transmettent à leurs enfants par l’éducation. Les parents sont les principaux et premiers éducateurs de leurs enfants (cf. GE 3). En ce sens, la tâche fondamentale du mariage et de la famille est d’être au service de la vie (cf. FC 28).

1654 Les époux auxquels Dieu n’a pas donné d’avoir des enfants, peuvent néanmoins avoir une vie conjugale pleine de sens, humainement et chrétiennement. Leur mariage peut rayonner d’une fécondité de charité, d’accueil et de sacrifice.

VI. L’Église domestique

1655 Le Christ a voulu naître et grandir au sein de la Sainte Famille de Joseph et de Marie. L’Église n’est autre que la " famille de Dieu ". Dès ses origines, le noyau de l’Église était souvent constitué par ceux qui, " avec toute leur maison ", étaient devenus croyants (cf. Ac 18, 8). Lorsqu’ils se convertissaient, ils désiraient aussi que " toute leur maison " soit sauvée (cf. Ac 16, 31 et 11, 14). Ces familles devenues croyantes étaient des îlots de vie chrétienne dans un monde incroyant.

1656 De nos jours, dans un monde souvent étranger et même hostile à la foi, les familles croyantes sont de première importance, comme foyers de foi vivante et rayonnante. C’est pour cela que le IIe Concile du Vatican appelle la famille, avec une vielle expression, " Ecclesia domestica " (LG 11 ; cf. FC 21). C’est au sein de la famille que les parents sont " par la parole et par l’exemple ... pour leurs enfants les premiers hérauts de la foi, au service de la vocation propre de chacun et tout spécialement de la vocation sacrée " (LG 11).

1657 C’est ici que s’exerce de façon privilégiée le sacerdoce baptismal du père de famille, de la mère, des enfants, de tous les membres de la famille, " par la réception des sacrements, la prière et l’action de grâce, le témoignage d’une vie sainte, et par leur renoncement et leur charité effective " (LG 10). Le foyer est ainsi la première école de vie chrétienne et " une école d’enrichissement humain " (GS 52, § 1). C’est ici que l’on apprend l’endurance et la joie du travail, l’amour fraternel, le pardon généreux, même réitéré, et surtout le culte divin par la prière et l’offrande de sa vie.

1658 Il faut encore faire mémoire de certaines personnes qui sont, à cause des conditions concrètes dans lesquelles elles doivent vivre – et souvent sans l’avoir voulu, – particulièrement proches du cœur de Jésus et qui méritent donc affection et sollicitude empressée de l’Église et notamment des pasteurs : le grand nombre de personnes célibataires. Beaucoup d’entre elles restent sans famille humaine, souvent à cause des conditions de pauvreté. Il y en a qui vivent leur situation dans l’esprit des Béatitudes, servant Dieu et le prochain de façon exemplaire. A elles toutes il faut ouvrir les portes des foyers, " Églises domestiques ", et de la grande famille qu’est l’Église. " Personne n’est sans famille en ce monde : l’Église est la maison et la famille de tous, en particulier de ceux qui ‘peinent et ploient sous le fardeau’ (Mt 11, 28) " (FC 85).

En bref

1659 S. Paul dit : " Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Église... Ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église " (Ep 5, 25. 32).

1660 L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une intime communauté de vie et d’amour, a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur. De par sa nature elle est ordonnée au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants. Elle a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement (cf. GS 48, § 1 ; CIC, can. 1055, § 1).

1661 Le sacrement du mariage signifie l’union du Christ et de l’Église. Il donne aux époux la grâce de s’aimer de l’amour dont le Christ a aimé son Église ; la grâce du sacrement perfectionne ainsi l’amour humain des époux, affermit leur unité indissoluble et les sanctifie sur le chemin de la vie éternelle (cf. Cc. Trente : DS 1799).

1662 Le mariage se fonde sur le consentement des contractants, c’est à dire sur la volonté de se donner mutuellement et définitivement dans le but de vivre une alliance d’amour fidèle et fécond.

1663 Puisque le mariage établit les conjoints dans un état public de vie dans l’Église, il convient que sa célébration soit publique, dans le cadre d’une célébration liturgique, devant le prêtre (ou le témoin qualifié de l’Église), les témoins et l’assemblée des fidèles.

1664 L’unité, l’indissolubilité et l’ouverture à la fécondité sont essentielles au mariage. La polygamie est incompatible avec l’unité du mariage ; le divorce sépare ce que Dieu a uni ; le refus de la fécondité détourne la vie conjugale de son " don le plus excellent ", l’enfant (GS 50, § 1).

1665 Le remariage des divorcés du vivant du conjoint légitime contrevient au Dessein et à la Loi de Dieu enseignés par le Christ. Ils ne sont pas séparés de l’Église, mais ils ne peuvent accéder à la communion eucharistique. Ils mèneront leur vie chrétienne notamment en éduquant leurs enfants dans la foi.

1666 Le foyer chrétien est le lieu où les enfants reçoivent la première annonce de la foi. Voila pourquoi la maison familiale est appelée à bon droit " l’Église domestique ", communauté de grâce et de prière, école des vertus humaines et de la charité chrétienne.

CHAPITRE QUATRIÈME
LES AUTRES CÉLÉBRATIONS LITURGIQUES

ARTICLE 1
LES SACRAMENTAUX

1667 " La sainte Mère Église a institué des sacramentaux, qui sont des signes sacrés par lesquels, selon une certaine imitation des sacrements, des effets surtout spirituels sont signifiés et sont obtenus par la prière de l’Église. Par eux, les hommes sont disposés à recevoir l’effet principal des sacrements, et les diverses circonstances de la vie sont sanctifiées " (SC 60 ; cf. CIC, can. 1166 ; CCEO, can. 867)

Les traits caractéristiques des sacramentaux

1668 Ils sont institués par l’Église en vue de la sanctification de certains ministères de l’Église, de certains états de vie, de circonstances très variées de la vie chrétienne, ainsi que de l’usage des choses utiles à l’homme. Selon les décisions pastorales des évêques, ils peuvent aussi répondre aux besoins, à la culture et à l’histoire propres au peuple chrétien d’une région ou d’une époque. Ils comportent toujours une prière, souvent accompagnée d’un signe déterminé, comme l’imposition de la main, le signe de la croix, l’aspersion d’eau bénite (qui rappelle le Baptême).

1669 Ils relèvent du sacerdoce baptismal : tout baptisé est appelé à être une " bénédiction " (cf. Gn 12, 2) et à bénir (cf. Lc 6, 28 ; Rm 12, 14 ; 1 P 3, 9). C’est pourquoi des laïcs peuvent présider certaines bénédictions (cf. SC 79 ; CIC, can. 1168) ; plus une bénédiction concerne la vie ecclésiale et sacramentelle, plus sa présidence est réservée au ministère ordonné (évêques, prêtres ou diacres ; cf. De Benedictionibus, Praenotanda generalia 16 et 18, ed. typica 1984 p. 13-15).

1670 Les sacramentaux ne confèrent pas la grâce de l’Esprit saint à la manière des sacrements, mais par la prière de l’Église ils préparent à recevoir la grâce et disposent à y coopérer. " Chez les fidèles bien disposés, presque tous les événements de la vie sont sanctifiés par la grâce divine qui découle du Mystère pascal de la Passion, de la Mort et de la Résurrection du Christ, car c’est de lui que tous les sacrements et sacramentaux tirent leur vertu ; et il n’est à peu près aucun usage honorable des choses matérielles qui ne puisse être dirigé vers cette fin : la sanctification de l’homme et la louange de Dieu " (SC 61).

Les formes variées des sacramentaux

1671 Parmi les sacramentaux figurent d’abord les bénédictions (de personnes, de la table, d’objets, de lieux). Toute bénédiction est louange de Dieu et prière pour obtenir ses dons. Dans le Christ, les chrétiens sont bénis par Dieu le Père " de toutes sortes de bénédictions spirituelles " (Ep 1, 3). C’est pourquoi l’Église donne la bénédiction en invoquant le nom de Jésus et en faisant habituellement le signe saint de la Croix du Christ.

1672 Certaines bénédictions ont une portée durable : elles ont pour effet de consacrer des personnes à Dieu et de réserver à l’usage liturgique des objets et des lieux. Parmi celles qui sont destinées à des personnes – à ne pas confondre avec l’ordination sacramentelle – figurent la bénédiction de l’abbé ou de l’abbesse d’un monastère, la consécration des vierges et des veuves, le rite de la profession religieuse et les bénédictions pour certains ministères d’Église (lecteurs, acolytes, catéchistes, etc.). Comme exemple de celles qui concernent des objets, on peut signaler la dédicace ou la bénédiction d’une église ou d’un autel, la bénédiction des saintes huiles, des vases et des vêtements sacrés, des cloches, etc.

1673 Quand l’Église demande publiquement et avec autorité, au nom de Jésus-Christ, qu’une personne ou un objet soit protégé contre l’emprise du Malin et soustrait à son empire, on parle d’exorcisme. Jésus l’a pratiqué (cf. Mc 1, 25-26), c’est de lui que l’Église tient le pouvoir et la charge d’exorciser (cf. Mc 3, 15 ; 6, 7. 13 ; 16,17). Sous une forme simple, l’exorcisme est pratiqué lors de la célébration du Baptême. L’exorcisme solennel, appelé " grand exorcisme ", ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l’évêque. Il faut y procéder avec prudence, en observant strictement les règles établies par l’Église. L’exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l’emprise démoniaque et cela par l’autorité spirituelle que Jésus a confié à son Église. Très différent est le cas des maladies, surtout psychiques, dont le soin relève de la science médicale. Il est important, donc, de s’assurer, avant de célébrer l’exorcisme, qu’il s’agit d’une présence du Malin, et non pas d’une maladie. (cf. CIC, can. 1172).

La religiosité populaire

1674 Hors de la Liturgie sacramentelle et des sacramentaux, la catéchèse doit tenir compte des formes de la piété des fidèles et de la religiosité populaire. Le sens religieux du peuple chrétien a , de tout temps, trouvé son expression dans des formes variées de piété qui entourent la vie sacramentelle de l’Église, tels que la vénération des reliques, les visites aux sanctuaires, les pèlerinages, les processions, le chemin de croix, les danses religieuses, le rosaire, les médailles, etc. (cf. Cc. Nicée II : DS 601 ; 603 ; Cc. Trente : DS 1822).

1675 Ces expressions prolongent la vie liturgique de l’Église, mais ne la remplacent pas : " Ils doivent être réglés en tenant compte des temps liturgiques et de façon à s’harmoniser avec la liturgie, à en découler d’une certaine manière et à y introduire le peuple, parce que la liturgie, de sa nature, leur est de loin supérieure " (SC 13).

1676 Un discernement pastoral est nécessaire pour soutenir et appuyer la religiosité populaire et, le cas échéant, pour purifier et rectifier le sens religieux qui sous-tend ces dévotions et pour les faire progresser dans la connaissance du Mystère au Christ (cf. CT 54). Leur exercice est soumis au soin et au jugement des évêques et aux normes générales de l’Église (cf. CT 54).

La religiosité populaire, pour l’essentiel, est un ensemble de valeurs qui, avec sagesse chrétienne, répond aux grandes interrogations de l’existence. Le bon sens populaire catholique est fait de capacité de synthèse pour l’existence. C’est ainsi qu’il fait aller ensemble, de façon créative, le divin et l’humain, le Christ et Marie, l’esprit et le corps, la communion et l’institution, la personne et la communauté, la foi et la patrie, l’intelligence et le sentiment. Cette sagesse est un humanisme chrétien qui affirme radicalement la dignité de tout être comme fils de Dieu, instaure une fraternité fondamentale, apprend à rencontrer la nature comme à comprendre le travail, et donne des raisons de vivre dans la joie et la bonne humeur, même aux milieu des duretés de l’existence. Cette sagesse est aussi pour le peuple un principe de discernement, un instinct évangélique qui lui fait percevoir spontanément quand l’Evangile est le premier servi dans l’Église, ou quand il est vidé de son contenu et asphyxié par d’autres intérêts (Document de Puebla ; cf. EN 48).

En bref

1677 On appelle sacramentaux les signes sacrés instituées par l’Église dont le but est de préparer les hommes à recevoir le fruit des sacrements et de sanctifier les différentes circonstances de la vie.

1678 Parmi les sacramentaux, les bénédictions occupent une place importante. Elles comportent à la fois la louange de Dieu pour ses œuvres et ses dons, et l’intercession de l’Église afin que les hommes puissent faire usage des dons de Dieu selon l’esprit de l’Evangile.

1679 En plus de la Liturgie, la vie chrétienne se nourrit des formes variées de piété populaire, enracinées dans les différentes cultures. Tout en veillant à les éclairer par la lumière de la foi, l’Église favorise les formes de religiosité populaire qui expriment un instinct évangélique et une sagesse humaine et qui enrichissent la vie chrétienne.

ARTICLE 2
LES FUNÉRAILLES CHRÉTIENNES

1680 Tous les sacrements, et principalement ceux de l’initiation chrétienne, avaient pour but la dernière Pâque de l’enfant de Dieu, celle qui, par la mort, le fait entrer dans la Vie du Royaume. Alors s’accomplit ce qu’il confessait dans la foi et dans l’espérance : " J’attends la Résurrection des morts et la Vie du monde à venir " (Symbole de Nicée-Constantinople).

I. La dernière Pâque du Chrétien

1681 Le sens chrétien de la mort est révélé dans la lumière du Mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ, en qui repose notre unique espérance. Le chrétien qui meurt dans le Christ Jésus " quitte ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur " (2 Co 5, 8).

1682 Le jour de la mort inaugure pour le chrétien, au terme de sa vie sacramentelle, l’achèvement de sa nouvelle naissance commencée au Baptême, la " ressemblance " définitive à " l’image du Fils " conférée par l’Onction de l’Esprit Saint et la participation au Festin du Royaume qui était anticipée dans l’Eucharistie, même si d’ultimes purifications lui sont encore nécessaires pour revêtir la robe nuptiale.

1683 L’Église qui, comme Mère, a porté sacramentellement en son sein le chrétien durant son pèlerinage terrestre, l’accompagne au terme de son cheminement pour le remettre " entre les mains du Père ". Elle offre au Père, dans le Christ, l’enfant de sa grâce, et elle dépose en terre, dans l’espérance, le germe du corps qui ressuscitera dans la gloire (cf. 1 Co 15, 42-44). Cette offrande est pleinement célébrée par le Sacrifice eucharistique ; les bénédictions qui précèdent et qui suivent sont des sacramentaux.

II. La célébration des funérailles

1684 Les funérailles chrétiennes sont une célébration liturgique de l’Eglise. Par celle-ci, le ministère de l’Église a en vue dans ce cas aussi bien d’exprimer la communion efficace avec le défunt que d’y faire participer la communauté rassemblée pour les obsèques et de lui annoncer la vie éternelle.

1685 Les différents rites des funérailles expriment le caractère Pascal de la mort chrétienne et répondent aux situations et aux traditions de chaque région, même en ce qui concerne la couleur liturgique (cf. SC 81).

1686 L’Ordo exsequiarum (OEx) de la liturgie romaine propose trois types de célébration des funérailles, correspondant aux trois lieux de son déroulement (la maison, l’église, le cimetière), et selon l’importance qu’y attachent la famille, les coutumes locales, la culture et la piété populaire. Ce déroulement est d’ailleurs commun à toutes les traditions liturgiques et il comprend quatre moments principaux :

1687 L’accueil de la communauté. Une salutation de foi ouvre la célébration. Les proches du défunt sont accueillis par une parole de " consolation " (au sens du Nouveau Testament : la force de l’Esprit Saint dans l’espérance ; cf. 1 Th 4, 18). La communauté priante qui se rassemble attend aussi " les paroles de la vie éternelle ". La mort d’un membre de la communauté (ou le jour anniversaire, le septième ou le trentième jour) est un événement qui doit faire dépasser les perspectives de " ce monde-ci " et attirer les fidèles dans les véritables perspectives de la foi au Christ ressuscité.

1688 La Liturgie de la Parole, lors de funérailles, exige une préparation d’autant plus attentive que l’assemblée alors présente peut comprendre des fidèles peu assidus à la liturgie et des amis du défunt qui ne sont pas chrétiens. L’homélie, en particulier, doit " éviter le genre littéraire de l’éloge funèbre " (OEx 41) et illuminer le mystère de la mort chrétienne dans la lumière du Christ ressuscité.

1689 Le Sacrifice eucharistique. Lorsque la célébration a lieu dans l’église, l’Eucharistie est le cœur de la réalité Pascale de la mort chrétienne (cf. OEx 1). C’est alors que l’Église exprime sa communion efficace avec le défunt : offrant au Père, dans l’Esprit Saint, le sacrifice de la mort et de la résurrection du Christ, elle lui demande que son enfant soit purifié de ses péchés et de ses conséquences et qu’il soit admis à la plénitude Pascale de la table du Royaume (cf. OEx 57). C’est par l’Eucharistie ainsi célébrée que la communauté des fidèles, spécialement la famille du défunt, apprend à vivre en communion avec celui qui " s’est endormi dans le Seigneur ", en communiant au Corps du Christ dont il est membre vivant et en priant ensuite pour lui et avec lui.

1690 L’adieu (" à-Dieu ") au défunt est sa " recommandation à Dieu " par l’Église. C’est " le dernier adieu par lequel la communauté chrétienne salue un de ses membres avant que le corps de celui-ci ne soit porté à sa tombe " (OEx 10). La tradition byzantine l’exprime par le baiser d’adieu au défunt :

Par ce salut final " on chante pour son départ de cette vie et pour sa séparation, mais aussi parce qu’il y a une communion et une réunion. En effet, morts nous ne sommes nullement séparés les uns des autres, car tous nous parcourons le même chemin et nous nous retrouverons dans le même lieu. Nous ne serons jamais séparés, car nous vivons pour le Christ, et maintenant nous sommes unis au Christ, allant vers lui... nous serons tous ensemble dans le Christ " (Saint Syméon de Thessalonique, De ordine sepulturae, 367 : PG 155, 685B).